[EP] Trevor Sensor – Starved Nights of Saturday Stars

Dressant le portrait d’une civilisation américaine hantée par ses fantômes et sa modernité, Trevor Sensor s’impose pas à pas, dans les sillons d’un folk habité par le blues et qui se chante dans les bas-fonds ou sur les plaines embrumées.

Trevor Sensor - Starved Nights of Saturday Stars

Trevor Sensor est Américain. Un jeune américain, appartenant à cette génération née au milieu des années 90. Il a grandi dans l’Illinois. Terre du Midwest au nom d’une tribu amérindienne. Terre du Midwest frappée par les crises financières et industrielles. Dans ce décor étasunien, Trevor Sensor dessine un folk à la peau écorchée et bercée par le blues. Seulement quatre mois après son précédent EP, « Texas Girls and Jesus Christ », le songwriter américain revient avec trois titres sur le très beau « Starved Nights of Saturday Stars ». Plus pétrifiant et sûrement plus urgent.

La voix est saisissante. C’est elle qui s’empare de nos corps dès la première seconde sans plus jamais les lâcher. Le timbre de Trevor Sensor est tiraillé et tiraillant. Il porte tout le poids des sages et leurs incantations, mais aussi toute la détresse des comptoirs imprégnés de whiskies. Par sa jeunesse, il donne à l’imagerie folklorique des traits contemporains, naviguant ainsi entre chamanisme et modernité. Son chant vertigineux tire à bout portant sur les cœurs abîmés et les brumes qui s’étendent sur les terres endormies de l’Amérique. Chez Trevor Sensor, il y a ce quelque chose de dangereux, de fantomatique et de beau. Il chante comme on se confesse. Il chante comme on s’arrache les tripes. Il chante parce que les mots écorchaient ses entrailles. D’ailleurs, Trevor Sensor le dit lui-même : « If I’m trying to do anything, it’s to be sincere ». La sincérité façonne chacune de ses paroles. Il a la plume d’une écriture mature, qui puise dans ses références ; de Marcel Proust à Dave Eggers. De la madeleine à l’ère numérique. Curieux songwriter qui, sur un bateau d’une autre époque, navigue sur les maux de nos jeunesses bien contemporaines.

Trevor Sensor

Le projet s’ouvre sur « When Tammy Spoke to Martha ». Incandescent et fiévreux. Le chant est des plus ivres, mais pourtant sur une mélodie menée au piano et à la guitare, Trevor Sensor sort de l’obscurité par des pirouettes nonchalantes. À cette image, son art est de mêler ténèbres et fraîcheur. « Starved Nights of Saturday Stars », le morceau, a la saveur des Pogues, de la douceur fébrile et des ballades rugueuses. Le dernier titre est un texte lu, qui sur des notes mystiques tels les grelots accrochés aux chevilles des sorciers, s’empare de nous. Trevor Sensor apparaît alors comme l’artisan folk et magicien de notre époque sombre.

« Starved Nights of Saturday Stars » de Trevor Sensor est disponible depuis le 5 août 2016 chez Jagjaguwar.


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Juliette Durand

étudiante en cinéma, arpenteuse des scènes parisiennes et passionnée des musiques qui prennent aux tripes