The Reflektors à Baltard : Kanaval vaudou

Ce vendredi 22 novembre 2013, les Montréalais les plus célèbres du moment, venus défendre leur album Reflektors dans la capitale qui parle aussi leur langue, étaient attendus de pied ferme par une cohorte de fans aiguisés et déguisés de la tête au pied.
indiemusic s’est niché au centre de la foule pour entendre les cœurs battre en rythme et au rythme des sons vaudou. Impressions.

crédit : Nicolas Nithart
crédit : Nicolas Nithart

2500 personnes qui se pressent sagement sur un trottoir étroit et pentu de 400 mètres de long, dans un 3°C saisissant, déguisées en sapin de Noël, panda, viking, princesse indienne ou autre calavera, avait de quoi terroriser les paisibles voisins du Pavillon Baltard pourtant habitués à d’autres frasques dans cette ancienne halle parisienne dédiée autrefois à la vente de volailles.
Le mot d’ordre de venir déguisé, presque solennel, avait pourtant été refréné par le groupe dans un communiqué de dernière minute, mais rien n’y a fait.

L’engouement total du public pour venir voir les Montréalais dans leurs plus beaux reflets était inscrit en chacun, comme une marque de respect et de défiance pour saluer cette halte parisienne des Reflektors, en plein milieu d’une tournée mondiale marathonienne.
(Quelques « maquilleuses » en herbe proposaient même à l’entrée de peinturlurer les visages pâles de balafres rougeâtres et autres soulignements enflammés d’arcades sourcilières).

L’impact de ce marathon se laisse d’ailleurs entrevoir sur le visage cerné de Win Butler (il donne depuis des semaines toute son énergie à ses nouveaux nés : son fils de 7 mois et ses Reflektors à peine plus âgés) qui, de la loggia surplombant la foule, ouvre la fiesta d’un tonitruant « My body is a cage ».
La lumière se reflète sur Régine qui martèle à tout rompre son tom basse, tapis dans l’ombre du grand Butler, au milieu de fans surpris et ébahis.
Coup d’envoi acclamé de 1 h 20 de show où se précipitent dans un son pas au mieux de sa forme les tubes du dernier opus, à peine entrecoupés de rares titres d’un certain Arcade Fire.

Une sensation schizophrène à la Dr Jekyll et Mr Hyde s’installe, les Reflektors en jouent sciemment ou non, Win allant même jusqu’à saluer cette première visite en France, la splendeur de la Tour Eiffel et autres charmes parisiens.

Décalage horaire, mais sans horreur, on passe de la moiteur haïtienne à la piste de danse française sans autres formes de procès. La salle est chaude, les structures métalliques se mettent à rougir tandis que le groupe rugit ses titres aux rythmes des percussions et synthés envoûtés.

Win prétexte interminablement dans notre langue qu’il ne parle pas celle de Molière, on le soupçonne de ruser pour prendre sa respiration et nous redonner la nôtre.
Régine, plus en retenue que d’habitude, se délecte sur le devant de la scène de paroles en Français qu’elle assène joyeusement sur Joan Of Arc, Sprawl et autres Haïti.

Les connaisseurs auront vite remarqué et apprécié le retour du héros de Final Fantasy. Non pas Sephiroth du jeu éponyme, mais Owen Pallett himself venu prêter main forte au violon et aux claviers. Le pilier originel est venu soutenir ses compères et ceux d’un Pavillon Baltard transformé en trance floor. Au risque de s’écrouler. Attention, le port du casque de moto n’était pas obligatoire ce soir-là pour Richard Reed Parry.

Masques géants en papier mâché, ambiance vaudou, mots lancés en créole, le frérot William Butler, assagi, reste en retrait dans une ambiance survoltée tandis que Sarah Neufeld semble perdre son archet tant la machine à se déhancher va vite et fort. On grince de ne pas plus entendre son violon que la batterie de Jeremy Gara finit de recouvrir.

Sur le côté droit, une louve masquée et montée sur une chaise, assène dos à la scène une chorégraphie pour tenter de rallier le public à ses vaines gesticulations. Bras en avant, en arrière, sur les côtés, on se croirait presque dans le clip de Coppola.

crédit : Nicolas Nithart
crédit : Nicolas Nithart

Quelques boules disco et paillettes métalliques plus loin, les Reflektors reviennent déjà pour un court rappel : un « The Reflektors » (le titre) qui relance la salle d’un wash de projecteur, et un « Wake-Up » final au titre inapproprié puisque que tout le monde est bien réveillé, prêt à se déhancher jusqu’au bout de la nuit.

The Reflektors étaient à Baltard, son pavillon n’aura jamais déversé de musique aussi forte et efficace et les nôtres en redemandent encore et encore.

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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans