[LP] Vadim Vernay – It Will Be Dark When We Get There

Dans une ambiance lynchienne en diable, Vadim Vernay laisse couler ses compositions sur de lisses pierres noires et circulaires, entre fascination et admiration. Un disque intime à la beauté troublante.

Vadim Vernay - It Will Be Dark When We Get There

Etrange et intemporel ; deux adjectifs qui se prêtent bien à la découverte de ce nouvel album de l’artiste français Vadim Vernay. Trois ans lui auront été nécessaires pour enfanter cette offrande, « It Will Be Dark When We Get There ». Et de ténèbres, il en est principalement question tout au long de ce disque surprenant, calme mais pourtant chargé d’émotions fortes. Treize pistes complexes, intimistes et bercées d’instrumentations élaborées sans être rébarbatives ; gageure que l’artiste relève avec dignité et talent, sans conteste. Cependant, le projet n’est pas à mettre entre toutes les oreilles ; car son côté expérimental pourra en rebuter certains. C’est dit. Ne reste plus qu’à plonger dans la torpeur magnifique de ces pistes embrumées.

Les sonorités les plus paradoxales se conjuguent au sein de ce LP à la fois sulfureux et noir. Qu’on les retrouve mises en avant à de nombreux moments (A Lost Letter, Our Disease) ou dissimulées derrière des mélodies plus élaborées (le saxophone de « Bring Me Chaos », See From Now), elles demeurent omniprésentes, prises dans un laboratoire multi-dimensionnel qui dérange autant qu’il fascine. Entraîné dans la tourmente, l’auditeur ne sait plus où il se trouve, sentant l’oppression le gagner peu à peu (Darkhorse, Wolfriver). On trouve ici l’envie d’imposer une structure proche de l’improvisation, mais d’ores et déjà ailleurs, dans un contexte où toutes les folies et dérives sont possibles, sans interruption et avec une fureur de tous les instants.

Tantôt murmurées, tantôt exaltées, les performances vocales de Vadim Vernay impressionnent, mais contribuent également à ce sentiment de malaise omniprésent ; cette torpeur effrayante car dépouillée, entre chuchotement et exhibition de mots se succédant les uns aux autres, dans un sabbat mélodique intrusif et faussement charmeur (Fadeaway). Le savant fou crée ses formules dans l’obscurité et accouche d’un disque hybride, sobre mais prenant, qui détrousse l’âme des plus avertis sans aucun scrupule ni difficulté. On boit ce breuvage empoisonné sans en connaître immédiatement les conséquences, mais en se laissant porter une fois que celui-ci fait son effet, insidieusement, inconsciemment. Les instruments deviennent alors autant de scalpels et de seringues qui opèrent, découpent et s’immiscent dans notre quotidien mis à mal et torturé. Mais avec un plaisir presque masochiste, que l’on ne cesse de désirer encore et encore.

crédit : Ludo Leleu
crédit : Ludo Leleu

Un album extrême, épris de liberté et chargé de mille maux et impressions ; surprenant, radical mais véritablement humain.

« It Will Be Dark When We Get There » de Vadim Vernay est disponible depuis le 27 avril 2015 chez La Maison.


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Raphaël Duprez

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