[Live] The Soft Moon et Helm à Stererolux

L’attente était longue afin de voir sur scène The Soft Moon dont les quatre albums subjuguent par leur puissance cathartique et leur rage retenue. La surprise était de taille et la patience pleinement récompensée le 15 mars dernier à Stereolux.

The Soft Moon – crédit : Fred Lombard

Luke Younger alias Helm est aux commandes de ses machines pour la première partie de la soirée. Le spectacle est troublant : la silhouette de l’artiste se distingue derrière une lumière crue aveuglante et l’atmosphère est d’un calme angoissant. Ni rythmes, ni pulsations, seules des nappes vrombissantes occupent l’espace avant qu’un saxophone ne s’illustre par de violents accès free jazz. Le voyage immobile est fascinant et plante le décor de cette soirée qu’on imagine sombre et hypnotique.

Dans la pénombre, Luis Vasquez s’avance vers le devant de la scène et prend à revers l’audience en entonnant « Criminal », dernier titre du LP du même nom sorti en février 2018. Tête pensante de The Soft Moon depuis 2010, l’homme s’accompagne d’une guitare dont les accords plaintifs sont rendus plus inquiétants encore à travers l’effet flanger plus qu’omniprésent durant le set, comme une marque de fabrique, une patte immédiatement identifiable.

Cependant, l’heure n’est pas au spleen et l’introspection, au cœur de l’œuvre du Californien, donne lieu à la ferveur dans les rangs. L’union parfaite de cold wave et d’indus réjouit la salle comble et tout le monde bondit entraîné par Luis Vasquez qui ne fait qu’un avec sa six-cordes aux accords tranchants qu’il n’hésite pas à frapper du poing pour appuyer le propos. La voix est trafiquée, susurrée, hurlée et se glisse tant bien que mal parmi les coups de boutoir de la section rythmique. Bassiste et batteur méritent des éloges tant ils dégagent de puissance et d’aplomb sous leurs traits d’une impassibilité surprenante. Sur les fondations d’airain des notes et des coups, Luis Vasquez se permet, sans crainte, de flirter avec le vide. La basse est énorme sans être ostentatoire et provoque à elle seule des vibrations sismiques que la batterie violente cherche à faire taire en vain à grand renfort de frappes primitives et saccadées.

D’une efficacité folle, les morceaux des quatre long formats du groupe accèdent à une nouvelle dimension sur scène. Quand le verbe était l’exutoire en studio, c’est désormais le corps qui se déploie et se libère de ses chaînes de culpabilité, de honte et de mépris. Luis Vasquez en appelle littéralement à l’énergie des spectateurs qui s’embarquent avec lui dans une transe infernale. Tous les titres du répertoire font montre d’insolence sur scène et invitent à danser dans la pénombre poignardée par les flashs des stroboscopes. « Far », « Black », « The Pain » et ces autres morceaux aux titres expéditifs ont un effet immédiat dans la fosse et la présence d’un bidon martelé avec rage et vélocité par Vasquez ajoute à la frénésie et provoque les cris de l’audience ensorcelée. Le rite électro-vaudou atteint son climax et l’on a la révélation que le groupe repousse les limites du post-punk qu’on imaginait pourtant contraint par un manque manifeste d’emphase. La structure est rigide, mais les possibilités apparaissent infinies… et l’expérience définitivement trop courte.

À l’issue du concert, l’obscurité semble briller, pleine de l’énergie libérée par le groupe et le public. Loin d’une relecture fidèle de son répertoire, The Soft Moon a fait preuve d’une fougue et d’une maîtrise exemplaire et l’écoute de ces morceaux géniaux ne sera désormais plus tout à fait pareille.


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Olivier Roussel

Olivier Roussel

Accro à toutes les musiques. Son credo : s’autoriser toutes les contradictions en la matière.