[Live] The Psychotic Monks au Magasin 4

Rue du Port, soirée fraiche et pluvieuse, un hangar humide aux lumières tamisées et baigné de fumée de cigarette. Nous ne sommes pas à Brest, mais à Bruxelles au Magasin 4, les marins sont ici des rockers plus familiers du perfecto et des quais du canal, que du caban et de la houle. En tête d’affiche de l’institution punk The Psychotic Monks.

The Psychotic Monks © Alice Tabernat

Le premier opus du quatuor, « Silence Slowly and Madly Shines », et les concerts qui l’avaient suivi, nous avaient laissé pantois tant ils étaient puissants, justes, habités. C’est donc curieux de retrouver le groupe quelques années plus tard que nous nous postons au premier rang. Le public est au rendez-vous, bière en main et détendu. Enfin, plus pour très longtemps. À peine plongée dans la pénombre, la scène se transforme en aire de jeu où se donne à voir une expérience hypnotique. Dès les premières notes les musiciens sombrent vers une transe qui ne cesse de croître. Si chacun semble concentré sur son instrument, en profonde introspection, tous s’accordent tacitement. Un sentiment d’harmonie chaotique règne.

Les morceaux semblent être les strophes d’un poème. Nous ne savons où l’on va mais l’on s’abandonne à la gouverne des Psychotic Monks. L’absence de refrain renforce cet aspect narratif du concert ; et loin d’être rebutant, ou académique, il captive. Le public glisse lui aussi vers une forme de transe. Les musiciens exultent, sourient, s’amusent, crient.

Le groupe surprend aussi par sa maîtrise exacte de la temporalité : sans se parler, les membres se succèdent au chant au sein de mêmes titres, et ce après parfois de longues plages instrumentales. Nous sommes déboussolés. Comment s’accordent-ils entre eux tout en étant quasiment en transe ? Comment extraient-ils de la délicatesse de la masse sonore rock et tortueuse produite ? L’objet créé est beau, lumineux mais paradoxalement baigné de noirceur. Chaque entité, de la trompette aux polyphonies, est à sa juste place, bien qu’isolée elle paraîtrait jurer avec ce rock abrasif. The Psychotic Monks établissent une cohésion entre des idées a priori en rupture, fondamentalement hétérogènes voire issues d’univers que rien ne lie.

Le point culminant du récit est si déchirant que les paroles sont crachées. Nous ne pourrions employer le terme de « spectacle » tant la performance du groupe est honnête, sincère. Nous conter ce poème leur est aussi plaisant, salvateur que rude. Dans un dernier râle, Martin pose le point final du concert debout sur un ampli, T-shirt « Free Britney » trempé de sueur et sourire aux lèvres. La fosse, d’abord extatique, jubile !

Plus tard, un spectateur explique à son camarade que la sensation de transcendance échappe à sa femme. D’après lui, elle ne conçoit pas qu’un humain puisse être traversé par cet état d’altérité… Sans doute n’a-t-elle jamais acclamé les quatre membres de The Psychotic Monks, justes interprètes d’une chaotique harmonie.


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Alice Tabernat

Alice Tabernat

Étudiante passionnée par la création musicale et les beaux textes.