[LP] Thylacine – Transsiberian

Courageux et intelligent, Thylacine prend le « Transsiberian » pour nous délivrer le plus dépaysant des projets électro. C’est une aubaine, sans aucun doute. Nous embarquons avec lui.

Thylacine - Transsiberian

Le thylacine, également appelé loup marsupial, est un mammifère carnivore à quatre pattes semblable à un loup et au pelage tigré. Bien qu’il soit maintenant éteint, ce marsupial est le descendant direct du Diable de Tasmanie, qui est lui-même connu, dans la culture populaire, grâce à son personnage des Looney Tunes. Nous ne parlerons pas de Taz et de ses aptitudes à se transformer en une immense tornade et à dévorer tout sur son passage ; mais tout de même, si nous gardons la métaphore, ce Thylacine-là peut en être follement familier. À 23 ans, William Rezé va vite. Il a déjà vécu plusieurs vies artistiques : le saxophone à 6 ans, le Conservatoire classique, l’apprentissage du jazz, les groupes au lycée, les Beaux-Arts et, ensuite, l’électro. William ne cesse d’explorer en repoussant ses limites et celles des genres. L’exemple parfait avec « Transsiberian », un album qui se déroule sur 9000 kilomètres, de Moscou à Vladivostock, dans les paysages sidérants du nord du monde. Le train fut son studio, les voix et les bruits furent ses outils, et c’est pendant 160 heures de train, au gré de 1000 gares, que William et son équipe vidéo (une série de dix épisodes, réalisés par David Ctiborsky, est en cours de route) ont capturé les éléments essentiels au plus nomade des projets électro.

Il va de soi que ce périple de deux semaines fut intensément inspirant pour le jeune artiste, tant musicalement qu’humainement. Le son d’une action de la locomotive, les cris, les toux, les cloches… La modulation de tous ces bruits externes produit un pur travail de sound design et vient agrémenter l’imagerie de l’album. Outre le fait que « Transsiberian » se focalise sur l’image qu’il nous renvoie, les bruits naturels comme synthétiques forment un maelström exquis sur l’essor de son voyage. On bouge avec lui, obligatoirement. On existe pendant l’ « Introduction », avec le grand départ du « Train » ; on se dépayse avec le chant de deux petites filles, « Aïkhaï et Mandukhaï » ; on chauffe ses mains sous le crépitement d’un feu de « Chaman » ; et on jongle avec les polyphonies d’« Irkutsk ». Ces rencontres, toutes inédites et attachantes, se fondent dans la production d’un rythme entraînant emprunté à la dance, tout comme dans la contemplation, maquillé avec la sérénité du downtempo. Thylacine surprend à tous les niveaux.

Il est indéniable que, techniquement, « Transsiberian » est très recherché et fortement courageux dans son approche. Musicalement, rien ne reste à prouver, il est entre les goûts de chacun. Et humainement, ce disque, qui voue l’utile à agréable, permet deux choses : marquer à l’encre rouge une épopée moderne, et inciter son prochain à aller voir ailleurs. Dans les deux cas, il sera toujours moins cher de voyager avec le cœur.

Thylacine

« Transsiberian » de Thylacine, disponible le 27 novembre 2015 chez Intuitive Records.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante