[Interview] X-Ray Pop

L’histoire de la musique indépendante regorge de surprises et de connexions surprenantes, et parfois cela se passe à deux pâtés de maisons. Se retrouver dans le classement des 100 meilleurs albums français des Inrockuptibles ou encore disque du mois dans le Melody Maker et le New Musical Express, le tout en étant originaire de Tours, a de quoi susciter la curiosité. Réussir à publier de nombreux disques sur plusieurs labels indépendants à travers le monde force aussi le respect. Qui est donc ce groupe psyché et expérimental répondant au nom de X-Ray Pop et qui depuis presque 30 ans est devenu une référence internationale pour les Beastie Boys, Stereolab ou encore La Femme ? Rencontre avec Didier « Doc » Pilot, le cofondateur de X-Ray Pop, à l’occasion du grand retour scénique du groupe pour le festival des Rockomotives à Vendôme.

X-Ray Pop © Carmen Morand
  • Didier, je te propose de faire une interview en mode « comment en est-on arrivé là ? ». Peux-tu d’abord nous raconter les origines de X-Ray Pop ?

Le concept de X-Ray Pop, puisque c’est un concept, a été inventé fin 1983 et vers octobre par-là. Et ensuite ça a fait son premier single en mars 1984, la fameux single « L’Eurasienne / La machine à rêver ».

Après ça a eu tout un tas de vies différentes, d’incarnations différentes et puis une vingtaine d’albums. Tu vas pas faire vingt fois de suite le même album donc il y a eu tout un tas de formules différentes. Et la formule avec laquelle on vient ce soir (pour les Rockomotives, NDLR) est basée sur le répertoire qui allait de 1996 à 2007. C’était la période dite « période Warner » quand on a fait les cinq albums pour Warner. Donc malgré tout, ce soir on fait « La machine à rêver » parce qu’on est quasiment presque obligés de le faire maintenant, ce titre ayant eu une telle résonance. Toujours maintenant : mon fils était aux Chemical Brothers et ils ont fait « La machine à rêver » lors de leur dernière tournée. Mais on fait pour les Rockomotives une version de ce morceau qui est à nous, qui est totalement marquée par cette nouvelle formation.

  • X-Ray Pop, c’est un groupe particulièrement indépendant qui est de Tours, mais qui n’est pas monté sur Paris ?

Oui et non. La période Warner est totalement parisienne en fait. On a pu jouer à cette époque-là à Paris autant qu’on a pu jouer à Tours, à La Flèche d’Or, etc. Avec Olivier Gicquel et bien sûr Patrick.  Notre bassiste de l’époque, Patrick Gicquel, est décédé à l’âge de 48 ans et tous les gens que tu vois présents ce soir ont eu Patrick dans leur vie qui leur a amené quelque chose. À la batterie, il y a bien sûr Olivier Gicquel, qui est son frère. Donc autant te dire que la relation est bien sûr très forte. Et puis les autres musiciens : ou bien ils faisaient partie de cette formation emblématique dans laquelle jouait Patrick ou alors ils avaient une relation avec lui. Les frères Burgot ; c’était au travers des arts martiaux qu’ils connaissaient Patrick. Tout le monde est là dans cette optique. On a avec nous Pierre Lambla puisque c’était une tradition de X-Ray quand on passait dans des endroits d’essayer de jouer avec une personne emblématique du coin et, en fait, le mariage avec Pierre, qui est aux cuivres, a été une quasi-évidence dès la première répétition. Voilà donc pour la formation de ce soir qui est une formation hommage.

  • D’où est venue cette idée de ce concert aux Rockomotives ?

Quand Patrick est décédé, on a fait un concert privé en hommage à lui. Là, cette formation est née et ensuite l’opportunité est arrivée de ce concert aux Rockomotives donc j’ai proposé à tout le monde de continuer avec ça. Et l’autre opportunité qui s’est présentée, c’était surtout de faire un disque live. C’est pas banal.

  • C’est le premier que vous faites ?

Premier disque live officiel oui, en vinyle, en tout. Il y a des tas de pirates partout sur Jamendo et tout ça. Là, c’est le premier qui est officiel et vraiment marqué, je ne voulais pas de disque studio. Et c’est important, il y a la présence de notre frère et ami qui survole tout ce concept, toute cette reformation. Et cette formule, au contraire de ce que l’on pensait au début, va faire d’autres concerts.

  • Est-ce que vous prévoyez d’autres enregistrements prochainement ?

Avec Zouka Dzaza (Isabelle de Saint-Loup, cofondatrice du groupe), on a fait un titre chez Fabien Tessier (un arrangeur qui dispose de son propre studio d’enregistrement, NDLR) qui s’appelle « Duo du précipice » et qui va sortir sur le label Goldmin en décembre ou début 2021. Il va sortir d’une manière un peu opportune en parallèle de la compilation des « Jeunes Gens Mödernes » sur laquelle il y a « L’Eurasienne », et dont sort le troisième volume le 11 décembre.

Donc ça a plutôt été un coup comme ça avec Fabien, c’était vachement sympa. Mais je ne pense pas que l’on sera amenés à faire plus de studio. Il faut avoir le temps, et puis l’envie. J’entendais Catherine Ringer l’autre jour parler de ça, elle disait que non elle ne ferait plus d’albums, mais un titre de temps en temps. Parce que ça correspond à ce que les gens demandent ou achètent. Maintenant c’est très rare la personne qui va s’emmancher à faire un album. C’est un parcours du combattant un album en studio quand tu sais qu’il n’y a qu’un ou deux titres qui vont être écoutés pour des formations qui ne veulent pas faire de remplissage… C’est d’une autre époque.

  • C’est plus spontané.

Oui, on a un morceau, on sent un truc, on va l’enregistrer et après ça va se retrouver sur un single. Donc ça fait un objet collector. Il y a cette donnée aussi chez X-Ray puisqu’il y a beaucoup de gens qui collectionnent nos disques. Sachant qu’ils n’ont jamais fait des scores de ventes, ils sont tout de suite devenus des collectors en fait. Comme disait un copain, si tu avais vendu beaucoup de disques, tes disques ne vaudraient pas le prix qu’ils ont actuellement. C’est le principe : ils vaudraient 50 centimes sinon et là ils valent une soixantaine d’euros par là. Donc on fait des objets direct pour les fans en fait. C’est carrément ça. Même s’il y a des titres comme « Du haut du précipice » qui ont quelque chose de réellement opportun. Il fonctionne.

Mais c’est une autre optique, le travail de scène. Là sur scène, il y a surtout l’échange entre les musiciens. En dehors de moi, tous les musiciens sont des pointures dans leur instrument. Moi je suis un branleur, je bricole. Mais tous les autres sont vraiment bons. Quand ils s’expriment, qu’ils font un solo ou quoique ce soit, ça a une grande valeur. Ce qui amène le fait que le travail de scène n’est pas du tout le même travail que celui de studio. Et c’est ce qui fait que Figures Libres (l’association qui organise les Rockomotives, NDLR) sorte un album live.

  • Ça va donner lieu à des choses inédites ce soir ?

Ça part de morceaux que l’on a souvent faits à la scène et qui sont bien sûr tous dans des versions inédites. Toutes les versions sont différentes. Ce serait quasi-problématique de les signer en SACEM parce que des morceaux qui ont été faits sur disque se retrouvent là dans des contextes vraiment différents. Si ! On peut retrouver la ligne de notes quelquefois. Des choses comme ça. C’est totalement revisité. Autrement, il n’y aurait aucun intérêt à faire de la scène si c’est pour copier ce que tu as fait en studio. Ou à moins bien sûr que tu sois un groupe professionnel qui va faire une tournée de 60 dates pour vendre un disque. Mais maintenant c’est fini, on ne vend plus un disque. On donne du spectacle et du plaisir.

  • Et dans cette programmation 2020 des Rockomotives, est-ce qu’il y a des artistes qui te parlent plus particulièrement ?

Aujourd’hui, il y avait Pyjamarama : moi j’adore, je trouve que c’est un groupe majeur. Bertrand Belin aussi dans sa formation très particulière (avec les Percussions Claviers de Lyon, NDLR). Et puis la nouvelle vague tourangelle. C’est impressionnant Tours en ce moment c’est un truc de fou. Mais Pyjamarama, je les ai vus au Temps Machine (salle de concerts de Tours, NDLR) j’ai trouvé ça bien, parfait. En fait c’est ça le truc. Les harmonies vocales sont parfaites. Tout. Tout coulait de source, tu t’ennuies pas une seconde. Formidable. Si bien que j’ai acheté le disque. Ce qui est très rare finalement. Et je l’écoute. Puisque c’est bien d’acheter un disque, mais aussi de l’écouter. Il est très beau leur disque d’ailleurs en vinyle turquoise. C’est merveilleux, c’est un bel objet.

Pour en savoir plus sur le groupe : « X-Ray pop : la machine à rêver : post mortem & post more back » par Didier Doc Pilot et Jocelyn Herbelot est disponible depuis le 29 mai 2019 aux éditions Camion Blanc (490 pages).


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Yann Puron

Découvreur musical avide d'émotions fortes aussi bien sur disques qu'en concerts