[Live] U.S. Girls au Nouveau Casino

En pole position pour finir dans nos best of de fin d’année, le sixième album d’U.S. Girls est une des perles que l’on désirait le plus voir prendre vie sur scène à Paris. C’est chose faite avec une performance magique en full band au Nouveau Casino, salle qu’on avait un peu délaissée après son virage plus « club », mais dans laquelle on est revenu avec un certain plaisir le 19 novembre dernier.

crédit : Cédric Oberlin

Il y a souvent dans l’histoire d’un projet musical des albums charnières qui transforment un groupe et un artiste. C’est le cas du sixième chez U.S. Girls, alias Meghan Remy (et ses divers acolytes), qui avec « In A Poem Unlimited » a sûrement produit son meilleur disque grâce à une progression aussi inattendue que réussie. On l’a ainsi redécouverte au début de cette année avec un songwriting rénové, audacieux, fait de paroles acides dans une démarche féministe et politique. Grâce à un ton cynique et sarcastique qui contraste avec la volonté de faire des partitions dansantes, l’Américaine s’impose aujourd’hui dans la pop indé avec son groove jouissif. Une évolution vers quelque chose de plus accessible, mais plus fou également, comme une nouvelle marche franchie pour donner une autre dimension au projet.

Avec ces bases solides, il ne demeurait plus que des interrogations sur la transposition du disque sur scène, puisque la richesse instrumentale de l’album suppose un live-band conséquent. C’est réussi sur cette tournée d’automne, avec la formation réunie de six musiciens et d’une choriste autour de la chanteuse. Un groupe précieux qui permet d’appuyer sur l’ambiance pop-disco du long-format, doublant la fidélité au disque d’une interprétation de grande classe dans des conditions optimales.

Bien inspirée par cette production funk aux quelques contours glam, avec l’intention de s’engager autant sur scène que dans ses textes, Meghan Remy assume une vraie proposition scénique, auxquels se mêlent ses musiciens habités et passionnés. Un brin distancié vis-à-vis du public, mais généreux, l’ensemble offre un travail vocal de qualité se complétant de séquences instrumentales parfaitement construites et de chorégraphies hantées. Un show complet et vivant, pour un voyage intense et passionnant dans l’univers arty de U.S. Girls, qui commence franchement à compter dans la sphère indé. La posture scénique définie pour le dernier disque semble également transformer d’autres morceaux plus anciens glissés dans la setlist et parfaitement fondus dans l’ensemble, à l’image des « Navy & Cream » et « Damn That Valley » empruntées au long-format art-pop « Half Free » autrement aventureux.

L’artiste et sa choriste semblent totalement impliqués dans la proposition scénique, jouant d’alter ego qui offrent une réalité physique à la production de son auteure. L’interprétation créée ainsi une alchimie fascinante, et portée par des chansons catchy qui donnent à la prestation une classe folle, et une touche un peu culte : « Rosebud », « Incidental Boogie » ou encore « M. A.H ». L’exécution est soignée, il y a un côté très réglé, mais le message passe paradoxalement par sa posture désinvolte, entre pamphlet féministe et machine à tubes funky.

C’est ainsi l’un des projets les plus aboutis de l’année, l’un des grands disques qui s’est imposé dès sa sortie l’hiver dernier, à la fois plus accessible et plus ambitieux, plus immédiat et plus imaginatif. Meghan Remy se rapproche de cette manière du groove idéal, à la croisée d’un son rétro et de la pop du futur. Sommet attendu, « Time » achève la performance un délire funk instrumental, mêlant saxo, riffs électrisants et saxo. Pas besoin de rappel : on en sort K.O.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens