Rencontre avec Thylacine

Nouvelle figure de l’electronica, Thylacine, projet initié par l’Angevin William Rezé et entouré de Camille Després au chant commence à se faire un nom localement.
Rencontre dans l’appartement de William en compagnie de son acolyte féminine Camille pour parler du projet Thylacine sous toutes ses coutures ; des titres originaux aux remixes, des enregistrements studios à leur vision du live. Bonne lecture, bonne découverte !

Thylacine

  • Salut Thylacine, est-ce que vous pouvez me parler du projet, comment tout a commencé ?

William : Salut Fréd, j’ai commencé à me mettre à l’électro il doit y avoir deux ans quand j’ai eu envie de faire mes morceaux tout seul, tout simplement. J’ai commencé à bosser ça dans ma chambre.
Peut après, on s’est rencontré avec Camille aux Beaux-arts. On y étudiait tous les deux et on se connaissait tous les deux assez bien. Après un bœuf, j’ai emmené mon synthé et deux trois matos, on a joué ensemble… c’était mortel (rire) et dès le lendemain je lui ai fait un morceau. J’avais bossé toute la journée sur le morceau, sans manger, je me rappelle.
C’est à partir de là qu’on a commencé à bosser un peu ensemble. Après je bosse aussi beaucoup dans mon coin, mais c’est un peu comme ça le projet.

  • Le choix de Thylacine, je sais que c’est un marsupial, de la famille du diable de Tasmanie, pourquoi avoir choisi ce nom ?

William : Ce n’est pas exactement un tigre de Tasmanie. Le mot me plaisait vraiment ; je n’aime pas trop inventer des blases et là l’idée c’était de reprendre ce mot, Thylacine, un nom d’animal qui a disparu après avoir été chassé par l’homme. L’espèce n’existant plus, j’ai décidé de me l’accaparer, surtout qu’il est chouette ce mot !

  • Et pour donner une signification musicale à Thylacine, c’est quoi ? De l’electronica, de la dream pop, de l’ambiant, qu’est-ce que c’est ?

William : De l’electronica, c’est bien parce qu’en général, personne ne sait ce que ça veut dire et ça permet d’englober pas mal de trucs.
C’est de la musique électronique, mais je ne me limite pas trop à des carcans. J’ai des influences qui sont très diverses et qui peuvent aller de l’ambiant à la techno, en passant par le jazz ou autres.
Par contre, je ne pense pas que Thylacine s’inscrive dans la logique de l’ambiant avec de très longs morceaux.

Thylacine

  • On va parler de toi, Camille, comment te situes-tu tu dans Thylacine, te considères-tu comme un membre à part ou bien un collaborateur de passage ?

Camille : Je ne sais pas (rire). C’est difficile comme question, je ne m’attends à rien, je laisse aller et je laisse aller. Il n’y a rien de figé.

William : Oui, c’est ça, j’ai beaucoup bossé avec Camille, sa technique de chant marche vachement bien et c’est pour ça qu’on a commencé à travailler ensemble. Après on verra comment ça va évoluer. Moi j’ai aussi envie de mon côté de continuer à faire des sons un peu tout seul. C’est un va-et-vient des deux, un peu comme le set qu’on fait, c’est-à-dire qu’il y a une partie où je suis un peu tout seul et une partie où Camille vient me rejoindre.

  • Mais finalement, Thylacine, c’est quoi, un projet solo accompagné ou c’est un projet en duo ?

William : À la base, c’est un projet solo, car j’étais tout seul quand j’ai formé Thylacine. Après Camille m’a rejoint, c’est donc une sorte de projet solo accompagné qui peut peut-être partir en duo, même peut-être en trio qui sait !
C’est aussi pour cette raison que j’ai choisi d’appeler le projet Thylacine et pas William Rezé, car du coup, ça fermait le truc à un projet perso. Je pense que ça peut se développer avec plusieurs personnes, pourquoi pas.

  • Tu parlais au tout début de l’interview que tu avais eu d’autres expériences avant Thylacine, que t-ont-elles apportées dans la construction de ton nouveau projet ?

William : On pourrait croire que ça ne m’a pas beaucoup apporté parce que c’était très différent. J’étais saxophoniste et j’ai même été bassiste dans d’autres groupes auparavant, des groupes plutôt rock, assez festifs, et au final, ça m’a vraiment appris à composer.
C’est dans ces groupes-là où pour la première fois où, après le solfège, on allait vraiment composer et tout. Et ça on te l’apprend pas en cours de solfège, à construire un morceau.
Ça m’a également apporté la dimension scénique : qu’est ce qu’on fait sur scène, comment on se comporte.

  • Où l’on regarde ? 

William : Même pas, car moi sur scène, j’ai un projecteur en face donc je ne regarde même pas le public (rire).
Ça m’a aussi amené à vouloir après ces expériences de groupes à vouloir composer tout seul sans quatre autres mecs autour qui donnent leur avis.

  • C’est quoi les influences qui t’ont conduit vers l’electronica ?

William : Au départ, je ne savais pas trop ce que je faisais, j’ai pris des influences sur les premiers albums électroniques que j’avais au tout début, puis c’est des mecs comme Nicolas Jaar et Emancipator que je n’écoute plus trop, mais qui m’avait donné envie de faire ce genre de musique.
Après, ça va sur des trucs beaucoup plus larges ; des classiques comme Moby ou clubs comme Paul Kalkbrenner. Des plus récents également comme Modeselektor, Apparat, Four Tet dont je suis un grand fan, John Talabot, ce genre de musiques, d’artistes qui ne sont pas vraiment définissables. Des fois, y’a des trucs de hip-hop, ça va bien de l’électronique, mais c’est pas club, une sorte de mélange…

Thylacine

  • Et si on parlait un peu de l’installation visuelle, car ça a quand même une place importante dans ce projet. Quelle vision veux-tu donner de Thylacine en amenant toute cette construction autour de toi ?

William : Avec Laetitia qui réalise les projections vidéos, on est tous les deux fans de vidéos de route, de paysage, et donc on a commencé à faire nos projections de cette manière, tout en y associant des choses un peu plus graphiques.
L’installation visuelle aujourd’hui est différente, c’est un peu comme des lignes électriques de bord de route, où l’on projette dessus pour garder cet effet de voyage et de perspective. On cherche à emporter le spectateur, à le transporter, c’est un peu le but.
C’est aussi une frustration parce que moi, je viens de musiques jouées en groupe, on était nombreux et présents sur scène surtout, et j’ai donc envie qu’il se passe quelque chose sur cette scène et pas juste être sur mes machines et que personne ne me voit.

  • Tu as envie d’être accompagné, même en étant seul sur scène ?

William : Ouais, c’est ça, exactement (rire).

  • Et pourquoi l’installation est en losange ?

William : Pour être honnête, pour moi, c’est juste une forme que j’adore et qui je trouve, marche hyper bien, dans les visuels. Quand on a fait l’installation, on ne pensait même pas à la forme, et on s’est dit à la toute fin, « ah, mais c’est exactement comme la pochette de l’album ».

  • Donc la pochette d’album est venue avant ?

William : Ouais, complètement.

  • Et en dehors du live, quelle importance accordes-tu à l’aspect visuel de ton projet, notamment sur les illustrations ?

William : C’est un peu le même principe. À la base, le visuel c’est extrait des projections de live que j’ai redécoupé et un peu retravaillé, mais c’est dans cette continuité.
Aussi, on a également travaillé des pochettes avec Camille avec des éditions sérigraphiées. Mais là, c’est aussi les Beaux-Arts qui nous amènent à vouloir expérimenter un peu le médium.
On ne voulait pas avoir des petits cd en carton comme tout le monde.
On s’est donc dit, « qu’est-ce qu’on peut faire avec nos moyens ? » et on s’est mis d’accord pour faire une partition, juste une feuille A4, qui tient le disque avec un pliage et ce qu’il y a sur la feuille parle vraiment du contenu du cd.
Et du coup, Camille a fait un dessin vraiment en fonction de…

Camille : …de ce que je ressentais par rapport aux titres, par rapport à cette musique.

William : Moi, j’ai fait un peu cette partition graphique que je travaille un peu aux Beaux-Arts.
À l’avenir, même si c’était très galère de faire 100 cds à la main, on va essayer de continuer à jouer sur ce médium qui reste hyper intéressant.

Thylacine

  • Et finalement, ça devient collector le do it yourself !

William : Et ouais ! (rire)

Camille : c’est unique !

Jocelyn (présent pour assister à l’interview) : 1000 euros sur ebay dans quelques années !

  • Et il vous en reste du coup ? (rire)

William : Il doit nous en rester une vingtaine.

  • Finalement, vous souhaitez continuer ce DIY sur les prochains projets ?

William : Moi, j’aime beaucoup le DIY, ça fait un peu partie de moi. Après, hélas, c’est vraiment galère, et je ne pense pas forcément que cela sera possible dans ce sens-là. Mais s’il est possible de ne pas être normé par un format, ça serait bien de continuer là-dessus.
C’est comme pour l’installation sur scène, on ne va pas foutre un énorme écran de LED. Notre installation là, elle nous a coûté une bobine de ficelle et du scotch…

  • Et un vidéoprojecteur ?

William : Le vidéoprojecteur, il n’est pas à nous, il ne nous a rien coûté.

Thylacine

  • D’ailleurs en parlant de la vidéoprojection. Est-ce que c’est une installation qui peut s’adapter à tous les lieux ?

William : Bah ouais, et c’est surtout que c’est nous qui adapterons l’installation à tous les lieux. C’est un peu l’idée.
Là, on va faire un concert la semaine prochaine aux Beaux-Arts, on va essayer de faire la même installation que la fois passée, mais peut-être en la modifiant. Laetitia peut faire des projections dans le même genre, mais un peu différentes et s’éclater avec ce genre de choses.
C’est très évolutif, je pense. Ce n’est pas comme certaines stars qui présentent pendant trois ans chaque soir le même live.
Là on a commencé avec ce système, ça a super bien marché, on a eu plein de très bons retours et on veut donc rester dans  cette logique en améliorant quelques trucs.

  • Il y aurait quoi comme pistes d’évolution ?

William : Comme pistes d’évolution ? Là, déjà, on va essayer de faire un truc bien amusant, un peu plus grand, et pourquoi pas pour que ça englobe encore la scène, que la perspective soit encore plus forte, plus profonde.
Et personnellement, j’essaye de travailler à ce qu’on voit un peu plus ce que je fais sur scène. J’ai déjà essayé de surélever les pads pour qu’on voit mieux mes actions en live.

  • On va parler du premier EP, « Intuitive ». Pourquoi ce nom ?

Thylacine - Intuitive

William : Parce qu’on a composé cette musique sans réfléchir à la base. Sur tous les premiers morceaux, c’était vraiment à la base mes premiers morceaux que je faisais tout seul. Il y avait vraiment une valeur très intuitive. Je faisais mes morceaux en m’enfermant pendant deux jours sans trop savoir ce que je faisais.
C’est plus trop le cas maintenant avec les nouveaux titres, car je suis dans une autre démarche, j’ai lu pas mal de bouquins et j’essaye de donner un sens véritable à mon action musicale.

Camille : Moi, j’écoute les instrus et je compose sur l’instant. C’est de l’improvisation sur l’instant.

William : On fonctionne sur l’instant, et on le voit bien dans notre travail nous deux, même nous trois avec Laetitia. Sur le moment, ça se passe comme ça.

  • J’ai l’impression que ton chant, Camille, c’est par moment un chant d’ambiance. Est-ce que tu partages cette conception-là ?

Camille : Oui, c’est vrai. En même temps, quand je réécoute les lives, sur l’instant, je ne sais pas ce que je donne. Je ne saurais même pas définir ce que je fais. C’est bête, hein… (rire). C’est intuitif !

  • William, une question pour toi, pourquoi avoir choisi de reprendre « Ne me quitte pas » de Jacques Brel, titre que tu t’es vraiment approprié ?

William : Déjà j’aime bien la musique Jacques Brel, et d’un point de vue technique, c’est un morceau où il y a plein de parties sans accompagnement au piano, et ça m’a donc permis de faire un remix pirate. C’est-à-dire qu’on enregistre la piste de base et on tape dedans, on coupe, sans avoir le piano pour pouvoir sampler des bouts à loisir.
C’était un morceau que j’avais envie de travailler, car je savais que j’avais cette possibilité-là de faire ce remix sans forcément les droits d’auteurs, mais bon Jacques, il ne va pas me faire chier maintenant ! (rire).
Et puis, c’est pour moi une sorte d’hommage, même si certains pourraient trouver ça ironique.

  • On est au boulevard Foch pour cette interview, et un des titres d’Intuitive s’appelle « Foch ». D’où vient le choix des titres ?

William : Les titres ont souvent un rapport avec le lieu où je compose, il y a un morceau qui s’appelle Belleville, que j’ai fait à Paris. Je pense qu’il y a vraiment une inspiration en fonction du lieu où l’on est.
La première fois que je me ramenais dans cet appartement au Boulevard Foch, et où il n’y avait rien dedans à part mon matos de musique, je trouvais que ça contenait vraiment l’esprit du lieu.
Plein de noms ne sont pas recherchés pour faire un peu de com ou autres.
Le premier titre de l’EP qu’on a fait avec Camille, qui s’appelle « No Mic Stand », on l’a enregistré du coup avec un pote, Geoffrey, et on avait tous deux zappé le pied de micro, le mic stand, et on a été obligé de scotcher le micro au plafond et le faire descendre comme sur un ring de boxe.

Thylacine

  • Est-ce qu’il y a un second EP qui est à l’ordre du jour ?

William : Oui, il y a déjà deux morceaux qui sont prêts. Il y a un morceau en duo avec Camille.

Camille : Où il chante avec moi !

William : Ouais, et j’ai pas envie de faire trainer la sortie de ce nouvel EP, j’ai attendu beaucoup de temps avant de sortir le premier.

  • Le morceau « hommage » à Jacques Brel, c’était un peu le prémisse à l’EP « Remixes ». Tu restes dans cette même veine où tu t’appropries les morceaux que ce soit ceux de DJAK ou de Future Dust, ou d’Alt-J. Pourquoi avoir choisi ces artistes ?

William : Les deux groupes angevins, DJAK et Future Dust me les ont « commandés ».
L’un, c’était une sorte de concours, Hannes Smith, une musique expérimentale, un peu club qui est assez bien.
Et Alt-J, c’est un remix pirate aussi ! (rire)

  • D’un côté, on ne retrouve pas l’original dans tes remix.

William : Ouais, pas du tout, c’est ce que j’ai dit à Future Dust, à DJAK, « moi si je fais un remix, le but c’est de m’approprier vos sons et d’en faire un autre son. L’idée n’est pas juste de foutre de la basse. »
Ils ont des sons qui m’intéressent, la voix du chanteur Alt-J par exemple est géniale et puis j’adore les jeux de guitare.

  • Finalement, tu n’aurais pas dit que c’était un EP de remix, personne ne s’en saurait douté !

William :  Complètement, parce que personne ne reconnait forcément les morceaux, mais c’est quand même un remix parce que ça reste leurs sons que j’utilise.

  • Est-ce qu’un EP numéro 2 de remixes est prévu également ?

William : Oui, je suis en train d’en préparer un nouveau. Et il y aura peut-être un titre avec du Modeselektor. C’est un truc pirate donc je me dis que je vais peut être arrêter à un moment ça que je risque d’avoir des problèmes.

  • Donc à l’avenir, un nouvel EP plus un EP de remix.

William : Oui, et l’EP de remixes, ça viendra quand même après, un peu plus tard.

Thylacine

  • Et des concerts ?

William : Jeudi prochain, on joue aux Beaux-Arts pour une soirée qui risque d’être bien sympa.
Et le 27 février, on va à Paris dans le cadre du SOFAR, Sound From A Room, une association qui a des pôles dans les grandes capitales, Paris, Londres, Rome, New York…  et qui fait jouer des artistes dans des appartements.
Il y a une vidéo qui est montée et qui tourne dans tous les SOFAR et si ça marche bien, on peut être invité à jouer dans d’autres lieux à l’étranger !

  • Alors, c’est quoi les villes où vous aimeriez jouer ?

William : Un peu partout. Mais je sais qu’en Chine, en général, c’est la folie. Des potes français m’ont dit que c’était leur meilleur concert, que c’est sympa de faire une tournée en Chine.
Et sinon, on en a déjà parlé avec quelques copains, il y a l’idée d’un festival qu’on a abordé avec une installation encore plus grande. Ça peut être assez sympa.
J’adorerais jouer au Scopitone de Nantes par exemple, et puis ce n’est pas très loin !
Et sinon, on cherche à tourner pas mal, donc n’hésitez pas à nous contacter pour nous proposer des lieux, des opportunités !
Maintenant qu’on a travaillé cette installation, on aimerait bien la montrer à tout le monde.

  • Merci William et Camille !

William : De rien ! Merci à toi.

Camille : Oui merci beaucoup !

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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques