[Interview] We Were Evergreen

Leur premier album « Towards » est sorti le 5 mai dernier. Nous avons rencontré Fabienne, Michael et William, les trois musiciens du projet We Were Evergreen lors du Printemps de Bourges, quelques jours avant cette sortie.
L’occasion de parler du passage pour le groupe d’une capitale à l’autre : de Paris à Londres, de l’étape décisive de l’album après six années de scène et 3 EPs. On aura enfin la chance de revenir sur leur rencontre et de parler de ce qui les attends dans les mois à venir.

de gauche à droite : William, Michael et Fabienne
de gauche à droite : William, Michael et Fabienne
  • Vous existez depuis 2008, on est en 2014. Ça fait six ans que We Were Evergreen est né. Quel bilan dressez-vous de votre projet, de cette relation, de cette aventure à trois depuis ses débuts ?

William : On présente souvent notre projet en deux parties. En gros, on a fait trois ans à Paris, et on a tout recommencé durant trois ans à Londres.

Fabienne : On a beaucoup joué au début. On a fait peu de studio, on a enregistré quelques EPs pour avoir un support, mais je pense que ce qui nous a attirés au début, c’était de jouer ensemble, de faire le plus de live possible.
Et ensuite, c’est pas à la portée de tous les groupes de pouvoir passer du temps en studio avec un producteur. Et n’étant pas des geeks avec un home studio de malade, on n’a finalement pas eu accès très vite à ce temps d’un studio. Mais c’est finalement arrivé tout au long de l’an dernier sur sept semaines, mais reparti un peu dans l’année. C’était un plaisir justement d’avoir ce temps-là pour faire une œuvre enfin un peu cohérente avec 14 titres faits d’un coup. Et ça nous a fait beaucoup avancer.

  • Du coup, est-ce que le groupe s’est construit sur scène ?

Fabienne : Alors, il s’est beaucoup construit sur scène.

William : On s’est découvert aussi sur scène, car on ne se connaissait pas trop avant.

  • Des rencontres fortuites, déclenchées par petites annonces ? Comment ça s’est passé ?

Fabienne : Micka et moi, on faisait des cours de théâtre amateur ensemble pendant nos études et William et moi, on faisait des percus ensemble, enfin on partageait le même prof au conservatoire à Paris. Mais on se connaissait très peu.

Michael : J’ai rencontré William à notre première répét, la veille de notre premier concert. On a fait notre premier concert à trois où il improvisait des morceaux.

  • Donc non seulement vous avez grandi sur scène, mais vous êtes nés sur scène…

Fabienne : Oui, c’est vrai. On a joué un mois après s’être dit « Et si on faisait des trucs ensemble ? ».

  • Vous avez 200, 300, 400 concerts au compteur ?

Michael : Je ne saurais vraiment pas te dire. On a commencé, comme tout le monde je crois, par des tout petits bars.

Fabienne : Que de belles salles (rires).

Michael : Petit à petit, on a monté, et comme on l’a dit tout à l’heure, en allant à Londres, on a du tout recommencer. Le meilleur moyen de marcher à Londres, c’est de repartir de zéro, comme si tu étais basé là : refaire tous les petits bars, et cetera, écumer le public, les scènes… Et on est arrivé au même niveau qu’à Paris aujourd’hui où l’on joue dans l’équivalent des salles parisiennes niveau capacité. Mais oui, ça prend du temps.

Fabienne : Après la construction du groupe, je pense que le temps du studio a été un moment clé dans le groupe. C’est un peu une épreuve pour les chansons qui avaient été construites pour la scène, et qui ne fonctionnaient pas structurellement vraiment en studio.
On a fait beaucoup de nouvelles chansons pour cet album. Ça a été un moment de cohérence, de réflexion sur notre son, qui nous a fait avancer de manière importante.

  • Ce premier album, « Towards », sort le 5 mai. En écoutant le single « Daughters », j’ai l’impression que le style musical a évolué sur cet album par rapport aux 3 précédents EPs : du pop folk à l’électro pop.

We Were Evergreen - Towards

William : Oui, les morceaux sont restés pop.

Michael : À la base, un morceau pop, c’est une belle mélodie, avec un arrangement intéressant, et on ne cherche pas à faire des improvisations de 45 minutes sans paroles. Le but, c’est de faire des chansons qui puissent être chantées, qui puissent être sifflées dans la rue.
Sortir cet album nous a permis de mettre notre musique en 3D, de donner une profondeur qu’on n’avait pas, de donner du corps, du muscle, du sang aux morceaux qu’on avait enregistré avant et qui étaient plats pour nous.
En effet, les morceaux étaient plutôt folk pop avant. Et je comprends qu’on trouve que les nouvelles pistes de cet album sont plus électro, mais la façon dont on a créé l’album ne l’est pas.
C’est-à-dire qu’on a utilisé des peaux, des bois, des percussions, des vraies batteries, du métal.

Fabienne : C’est très organique.

Michael : Et ensuite au mixage, on s’est amusé à poser des nappes de synthé, à essayer de triturer un peu le son.

William : Y’a plein de sons qui ressemblent à des sons électroniques qui sont juste des sons de percussions qui sont triturés. Mais on n’a pas l’impression que c’est plus électronique qu’avant parce qu’on n’est pas passé par une phase sur le dernier EP où l’on utilisait des beats préprogrammés, des trucs comme ça. On a fait la démarche finalement de revenir vers quelque chose de plus organique, pour aller contre une sorte d’électronique ambiante un peu trop facile et un peu trop partout. Sans âme quoi !

  • D’ailleurs, en écoutant votre dernier EP sorti en 2013, « Leeway », je trouve qu’il y a dans le single « Second Hand » une passerelle, surtout sur la partie finale, vers ce nouveau disque.

William : Pendant un an ou deux, « Second Hand » a été sur scène notre morceau phare. Plus on le jouait, plus on le rallongeait.

Fabienne : Typiquement, c’est un des titres qui n’a pas survécu au studio pour s’insérer dans la cohérence de l’album. On voulait le mettre et ça ne marchait pas.

  • Finalement, il y a peut-être deux entités, ou deux couleurs : une couleur studio et une couleur sur scène ?

Michael : Plus maintenant en réalité. Avec cet album, on est partis pour la plupart des chansons sur des nouveautés, qu’on n’a pas vraiment retravaillé.
On s’est retrouvé en studio et le travail avec notre producteur, c’était de se mettre à jouer spontanément à trois nos démos faites à la maison. De ce moment là sont apparus des arrangements qui sont restés. L’idée à la base, c’était de garder quelque chose de live, construit à trois, qui sonne dynamique afin que ça soit plus facile à jouer en concert, car la dynamique est présente.
On a essayé de proposer sur cet album des moments avec des envolées, des moments plus calmes et des pauses. On ne se force plus à aller chercher un public, on veut représenter l’album comme il est.

Fabienne : On a justement ouvert la palette. On a quelques morceaux qui nous tiennent beaucoup à cœur depuis le début et qu’on avait un peu mis de côté jusque-là, car quand on joue, on conserve les morceaux efficaces, et ça a été un plaisir d’élargir, de retourner dans des morceaux plus calmes comme « Belong » et « Quicksand » qu’on adore jouer en concert maintenant.

  • Et vous pensez que s’il n’y avait pas eu cette parenthèse anglaise, l’album n’aurait pas été identique ? Vous étiez partis chercher quoi en Angleterre à la base ?

Michael : Je ne crois pas qu’on était partis chercher quelque chose.

Fabienne : On a saisi l’occasion.

  • Il y a eu une opportunité qui s’est créé et qui a été un peu le catalyseur d’un certain nombre de choses ?

Fabienne : Ça nous a fait prendre un peu de distance ou un peu de recul sur ce qu’on faisait, rencontrer plein de musiciens. Et puis, on a tous un peu grandi.
On a un souci de son qu’on n’avait peut-être pas avant.
En arrivant à Londres, on a fait beaucoup plus de premières parties, on a rencontré de nombreux artistes, des producteurs aussi. Un cadre vraiment professionnel en quelque sorte.

  • Toute cette agitation autour des groupes londoniens, plus largement anglais avec qui vous partagez la scène est finalement très stimulante ?

Michael : C’était aussi une façon pour nous de devenir pros. Se retrouver dans des petits pubs anglais avec des gens qui viennent pour écouter la musique, et être entouré de groupes bien meilleurs que toi qui jouent avant et après toi, c’était aussi un challenge de se dire « on est cap ou pas cap de le faire ».
Toute cette expérience nous a amenés à faire cet album, à trouver un label, un tourneur, à jouer un peu en Europe et aux États-Unis et faire un truc vrai.

We Were Evergreen

  • Et là, par rapport au public anglais, We Were Evergreen, ça commence à avoir une petite résonance, vous commencez à avoir quelques passages sur BBC 6 ?

Michael : Sur BBC 6, sur Xfm, sur Radio 1…

Fabienne : Ça se construit ! On a eu de bons retours.

William : Et puis, on a fait six tournées en Angleterre grâce à des premières parties, puis une petite en headline. Là, on en commence une dans trois jours en tête d’affiche dans toute l’Angleterre alors qu’on n’en a jamais fait en France.

Michael : Il y a un décalage au niveau des concerts, aussi parce que l’on est parti s’installer à Londres et parce que notre entourage s’est créé à Londres plus spécifiquement.

  • Aujourd’hui, vous avez le pied et le cœur où ?

Fabienne : (sans hésitation) Moi, il est à Londres !

Michael : Vas-y comment elle renie ses origines (rires).

  • J’ai presque l’impression que vous avez même chopé l’accent anglais quand vous vous exprimez ?

Michael : Je ne vois pas du tow de quoi tu parwles (rires).

Fabienne : Moi, on m’a toujours dit ça ! On me le dit depuis toute petite, québécois aussi.

  • En parallèle de la musique, sur scène, il y a aussi une prestation, une présence : le théâtre, ça vous a aidé, vous vous en êtes servis un petit peu ou c’est loin derrière ?

Michael : En fait, c’est pas vraiment la même chose. Sans doute que ça aide…

Fabienne : On est plus soi-même sur scène quand on joue avec des instruments alors qu’on joue un rôle au théâtre.

Michael : Oui, c’est ça, au théâtre, on peut se cacher derrière un personnage.

Fabienne : Lors de nos premiers concerts, on était à 1 centimètre des gens. C’est vite devenu un grand plaisir.

  • Là, Bourges, c’est excitant forcément ? Est-ce que d’ailleurs c’est connu en Angleterre ?

Michael : Je n’ai pas trop l’impression.

Fabienne : J’ai croisé des groupes qui y allaient.

Michael : Anna Calvi, Breton… des projets connus.

  • Vous êtes dans un sacré cru quand même !

Michael : Oui, c’est vrai !

William : L’année 2014, c’est un truc de fou. En trois-quatre mois, y’a vingt albums géniaux, voire plus qui sont sortis.

We Were Evergreen par Fred Lombard

  • En tournant avec Slow Club, Ed Sheeran et King Charles, vous n’avez pas l’impression d’être devenus anglais, ou plutôt le sentiment d’appartenir plus la scène anglaise que française ?

Michael : Bonne question ! C’est difficile à dire vu qu’on n’a pas le recul nécessaire.

Fabienne : Et ça sonnerait peut être prétentieux de dire qu’on se sent plus proches d’une scène que l’autre. Mais on a plus rencontré de groupes en Angleterre, ça correspond mieux à notre esprit actuel.

Michael : Disons qu’on a une façon plus anglaise de se comporter en tant que zicos je crois. Les artistes français sont plus dans un cocon, un peu protégés par l’industrie et le public. Les Anglais, j’ai l’impression qu’ils sont tout le temps avec le public. On a le sentiment d’être un groupe accessible.

  • C’est peut-être plus spontané, moins calculé en Angleterre ?

Fabienne : Il y a peut-être moins l’idée d’un spectacle.

Michael : En Angleterre, tu es là pour jouer ta musique, c’est tout. Il y a une moins grande obsession de l’image.

William : Après quand on aura les moyens, on fera un vrai show ! (rire)

  • Qu’est qu’on peut vous souhaiter pour 2014 : forcément le disque de platine, mais à part ça ? Vous avez des gros trucs dans l’agenda ?

Michael : On a Glastonbury, auquel on va pour la première fois ! Ça, c’est cool !
On peut nous souhaiter d’avoir plus de concerts en France.

Fabienne : Ah ! De voyager tiens, de voyager plus ! On est déjà allé aux États-Unis, en Allemagne, en Belgique, en Hollande, en Suisse, même une tournée en Amérique du Sud, mais on aimerait aller plus loin. Si on peut faire l’Asie et retourner en Amérique du Sud pour l’approfondir en 2014, c’est parfait !


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques