La toute-puissance du numérique et du streaming dans le monde musical, que la période récente n’a fait qu’amplifier, aurait tendance à nous faire oublier que la musique est par essence un art pur, vivant, fait de connexions et de vibrations. À travers la complicité qui est au cœur de son inspiration, le groupe ¿Who’s The Cuban? symbolise à l’évidence cette définition essentielle, qu’il est parfois bon de (se) rappeler. Le septet nancéien offre d’ailleurs à indiemusic l’exclusivité d’une délicieuse session autour du morceau « Nunca Mataré » qui annonce avec envie et simplicité un second album « Pafata » pour la fin de l’année 2022.
Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, le nom du groupe ¿Who’s The Cuban? pourrait suggérer une appétence pour les musiques cubaines, et (saut à pied joint dans le cliché) à la salsa. Mais comme toutes les musiques rattachées aux Caraïbes et à l’Amérique du Sud, sont toutes profondément animées par des mécanismes de métissage et d’hybridations extrêmement riches : la salsa, la cumbia, la chicha… ouvrent des mondes sonores et musicales extrêmement larges et variés. Ainsi, loin de vouloir nous lancer dans un cours de musicologie, je vous mets au défi de faire rentrer ¿Who’s The Cuban? dans un style de musique précis. En écoutant cette session cuivrée émergent avec beaucoup de cohérence et de fluidité les effluves du latin jazz de Ray Barretto, la ferveur de la salsa colombienne du légendaire Joe Arroyo, les digressions psychédéliques et rock de la chicha péruvienne, le rapport au temps et à l’espace du dub jamaïcain, le groove chaloupé du reggae… La liste pourrait être très longue, et surtout complétée avec précision par les musiciens de ¿Who’s The Cuban?.
En ce sens d’ailleurs, difficile de ne pas évoquer un lien entre le groupe hexagonal et d’ailleurs bien plus que ça – à travers le charisme et le magnétisme de la Colombienne Pao Barreto, le feeling du trompettiste cubain Dayron Hernandez Ramirez – et les groupes montés par le DJ et musicien anglais Will Holland alias Quantic ; à savoir Flowering Inferno et Quantic & His Combo Barbaro. À ce titre par exemple, le batteur Thibaut Chipot partage avec celui du Combo Barbaro ; le génial Malcom Catto, une propension à propulser par un jeu riche, tribal et percussif l’inspiration collective dans des développements libres, propices à la transe et à la digression. En effet, au cœur de cette session, le groupe se lâche, dans une envolée cosmique digne de l’esprit du rock progressif des années 70, avant de bifurquer vers un instant très « Keith Jarrett », à travers le jeu aérien du pianiste et claviériste Olivier Duranton au piano, puis de plonger dans un final extatique et libérateur. Il devait y avoir quelque chose de spécial dans l’air du studio, ce fluide invisible et galvanisant qui transcende la technique et l’inspiration. En tout cas, cette session donne déjà une envie irrésistible de découvrir l’évolution annoncée de ¿Who’s The Cuban? dans son prochain album.
« Pafata » de ¿Who’s The Cuban?, sortira en octobre chez SMASH Production.
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