[LP] The John-Pauls – Forget to Remember to Forget

De leur propre aveu, les membres de The John-Pauls interprètent une musique sobre, presque innocente, alliant l’urgence du punk et la fougue d’un rock direct et franc. Et pourtant, à l’écoute de leur premier album, force est de constater que les apparences sont souvent trompeuses, tant la musique du quatuor est beaucoup moins simpliste qu’elle n’y paraît ; voire parfaitement et consciemment réfléchie pour mieux valoriser son immédiateté et l’addiction qu’elle engendre. Un disque à écouter à plusieurs niveaux, le principal étant sonore : à fond, bien sûr !

Au sein de la production texane, The John-Pauls ferait presque figure de nuage dans un ciel d’un bleu immaculé ; le petit système dépressionnaire qui est là pour montrer qu’on n’est pas qu’au pays des santiags, des rodéos et du port d’arme légal. Ses modes de défense, le groupe va les chercher ailleurs, au sein d’un punk aux aspects plutôt sages, voire aériens par certains moments ; comme si, afin de mieux s’exprimer, il avait décidé de laisser parler une douceur acide et amère qui colle au palais et embrume l’esprit afin de mieux le rallier à sa cause. Puissant tout en n’étant jamais hors de contrôle ou bruitiste, « Forget to Remember to Forget » fait de l’art punk une base sur laquelle se posent des sculptures fines, taillées de main de maître avec une concision et un sens du détail confondants.

Les compositions de Phillip expriment un langage intime, une vision de l’environnement qui l’entoure égarée entre l’incompréhension et l’innocence. Se réfugiant dans la liberté offerte par des compositions affirmées et intenses (« Free Chains », « Oh Shit! »), il invite ses acolytes à donner vie à des fantasmes inavoués, qu’ils soient littéraires et magnifiés par la voix cristalline et enfantine de Mikila (« Françoise Sagan », « Backwards Disaster ») ou plus pesants, sous une forme classique mais contenant des arrangements qui en font tout le sel et rendent l’ensemble inattendu et mélodiquement imparable, notamment grâce à l’apport du piano, dont la place se fait primordiale au milieu de ce rock primitif et animal (« The House-Husband Stomp », « Chuck Yeager »). On y croise ainsi de grands écrivains français et des pilotes de légende, mêlés aux tracas d’un quotidien nous empêchant continuellement de rêver de gloire ou, à un niveau moindre, d’une écoute attentive. Comme si l’enjeu de ce premier long-format était, justement, de résonner au plus profond de nous-mêmes et d’un public croissant de jour en jour ; ce qui ne sera pas difficile, si l’on en juge par l’incendiaire « Let’s Burn Down Westlake », le fragile « Sweeden » ou un « I Am a Songbird » brut de décoffrage et apportant une touche d’ironie plus que bienvenue à un album qui n’en manque jamais.

« Forget to Remember to Forget » est bel et bien la carte de visite idéale d’un projet qui a pris en mains son propre destin, sans fard ni apparats inutiles, berçant son rock de sonorités aussi dynamiques que fragiles et sensitives. Ni post-punk, ni rock, les chansons ici offertes s’éloignent de ces carcans trop réducteurs pour nous permettre d’admirer un langage artistique entre ténèbres de la condition humaine et lumière de l’expression sonore pour s’extraire des angoisses de l’obscurité moderne. Un disque court et étrange, tour à tour captivant et intrigant, mais qui ne demande qu’à être écouté en boucle, sa force de conviction se faisant toujours plus prégnante, plus intense, plus proche de nous et de nos doutes.

« Forget to Remember to Forget » de The John-Pauls est disponible depuis le 5 mai 2017 chez Aagoo Records.


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Raphaël Duprez

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