[Interview] You Said Strange

Du soleil normand au soleil nord-américain, il n’y a qu’un bilan carbone allégé, car le quatuor psyché s’envole prochainement pour une tournée marathon au Canada et au nord-ouest des USA. Avec pas moins de vingt-trois dates en seulement un mois. À cette heure, qui dit mieux que ces givrés de Giverny ? Car le groupe, en silence forcé en plein covid, s’en est retrouvé vitalisé dans son écriture, sa préparation à la scène et aux tournées pour 2022 et 2023. Portés par leurs fans toujours en plus grand nombre et avidement soutenus par la planète psyché – mais pas que – les You Said Strange pourraient même devoir changer de nom pour cette obsolescence non programmée. Inconnus, connus puis reconnus, « Captain You Said Strange, say what ? » devraient être leur prochain hymne d’entrée en scène !

crédit : Nicolas Nithart
  • Alors, belle scène caennaise cet été à Beauregard ! Vous avez ouvert la dernière journée très tôt et en plein soleil. Mais en même temps, il y avait du monde devant et très captif. Comme avez-vous ressenti ce premier gros concert après le Levitation d’Angers début juin 2022 ?

Bien… bien, même si stressant au début. Les gens qui étaient là à Beauregard écoutaient, étaient très réceptifs à tous nos trucs, et ça faisait vraiment plaisir à voir ! Il y avait beaucoup de jeunes qui étaient devant la scène à 15h00 et qui bougeaient vraiment. Pas nécessairement qui nous regardait, mais qui étaient hyper attentifs à notre musique.  C’est le genre de public qui bouge vraiment sur les grosses têtes d’affiche. Et il est venu aussi pour nous. Il était là et on a été agréablement surpris de l’avoir !

  • Le You Said Strange du début est très positionné rock psyché. C’est peut-être un style que les gens n’ont pas forcément l’habitude d’entendre sur un festival. Est-ce que vous ne vous sentez à l’heure actuelle un peu comme porte-parole ou comme revendicateur de ce style de musique ?

On n’aurait pas la prétention de dire ça. Maintenant, c’est toujours assez chouette de voir ce style programmé justement dans un festival comme Beauregard où il y a d’énormes têtes d’affiche avec des tonnes de trucs assez éclectiques. Et de voir que ça intrigue des gens bien, ça fait plaisir. Sur scène, on aimerait bien être un groupe que nous aurions bien aimé voir, mais on ne sait pas comment l’expliquer… Quand on voit des gens qui sont intrigués par ce qu’on fait, au-delà du fait qu’ils aiment ce qu’on fait, c’est plutôt chouette de donner et d’ouvrir cette musique-là aussi à d’autres personnes. C’est ce qu’on s’est dit à de précédents concerts, il y avait des trucs qui n’avaient rien à voir et on se disait que ça allait être un peu compliqué. Et en fait, les gens étaient là. C’est intéressant aussi de ne pas jouer que dans des Levitation et donc dans des festivals qu’avec des spécialistes, des fans de ce genre de musique. Levitation, c’est évidemment un énorme moment, mais c’est aussi assez intéressant de pouvoir se dire « Bah, c’est chouette qu’il y ait encore des programmateurs qui osent caler ce genre de truc comme le nôtre » (rires).

  • C’est un peu pour ça que je disais porte-parole, parce que vous assumez complètement ce courant. C’est votre style, c’est votre patte, c’est votre ADN. Et en plus, vous y avez tout mis puisque vous êtes allé chercher quand même, avec quelques concours de circonstances, des pointures pour vous produire. On pense à Peter G. Holmstrom des Dandy Warhols qui a quand même été une formidable rencontre et un moyen d’assoir complètement le groupe dans ce style de musique…

On l’a fait sur premier album et on s’en est un petit peu écarté. Sur le deuxième, on est moins aérien, même si ce qui est bien est que les gens nous laissent cette étiquette-là. Nous, ça nous va… on ne s’en extirpe pas. Mais on est en train d’affiner aussi notre son et notre identité. On a digéré pas mal de choses et là, on en ressort un son un peu à nous, sans vouloir imiter, sans vouloir « faire comme ». C’est une bonne reconnaissance. On a vraiment des avis là-dessus comme quoi on sonne différemment, on n’a plus trop l’étiquette de groupe qui essaie de « faire comme ».

  • Vous n’êtes pas un groupe de « parodie » ou de covers. C’est vraiment votre propre compo avec votre style musical. Mais parrainé, entre guillemets, en tout cas aidé avec des pointures de ce style de musique.

Effectivement, ça l’a été sur le premier album avec Peter, avec des envies d’y faire les dates avec eux, puis de rencontrer plein d’autres gens aussi de ce milieu. C’était une manière de confirmer la chose et de se dire : « Voilà le premier album avec la musique qu’on aime, qu’on a envie d’écouter ». Et donc ça a validé, en tout cas pour nous, pas mal de choses et ça nous a permis de partir sur une base. Et maintenant on se laisse le droit de partir « ailleurs ». En même temps pour nous, ce qui vient de sortir dans le deuxième album est quand même très très différent du premier. Et pourtant, on peut continuer à jouer dans des programmations de niche. En tout cas dans le psyché, on peut toujours y aller.

  • Avec deux superbes albums en bagage ! Depuis la fin du confinement, avez-vous pu voyager un petit peu à l’étranger, tourner dans d’autres pays que la France ?

On a joué en Belgique et on n’a pas fait grand-chose d’autre. On a beaucoup joué en France. Notre tourneur s’est vachement concentré sur la France, avec une certaine stratégie.

  • Peut-être que Levitation France va vous créer une passerelle pour Austin ?

On fait une tournée en Amérique du Nord en octobre-novembre 2022. On va jouer entre autres avec Elephant Stone au Canada sur quelques dates puis des dates sur la côte ouest. Et après on va passer à Austin pendant Levitation et surtout pour aller voir des concerts. On va jouer dans une des salles en off, pendant Levitation, car on n’a pas pour cette fois été retenus là-bas.

  • En tout cas, c’est une musique que vous vous pouvez facilement exporter de France et imposer un petit peu partout dans le monde. Et c’est peut-être aussi une volonté de votre part ?

On s’est rendu compte que notre musique était bien reçue à l’étranger, même parfois peut-être mieux qu’en France. Et c’est vrai que comme c’est un style de musique qui n’est pas non plus très populaire, tu te rends compte que le monde est très petit et qu’on se retrouve tous aussi à certains endroits. On sait qu’on va pouvoir se recroiser à Eindhoven au festival Fuzz Club et au festival Synästhesie à Berlin. C’est chouette, car ces festivals sont quand même vachement écoutés et vachement bien reçus. C’est un style de musique qui peut nous faire voyager, au sens propre du terme !

  • Est-ce que vous n’êtes pas trop sévères avec vous-même en disant que c’est une musique de niche ? Alors que finalement c’est un style qui est assez démocratique, qui peut intéresser énormément de monde, de toutes générations. Il y a des sonorités et des instruments qui existent déjà depuis un certain temps donc ça peut rappeler pas mal de choses à pas mal de gens. Là par exemple sur Beauregard, il y avait Rival Sons et KO KO MO, avec des sons assez « patinés », on va dire. Et quand je dis que vous êtes sévères, c’est que finalement on écoute tous du psyché depuis les Beatles, depuis Woodstock, depuis tous ces temps-là. Pour faire une transition, comment avez-vous envie d’avancer dans le projet, justement, au niveau sonorité, au niveau musicalité ? Comment vous projetez-vous là sur l’année ou les deux ans à venir ?

Le premier volume du deuxième album est sorti en décembre 2021 et il y a le volume deux qui va sortir en début 2023 avec huit titres. Cela va « relier » l’album deux en deux volumes définitivement. Et donc ça, c’est la suite. Musicalement, c’est ce qui va se passer. La deuxième partie du deuxième album est prête, avec un mixage toujours assuré par Daniel James Goodwin, comme pour le premier volume. Après la sortie, on fera vivre ces deux volumes ensemble sur scène. Ça, c’est un truc hyper important pour nous tous. Et après ? Et après tout ça, on ne sait pas encore. On va parler du troisième album incessamment, sous peu, mais on n’en est pas là encore. Il faut déjà sortir le volume deux du deuxième album !

  • Avec quelques vidéos ? Parce que ça concourt aussi pas mal aujourd’hui à faire découvrir sa musique, à tourner…

Oui complètement, il va falloir qu’on s’attèle tranquillement aux clips (rires).


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans