[Live] The Young Gods et Korto au Ninkasi Kao

Plateau surprenant au premier regard, les surdoués savoyards de Korto ouvraient pour les légendaires Young Gods, le plus international des groupes suisses. Si les deux formations n’évoluent a priori pas dans le même style musical, elles ont toutes deux délivré des performances irréprochables et marquantes.

The Young Gods – crédit : Florian Millot

Korto tout d’abord. On ne les avait pas revus depuis un sacré moment à Lyon, après un passage au Marché Gare il y a quelques années qui nous avait suffisamment convaincus pour acheter le (très bon) disque et l’EP qui le précédait. De l’aveu même des musiciens, ce concert n’était pourtant pas un très grand soir pour eux, trop nerveux et pas dans leur assiette. Pour la date qui nous occupe à présent, c’est tout l’inverse. Les trois musiciens sont visiblement ravis d’être là, et pour cause : ils sont particulièrement fans des Young Gods et ne cachent pas leur admiration et leur plaisir d’ouvrir la soirée. On les reverra d’ailleurs dans le public pour la suite de la soirée.

Difficile de décrire leur musique, qui carbure à l’énergie pure, mais c’est un peu comme si Neu! s’était mis au math rock avec un soupçon de stoner. Les musiciens sont tous extrêmement doués et jouent comme des fous furieux devant un public de plus en plus enthousiaste – et médusé – à mesure que le concert avance. C’est terriblement fun, assez irrésistible et, il faut le dire, particulièrement impressionnant d’un point de vue technique. Les morceaux ont tous des noms particulièrement absurdes et le groupe nous fait beaucoup rire en plus de garder le cap sur l’excellence. On a hâte d’écouter le deuxième album, qui devrait arriver d’ici quelques mois.

Peu de temps après, Franz le Brésilien, Cesare l’Italien et Bernard le Français, les trois membres actuels du groupe officiellement suisse The Young Gods (c’est Cesare qui insiste sur cet amusant décalage entre perception et réalité à leur sujet après le concert) s’installent. La scène est très sobre, une guitare à gauche avec un pédalier, des machines à droite et la batterie au fond. Pourtant dès que le groupe démarre avec la très justement nommée « Entre en matière » et enchaîne avec « Figure sans nom », on sait que la soirée sera de haut vol. Un je-ne-sais-quoi de passionnant, d’à la fois sensuel et froid se dégage des compositions de leur excellent dernier album, « Data Mirage Tangram », qui sera joué en entier ce soir, dans le désordre et avec quelques surprises intercalées. Le groove lancinant des machines actionnées par Cesare s’accorde à merveille avec la batterie à la fois puissante et subtile de Bertrand, tandis que Franz arrose le tout de textures de guitare tantôt tranchantes, tantôt planantes, à l’image de ce « Tear Up the Red Sky » rugueux, probable clin d’œil à « Bullet the Blue Sky » de U2, dont il reprend le refrain.

Mais ce sont surtout la très dansante et langoureuse « Figure sans nom » et le rampant « All My Skin Standing » et ses percussions hypnotiques qui font basculer le concert dans la transe enivrante. Avec trois fois rien, les musiciens nous ont ensorcelés et nous tiennent à leur merci. C’est l’occasion pour eux de dégainer un de leurs classiques, « Envoyé », qui commence à agiter une partie du public. Petit à petit, la pression monte et le volume sonore aussi, de façon très naturelle et soignée. Il faut dire qu’on n’avait pas eu un son aussi impeccable à un concert depuis longtemps ; ça aide !

Le groupe continue de jouer son album devant un public qui en redemande, et s’embarque alors dans un long et généreux rappel qui revisite quelques classiques de leur discographie. Côté public, c’est comme si on venait de tourner un interrupteur : la foule qui dodelinait, bercée par les rythmiques tournoyantes et les sonorités électroniques et psychédéliques du dernier album se déchaîne comme un seul homme dès les premières notes des très indus « Kissing the Sun », « Gasoline Man » et « Skinflowers ». C’est comme si d’un excellent concert de The Knife (période « Shaking the Habitual »), nous avions été subitement téléportés dans la fosse d’un concert de Ministry ou de Front242 au Hellfest.

Après cette décharge de violence bienvenue et parfaitement maîtrisée qui donne un bel aperçu de ce qu’ont encore sous les pieds ces musiciens plus si jeunes, il est temps de conclure sur l’obsédante « Everythem », clôture abstraite et comme sous LSD de l’album qui envahit la salle des couleurs musicales iridescentes de la pochette. Chose rare, devant l’enthousiasme et l’accueil triomphal que leur réserve le public, le groupe jouera même un dernier morceau non prévu sur la setlist du concert, en guise d’offrande. Un beau geste, confirmé par la suite de soirée, où les musiciens rejoignent leurs fans au bar pour discuter plus d’une heure, signer des disques achetés au merch ou ramenés par des fans qui les possèdent déjà tous depuis longtemps. Une belle rencontre, à l’image de la soirée, généreuse et précieuse.


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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique