[LP] Will Stratton – Rosewood Almanac

Jamais le songwriting de Will Stratton n’aura été aussi parfait que sur ce nouvel album ; car, en plus d’enrichir son folk déjà magnifique et d’orner ses histoires et émotions de décorations subtiles et acoustiques, l’artiste se transforme sous nos yeux en chef d’un orchestre certes minimaliste, mais donnant une ampleur sensitive généreuse et merveilleuse à ses chansons et contes de la vie ordinaire.

Depuis maintenant dix ans, le New-Yorkais Will Stratton ne cesse de nous bouleverser à travers des disques à la dimension intime omniprésente et touchant droit au cœur ; un peu comme s’il nous était possible de reconnaître en lui notre meilleur ami, celui avec lequel on s’assied à une table, dans le recoin le plus sombre d’un pub à peine éclairé, un verre de vin à la main, pour discuter de tout et de rien, mais surtout pour se confier à lui autant que pour l’écouter. Une proximité immuable et qui, avec « Rosewood Almanac », semble s’ouvrir pour regarder ce qui se passe à l’extérieur, dans les rues nocturnes d’une ville dont l’immensité est ici réduite et confidentielle, tout en invitant chacun à nous rejoindre, à commander un cocktail et se sentir chez soi, l’espace de quelques précieuses minutes. Ce que réalise le compositeur sur ce nouvel album tient du miracle, conciliant les secrets et les révélations avec un naturel qui fascine et subjugue.

« Light Blue » marque un virage important dans la carrière du songwriter, incarné par les harmonies subtiles et omniprésentes de percussions liquides et légères, avant que le folk ne reprenne ses marques sur « Thick Skin ». Mais l’on sait d’ores et déjà que quelque chose a changé, qu’une mue s’est effectuée en quelques mois chez ce créateur que nous chérissons d’autant plus aujourd’hui : les cordes s’invitent au bal, d’abord discrètes (« Vanishing Class ») puis, bientôt, d’une importance capitale dans la transmission immédiate des impressions et ressentis (« Some Ride »). Alternant ces envolées passionnantes avec des passages plus légers et rythmés (« Manzanita ») ou d’une douceur bouleversante (« I See You »), Will Stratton déploie son écriture d’une main assurée et précise, demeurant le maître de lieux que lui seul connaît sur le bout des doigts et dans lesquels il nous entraîne, en toute amitié et confiance.

« I love the way that we grow old », nous dit-il dans cet incontournable opus ; nul doute que lui assume parfaitement l’âge qui grandit en lui, la maturité qui ne cesse d’épouser les contours de ses guitares hypnotiques et de sa voix qui nous fait frissonner autant qu’elle nous console. Quelques bougies, un écran sur lequel de vieux films en noir et blanc passent, abîmés par le temps, mais où la vieillesse n’a aucune emprise. Telles sont les odes de Will Stratton : éternelles et inoubliables, gravées dans le marbre de la musique moderne. Une pièce mélodique lumineuse et vibrante, que l’on n’est pas prêt d’oublier ni de cesser d’écouter.

crédit : Josh Goleman

« Rosewood Almanac » de Will Stratton est disponible depuis le 12 mai 2017 chez Bella Union / [PIAS].


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Raphaël Duprez

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