En décidant de voyager dans les méandres de sonorités psychédéliques originelles, Vismets signe un grand moment de rock suggestif, entre trip maîtrisé et liberté artistique totale. En onze titres, le groupe devient le saint patron d’une musique hors du commun, alliant évanescence et rêverie proche de l’évasion sensorielle.
On entend souvent parler, de nos jours, de « revival psychédélique » : festivals, groupes, événements, tout y passe. Et même si l’on doit admettre que de nombreux artistes contribuent à faire perdurer le genre, force est de constater que certains parviennent à se détacher du lot, avec passion et surtout un grand respect de l’art ici nommé. Car, quand il s’agit de psyché, il s’agit tout simplement d’un style ouvert, prêt à être assimilé avant de laisser une part aussi importante à la structure qu’à l’improvisation. La mélodie est primordiale, chaque instrument doit trouver sa place, chaque son doit avoir son mot à dire. Bref, une musique beaucoup moins bordélique que ce que beaucoup peuvent en penser.
Mais encore faut-il y croire et y apporter une touche importante de volonté et de nouveauté. Les Bruxellois de Vismets ne s’y sont pas trompés, mais ont décidé, avec « Abracadabra », de transcender leur source d’inspiration, voire de la dépasser. Conserver le canevas pour mieux broder sur les modèles, tout en gardant un contrôle précis et admirable sur les compositions. On voyage ici en terrain connu, mais en contemplant des trous noirs qui s’ouvrent au-dessus de nos têtes et révèlent de chatoyants et attirants univers parallèles.
L’imaginaire et la soif de création sont les guides spirituels qui nous accompagnent tout au long de la découverte de l’album. Entre vagues aériennes et épurées, s’achevant dans un maelström de sensations entêtantes (Silence Is OK, Writing You A Letter), et puissance rock fascinante (Lose Your Mind, Abracadabra), le quatuor belge arrache les barrières d’un passé trop étroit pour ses ambitions et cavale toujours plus loin vers les frontières avant de les franchir sans regarder en arrière. En alternant moments de plénitude hypnotique (Trees Of Liberty) et extase sensorielle bercée de chœurs profonds et tendres (All We See), les musiciens osent et dévoilent un potentiel évocateur intense et fulgurant, même lors d’un court moment à la limite du funk (Robin Robert).
Les titres s’évadent et nous entraînent avec eux, loin des pistes qu’il faut normalement suivre pour ne pas se perdre. Toute l’énergie déployée pour parvenir à leurs fins se retrouve dans le redoutable « Horsemen », conjugaison d’idées précieuses et exceptionnelles qui dépassent de loin toutes les attentes. Les cavaliers sont lâchés et le paysage musical, après une telle cavalcade, ne s’en remettra jamais vraiment, ce qu’achève de prouver le folk bientôt en roue libre de « Off And Dead », merveille de chant choral qui laisse exsangue et fasciné.
Autant l’admettre de but en blanc : il est inutile d’essayer de résister aux vagues instrumentales et vocales que Vismets projette sur nos corps et nos âmes. Une telle invitation au voyage ne se refuse pas, tant elle suscite l’admiration et le respect. En confiant son matériau d’origine aux déités de la musique la plus libre et suggestive, l’entité crée des images en perpétuel mouvement, n’arborant aucune étiquette, si ce n’est celle du plaisir dans la performance et l’évocation.
Une exaltation des sens qui ne souffre d’aucun temps mort et n’offre pas le moindre répit. « Abracadabra » nous entoure, nous encercle et nous invite dans un tourbillon de sensations à la fois fortes et apaisantes, dans une danse sabbatique dont on ne ressort pas indemne. Mais avec la sensation de vivre, encore et toujours plus à chaque écoute, un moment particulier, spécial et incomparable.
Il faudra des heures pour se remettre des ébats sensuels et forts vécus à l’écoute de cet album puissant et magique ; mais au final, on a la vie devant nous, alors autant en profiter et recommencer, une fois de plus, encore et encore.
« Abracadabra » de Vismets est disponible depuis le 27 avril 2015 chez Roy Music.
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