[Focus] Catfish Coast to Coast : Chicago

Catfish Coast to Coast : cinq villes, cinq photographes, cinq photos préférées et cinq questions rendant compte des impressions de chaque photographe présent à chacun des événements.

Rejoignez-nous le long d’un trajet qui, de Los Angeles nous aura fait remonter la côte Pacifique jusque Seattle, pour nous emmener à Chicago, et enfin rejoindre les rivages de l’Atlantique, d’abord à Boston puis à New York City ; sur les traces de la sensation britannique Catfish and the Bottlemen, au cours d’une tournée où le groupe fait découvrir au public américain les morceaux de son premier album, « The Balcony », disponible chez Communion Records. Profitez bien de la balade !

Troisième étape de notre périple photographique avec Catfish and the Bottlemen. Nous posons aujourd’hui nos bagages à Chicago avec Pamela Lukas.

Catfish Coast to Coast - Chicago


La salle : Schubas

Si on devait donner une adresse au rock’n’roll, il y aurait de fortes chances que ce soit celle où siégeait de son vivant le label Chess Records au 2120 S. Michigan Avenue, Chicago. Ce célèbre label a publié les disques d’artistes qui influencent depuis des décennies nombre de musiciens. Bo Diddley, Chuck Berry, Howlin’ Wolf, Willie Dixon, Muddy Waters, Etta James, John Lee Hooker et Buddy Guy, parmi tant d’autres, figurent au catalogue de Chess.

C’est le lieu où en 1964 les Rolling Stones ont enregistré leur EP « Five by Five », après la sortie de leur album éponyme. De même, quand Bob Dylan a accompli son virage électrique à Newport en 1965, quatre des cinq jeunes musiciens intrépides qui l’accompagnaient étaient des joueurs de blues de Chicago. Depuis, au fil des ans, la scène de Chicago, toujours à la pointe de son temps, a offert au monde des artistes à l’aura internationale, comme John Prine, Styx, Veruca Salt, Kanye West et les Smashing Pumpkins, pour ne citer qu’eux. Enfin, le tableau ne serait pas complet si on ne parlait pas des nombreux clubs de la ville qui attirent toute l’année des talents des quatre coins de l’Amérique et du monde, ainsi que des étés où la ville vit au rythme de Lollapalooza et du Pitchfork Music Festival.

2120 S. Michigan Avenue, site des aujourd'hui défunts Chess Records © John Anderson, Anderson Productions, Inc.
2120 S. Michigan Avenue, site des aujourd’hui défunts Chess Records © John Anderson, Anderson Productions, Inc.

Pour leur venue à Chicago, Catfish and the Bottlemen montent sur scène au club Schubas, une salle pouvant accueillir 175 spectateurs créée en 1989 par deux frères, Mike et Chris Schuba. Schubas est particulièrement fier de la qualité de sa programmation et des relations durables que les propriétaires nouent avec des artistes qui reviennent souvent à Chicago pour jouer face aux 500 spectateurs du Lincoln Hall, dont le club est une déclinaison plus intime. Les deux lieux ont été classés parmi les vingt meilleures salles de concert par des représentants de l’industrie musicale consultés par le magazine Rolling Stone. Parmi les artistes reconnus figurant au palmarès de Schubas, on retrouve Fall Out Boy, Elvis Costello, The National, Norah Jones, Modest Mouse, Tori Amos, My Morning Jacket, Death Cab For Cutie, Vampire Weekend, Of Montreal, Bon Iver, Foster The People, Sufjan Stevens, Macklemore et OK Go, des années avant que leurs clips soient regardés des millions de fois sur Internet.

Schubas est la première salle a avoir vendu toutes ses places sur la tournée américaine de Catfish et The Bottlemen : les tickets s’étaient envolés six semaines avant la venue du groupe, le 24 février 2015 .


La photographe : Pamela Lukas

De bien des façons, la photographie est gravée dans l’ADN de Pamela Lukas. Son arrière-grand-père était photographe à Détroit : la compagnie d’assurances qui l’employait l’avait mandaté pour prendre en photo l’intégralité du catalogue de l’Institut des Arts de Détroit (Detroit Institute Of Arts) afin de pouvoir en estimer la valeur. Fille d’un architecte, Pam a grandi au sein d’une famille qui a toujours accordé de la valeur aux arts visuels et aux choses esthétiques. A l’âge de 10 ans, elle dépensait $15 qu’elle avait reçus pour son anniversaire pour s’acheter son premier appareil : un Fuji 35mm tout-en-un repéré via une publicité dans un magazine. Des années plus tard, ses talents photographiques avaient atteint un tel niveau que des gens se sont mis à lui proposer de payer ses services. C’est pourquoi Pam a commencé en 2008 à accepter d’effectuer des travaux photographiques parallèlement à l’exercice de son emploi dans le développement commercial. En plus de photographier des concerts et des sessions de studio, elle travaille actuellement sur un projet personnel qu’elle mène depuis un an : faire le portrait studio de musiciens et artistes locaux à qui elle laisse le choix de jouer ou poser dans une atmosphère calme et détendue. « Je veux les saisir en train de faire ce qu’ils adorent, de pratiquer leur passion. J’aime les voir heureux », explique-t-elle. « J’aime saisir les émotions, parce que c’est ce qui fait l’essence d’une photographie ».

Ses cinq images préférées

Coup de projecteur sur Larry… et ses amis !

Le technicien guitare Larry Lau est un visage connu des fans des Bottlemen. Il n’y avait donc aucune raison pour que le concert de Chicago soit une exception. Les photos nous donnent également l’occasion de faire plus ample connaissance avec Doug, l’autre roadie du groupe.

5 questions à Pamela Lukas

  • Quel a été ton moment préféré du concert ?

Toutes les jeunes femmes sont entrées par une porte secondaire, à l’endroit où je me trouvais, tout près de la scène. Leurs yeux brillaient, et elles étaient tout sourires. Ça m’a rappelé ces images de fans hurlant face aux Beatles. J’ai beaucoup aimé voir les visages de tous s’illuminer, leur excitation quand ils entraient en courant dans la salle. Ce n’est pas quelque chose que je vois souvent, étant donné que d’habitude je suis dans la fosse réservée aux photographes. Dans des concerts où il y a plus de monde, je n’ai pas l’occasion de voir en direct la réaction du public, à moins de me retourner pour photographier les spectateurs. Mais là, j’étais entourée de tous ces visages qui rayonnaient d’un plaisir immédiat. J’adore ça. J’ai pensé, « Ouais ! Bien joué le groupe ! »

  • Décris-nous le concert en cinq mots ou moins.

Des rockers énergiques et mélodieux !

  • En tant que photographe, qu’est-ce qui t’a le plus inspirée durant le concert ?

Que le groupe ne soit pas statique ! On voit qu’ils adorent ce qu’ils font. Je ne peux même pas te dire le nombre de groupes que j’ai photographiés où les musiciens se cantonnent à leur coin de la scène et donnent l’air d’exécuter mécaniquement leurs morceaux. Je déteste quand il n’y a aucune étincelle avec le public. Je prends quand même des photos, mais le résultat ne m’enthousiasme pas. Je suis une de ces photographes qui veulent voir ce que les artistes ont dans le ventre. Je veux voir de l’émotion. Je veux voir ce qu’ils ont en eux. Je veux graver ces moments pour tout le monde. C’est ce qui me motive profondément en tant que photographe, et Catfish and the Bottlemen envoyait ! J’aurais bien aimé avoir plus accès au centre de la salle mais, crois-moi, ces jeunes demoiselles faisaient barrage de leurs corps ! La salle était bondée.

  • Quelle est ta photo préférée, et pourquoi ?

J’ai pris une photo du chanteur (Van McCann) dos à dos avec le guitariste lead (Johnny Bond). J’ai trouvé ça bien qu’ils interagissent et se nourrissent chacun de l’énergie de l’autre. C’est important que cette connexion existe dans un groupe, au moins autant que l’échange avec le public. J’ai déjà pris des photos de groupes dont les membres se disputent, ou dont l’attitude trahit un malaise latent. Nous sommes à Chicago; c’est une scène un peu incestueuse. Il y a des groupes dont la composition ne cesse de se modifier, selon qui veut bien parler à qui, qui ne veut plus parler à qui, qui veut bien accepter le retour de qui. Parfois, les tensions prennent le devant de la scène. Donc je trouve ça très important que les membres du groupe soient à l’aise les uns avec les autres. Ca semble être le cas ici, c’est pourquoi j’aime vraiment cette photo.

  • Tu souhaites ajouter autre chose ?

Ils jouaient carré. C’est vrai que Van s’est excusé pour sa voix, mais moi je l’ai trouvée parfaite ! Il a même proposé de rembourser les tickets de ceux qui auraient été déçus par le concert. De toute façon, le public chantait en même temps que lui, ce n’était donc pas un problème. Il y a un bon son à Schubas. C’est une salle toute petite, mais il n’y a pas de doute, ils l’ont bien remplie. Je crois que je ne l’avais jamais vue aussi bondée.

Schubas noir de monde

Ils s’éclataient, ce qui est très important pour un groupe. Ils sont parvenus à créer un super contact avec le public, c’est sûr. C’est drôle, il y avait une fille qui n’arrêtait pas de crier : « Je vous aime ! Je vous aime ! », et puis je l’ai entendue dire : « Hé, vous êtes censés répondre que vous aussi ! ». Je n’ai pas pu m’empêcher de rire.

J’aurais bien aimé qu’ils jouent plus longtemps. Je suis restée sur ma faim, et c’est bien comme ça. J’ai été très agréablement surprise par leur concert. J’avais vu des vidéos sur YouTube, mais parce que la scène était si petite, je ne m’attendais pas à grand chose. Ils ont fait plus que faire leur boulot, ils ont dépassé de loin mes attentes et mes espérances.

Ils étaient sympas, et il jouaient carré, et juste. Ils étaient aussi en harmonie avec le public, et c’était génial de voir tout cet échange. C’est vraiment un plus. Je pense qu’un groupe qui puise de l’énergie dans son public se donne plus. Ils ont même offert d’ouvrir une ardoise au bar pour la salle entière après le concert. J’ai quand même prévenu leur tour manager qu’on était à Chicago et que, s’il y a bien une chose dont les habitants de Chicago n’ont pas peur, c’est de boire !

Setlist du concert au Schubas de Chicago le 24 février 2015.

Des gars de Newcastle à Chicago – Le duo de présentateurs et comiques anglais Ant & Dec font une apparition remarquée sur la setlist de Bondy

Post Scriptum : Les Combines de Chicago – La Grande Arnaque de la Silhouette en Carton.

Tout au long de leur tournée, une effigie en carton à taille humaine des silhouettes sans tête présentes sur la couverture de l’album « The Balcony » a été disposée à l’entrée des différentes salles, et les fans ont été encouragés à se prendre en photo et à diffuser ces dernières sur les réseaux sociaux en employant le hashtag #grabsyoubytheballs (littéralement : te prend aux couilles, NDT).

© Katie M. Simmons
Opportunité de prise de photo avec l’illustration de la pochette de « The Balcony » réalisée par Tim Lahan © Katie M. Simmons

À Chicago, cependant, quelqu’un a subtilisé cette silhouette en carton, provoquant des réactions allant de l’incrédulité à la déchirure. « Quelqu’un a piqué l’effigie en carton – ne me faites pas rire ! » a ironisé Larry, le roadie. Quant au manager du groupe, Arwen Hunt, celle-ci a trouvé l’affaire « hilarante », réclamant aux coupables du larcin de poster sur le Net des photos des derniers voyages de l’effigie. Bondy, le guitariste, a trouvé la blague moins drôle, se désolant « qu’un imbécile soit venu et ait gâché le plaisir de tout le monde ».

Selon Megan, membre du groupe des joyeux chapardeurs, les amis avec lesquels elle était venue désiraient partir du concert en emportant un souvenir original. Ils ont tranquillement quitté Schubas en emportant l’effigie, sans se rendre compte qu’il s’agissait d’une pièce unique. Rongés par la culpabilité, et après avoir reconnu leur crime sur Twitter, les garçons ont fait la promesse solennelle de la ramener deux jours plus tard à Notre Dame, Indiana, où ils verraient le groupe une seconde fois. Et c’est ainsi que l’effigie volée s’est retrouvée à l’arrière d’un fourgon, tenue en place par la neige qui s’y était accumulée et roulant à vitesse réduite, de peur qu’elle ne s’envole sous l’effet de la vitesse.

De la neige tassée en lieu et place de ceinture de sécurité pour les 150 kms séparant Chicago de Notre Dame © Megan Knobloch
De la neige tassée en lieu et place de ceinture de sécurité pour les 150 kms séparant Chicago de Notre Dame © Megan Knobloch

La silhouette a été restituée à Catfish and the Bottlemen, ses légitimes propriétaires, au concert de Notre Dame. Le groupe, beau joueur, a posé pour une photo avec les auteurs du crime. Cet incident nous permet de réaffirmer quelques vérités universelles :
– Tout est bien qui finit bien.
– En tous points, l’honnêteté est préférable.
– Rien de tel qu’une erreur de jugement pour faire une belle histoire.

À Notre Dame, Indiana, après être arrivée saine et sauve © Megan Knobloch
À Notre Dame, Indiana, après être arrivée saine et sauve © Megan Knobloch

Bye bye, Chicago.

Tous mes remerciements au groupe, à Arwen, Daniel et Kristina pour m’avoir aidée à rendre cette aventure possible.

Prochaine étape : Boston

Redécouvrez les épisodes précédents : Los Angeles et Seattle.


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Adaptation française par Simon Lanciaux.

Photo of author

Julie Blore-Bizot

Américaine francophone, biculturelle et mélomane en quête de sensations sur scène au cœur de Los Angeles. Twitter : @juliequips