[Interview] Tom Vermeir à propos du film Belgica

Belgica est un film sex, drugs & rock’n’roll détonant, emmené par la prestation de Tom Vermeir qui nous parle de son rôle, de théâtre et de musique.

Stef Aerts, Tom Vermeir et Boris Van Severen - crédit : Thomas Dhanens
Stef Aerts, Tom Vermeir et Boris Van Severen – crédit : Thomas Dhanens

La Flandre nous remet ça. Terre promise de la musique et du cinéma qui décoiffent, son film Belgica, tout juste sorti en France le 2 mars dernier, ne fera pas mentir cette croyance qui s’est transformée, lentement mais sûrement et au fil des années, en pure réalité.
Long-métrage de Felix Van Groeningen, coécrit avec Arne Sierens, qui avait été très attendu l’hiver dernier dans un plat pays qui ne manque certainement pas de relief artistique, Belgica est un hommage à la ferveur et à la fièvre des nuits gantoises, dont l’épicentre sismique a été et reste le club Le Charlatan.
Un lieu créé et qui fut tenu dans les années 90 par le père du réalisateur lui-même. Qui donc pouvait mieux reconstituer l’ambiance de ces moments illuminés et immortels et lui rendre un hommage aussi réussi, tant sur le fond que sur la forme ? Sans compter que Van Groeningen (La Merditude des choses, Alabama Monroe – César du meilleur film étranger en 2014 et nommé aux Oscars la même année) a su s’entourer des meilleurs (Belges), à commencer par les deux acteurs Tom Vermeir (acteur de théâtre et ex-leader de feu le groupe rock A Brand) et Stef Aerts, de seconds rôles tout aussi cruciaux, de figurants criants (dans tous les sens du terme) de vérité et des deux dieux belges des platines et des potards, à savoir David et Stephen Dewaele, alias Soulwax.
De concert avec le travail méticuleux de Ruben Impens (directeur de la photo) et le montage savamment rythmé de Nico Leunen, Belgica nous échauffe durant 127 minutes et nous réchauffe par 127 degrés Fahrenheit avec un film tendu comme une corde de guitare dont les vibratos, parfois pathos, sont autant de respirations dans cette course haletante aux émotions.
Un film à voir, à boire et à écouter, dont Tom Vermeir (Frank dans le film) nous parle les yeux encore brillants, notamment de cette première expérience cinématographique en tous points de vue réussie.

Tom Vermeir
Tom Vermeir
  • Bonjour Tom. Tu es Flamand, musicien et acteur de théâtre. Comment t’es-tu retrouvé sur le casting de Belgica, dont tu tiens l’un des deux rôles principaux avec Stef Aerts ?

Salut Nicolas. Gordijnen voor Konijnen (Rideaux pour les lapins) a été ma toute première compagnie de théâtre, que j’avais créée quand j’ai commencé à jouer à l’âge de 21 ans. Elle n’a, hélas, duré que deux ans. J’ai continué en free-lance avec d’autres compagnies, j’ai beaucoup voyagé, j’ai été prof de plongée, journaliste culinaire et, en 2004, on a démarré le groupe A Brand. J’ai arrêté le théâtre pour me consacrer au groupe jusqu’à ce que l’on splitte en 2013. Deux ans après, le théâtre me manquait et j’ai repris cette fois-ci avec la Compagnie Cecilia, celle du coscénariste de Belgica, Arne Sierens (NDLR : qui tient le rôle du vendeur de voiture dans le film). Felix Van Groeningen et Arne avaient bossé ensemble autrefois. Felix m’avait vu jouer dans quelques pièces d’Arne. Il avait beaucoup aimé, et c’est ainsi qu’il m’a proposé le rôle de Frank dans le film !

  • C’est ton premier rôle au cinéma ; comment as-tu vécu cette expérience par rapport au théâtre ?

Pour moi, cela a été une sensation géniale que de découvrir un nouveau terrain de jeu pour développer mon travail d’acteur. Je veux continuer dans le ciné, car il y a plein de super trucs à découvrir. La mise en place de mon personnage s’est faite plus ou moins de la même manière que cela peut se faire au théâtre. J’ai regardé des photos et des gens que je trouvais inspirants pour un tel rôle, j’ai commencé à marmonner dans ma baignoire (haha), développé une façon de parler et, après un certain temps, je suis devenu proche du personnage que je suis censé personnifier. Au théâtre, la démarche de ne plus faire qu’un avec le personnage se termine dès la représentation d’ouverture. Après, il suffit de reproduire et de se laisser aller. Pendant le tournage de Belgica, j’ai été ce Frank pendant deux mois et demi. Cela a été une expérience très intense. Mais… j’aime cette intensité de travail pour un film. En tant qu’acteur, tu dois livrer encore et toujours plus quand tu tournes différentes scènes dans une même journée. Alors qu’au théâtre, tu te concentres principalement sur le déroulé général de la pièce.

Tom Vermeir dans Belgica - crédit : Menuet
Tom Vermeir dans Belgica – crédit : Menuet
  • As-tu, du coup, envie de faire d’autres films ?

Aucun doute là-dessus (sourire) ! Au théâtre, je suis le type d’acteur qui aime adapter, transformer. Là, maintenant, je dois me familiariser avec le cinéma ; j’ai très envie de développer cela aussi dans un film. La meilleure chose qui pourrait m’arriver maintenant est que l’on me choisisse pour jouer un personnage complètement différent.

  • La musique est un élément clé dans Belgica. Est-ce cela qui t’a motivé pour le faire ?

Je suis un grand fan de Soulwax depuis leur premier album (NDLR : « Leave The Story Untold », sorti en 1996). Aussi, quand j’ai su que c’était eux qui allaient faire la B.O. du film, j’étais trop content ! Cela ajoute grandement à la sensation de réalité du film. En fait, la B.O. est le cœur qui bat du film, qui pousse les personnages dans leurs limites, et même bien au-delà.
Le fait que tous les groupes aient joué pour de vrai en live pendant le tournage a donné ce caractère si authentique aux scènes de concerts et de fiesta. On n’aurait jamais pu être aussi réaliste si cela avait été fait en playback !

Soulwax - crédit : Nicolas Nithart
Soulwax – crédit : Nicolas Nithart
  • Soulwax a donc fait un travail prodigieux en réalisant la bande-son et en créant de toutes pièces les quinze groupes que l’on peut voir et entendre dans le film et sur la B.O. As-tu pu donner ton avis ? Aurais-tu aimé qu’il y ait un morceau de ton groupe ?

Pas du tout. Chacun avait suffisamment à faire et devait parvenir à se concentrer sur une aussi grosse production. Me concentrer totalement sur mon personnage était déjà un travail à plein temps.

  • Le film colle au concept sex, drugs and rock’n roll. Penses-tu honnêtement que ce soit un cliché, ou bien le film tend-il à refléter une certaine réalité ?

Hé bien, pour moi, cela reflète la réalité pure et dure. Ayant 39 ans, avec une belle vie, je vois, quand je regarde autour de moi, qu’il est difficile pour pas mal de gens de voir la différence entre ce qui est fun et ce qui est problématique. Autour de 40 ans, les gens sont dans la merde ensemble, ou alors ils coulent. La descente aux enfers de Frank n’a rien d’un truc jamais vu. Est-ce cliché ? Peut-être… Faire une crise à la moitié de sa vie et avoir une maîtresse est aussi cliché. Étudier, rencontrer une fille, se marier, acheter une maison, avoir un chien, un enfant est aussi cliché. On ne devrait jamais oublier que les clichés sont des clichés pour la bonne et simple raison qu’ils arrivent. Tout le temps…

  • Comment as-tu vécu ce tournage avec les autres acteurs et les figurants du film, ainsi que toutes ces scènes de folie ? Est-ce qu’au final, la fiction ne rejoignait pas la réalité ?

Un peu. On était dans cette maison de fous douze heures par jour. Et parce qu’on tournait plus ou moins dans l’ordre chronologique du film, on a senti que l’amalgame se faisait. C’était incroyable à vivre. Et puis, il y a eu la fatigue, tout ce qu’on a pu donner pendant les prises, la musique en permanence, tous ces gens sur le plateau, tout le temps… ça vous rend complètement marteau ! On a pu utiliser toutes ces sensations durant le tournage.
Mais soyons clairs : on n’a pas bu une seule goutte d’alcool, on n’a rien sniffé de tout le tournage. On a pris que de la vitamine D (sourire) !

  • Il y a beaucoup de drogue dans le film. Avec des prises de rails qui se font sans se cacher, entre membres de l’équipe du Belgica, devant les clients du Belgica et même devant la police. Ne crois-tu pas que cela soit exagéré… à moins que la Belgique ne soit plus permissive à ce sujet ?

Oui, mais n’oublie pas qu’on parle ici d’une période révolue. Je n’y suis jamais allé, mais apparemment ce n’est pas très loin de la réalité. Le père de Felix, qui avait ouvert ce bar, nous a dit que c’était comme cela à l’époque. En tout cas, ce n’est plus du tout comme cela de nos jours !

  • Tu es ultra crédible dans le rôle de patron de club dans le film. As-tu déjà tenu un tel établissement ? Sinon, aurais-tu envie de le faire ?

Jamais de la vie (rire) !

  • Comme dans le film, cette vie autour de la musique crée beaucoup de tensions dans la vie familiale des musiciens. Au final, penses-tu que la vie de rock star puisse être compatible avec le fait d’avoir un foyer stable avec une femme et des enfants ?

Je pense en fait que les vrais rock stars – celles qui durent – le sont uniquement sur scène. Les rock stars du dimanche ne peuvent pas survivre. N’oublie pas que la vie d’un musicien, c’est énormément de travail, surtout lorsque tu atteins un certain niveau. Et, bien sûr, cette vie est totalement compatible avec le fait d’avoir femme et enfants. En somme, cela dépend de la personne, non ?

  • Parle-nous de A Brand, un groupe que les Français connaissent moins par rapport à Arno, deUS, 2ManyDJs, Ghinzu, Venus, Girls in Hawaii, Balthazar, Sharko, Zita Swoon, etc., et qui a sorti cinq albums en douze ans.

C’est simple, on a splitté en 2013 et sans vouloir t’obliger, tu peux tout trouver sur nous sur Wikipédia (rire) !

  • Les Flamands sont réputés pour leur créativité et leur folie musicale. Fréquentes-tu les autres groupes, travaillez-vous ensemble, faites-vous en sorte que vos groupes soient encore plus connus à l’international ?

Par rapport à ce que j’ai vécu, être dans un groupe a plutôt tendance à te fermer.
Bien sûr, on a eu des collaborations de temps en temps, mais cela restait de l’exceptionnel.

crédit : Thomas Dhanens
crédit : Thomas Dhanens
  • Tu es musicien, tu fais du théâtre, maintenant du cinéma. Cela te donne-t-il envie de faire de la mise en scène, de faire tes propres clips, d’écrire et de réaliser un long-métrage comme Tom Barman – leader de deUS et Magnus – avec Any Way The Wind Blows ?

Je viens juste de débouler dans le cinéma, avec encore énormément de choses à apprendre. Mais, depuis que je crée la plupart des choses que je joue au théâtre, je suis déjà régulièrement dans la peau d’un réalisateur. Donc on peut très bien imaginer que, un jour, je passerai le cap. Pourquoi pas ? Ça serait super !

  • Peut-on espérer te revoir avec A Brand sur scène, en France ?

Vraiment, je ne pense pas. Mais j’écris actuellement une pièce sur Chet Baker et sa musique avec mes potes de A Brand. Peut-être qu’on jouera cela un jour en France !

  • Merci Tom, on te souhaite beaucoup de succès à toi et à toute l’équipe pour Belgica ! Et à bientôt sur une scène de musique ou de théâtre !


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans