[LP] The Divine Comedy – Foreverland

Il nous tardait de savourer de nouvelles mélodies de notre irlandais préféré. Tête pensante de sa Divine Comedy depuis 1990, Neil Hannon a survécu aux modes (britpop, easy listening) auxquelles il a été à tort associé et créé une œuvre foisonnante où la grande musique sert d’écrin à de petites histoires qui révèlent sans fard mais avec classe la beauté tout comme le tragicomique du quotidien.

The Divine Comedy - Foreverland

Six ans depuis l’excellent « Bang Goes The Knighthood », une longue attente mise à profit pour redécouvrir un répertoire unique : « Death Of A Supernaturalist », Your Daddy’s Car », « Charge », « In Pursuit Of Happiness », « Timestretched », « Absent Friends »… Autant de titres qui ont suscité l’admiration pour Neil Hannon parmi ses pairs, à en juger par ses nombreuses collaborations (Charlotte Gainsbourg et Air pour ne citer qu’eux) et un public fidèle.

À l’heure des retrouvailles et à l’instant où nous poussons les grilles de « Foreverland », nous voici plongés dans un tourbillon de cordes tel Alice passant de l’autre côté du miroir avant de débouler dans un magasin d’antiquités où cloches, banjo, percussions et cymbalum prendraient soudain vie. « Napoleon Complex », rappelle le talent de Neil Hannon à dépeindre de façon acerbe ces personnages laissés sur la bas côté de la pop si ce n’est par le maître Randy Newman auquel il se réfère avec modestie. Randy Newman, coupable du méchant et drôle « Short People ». Tiens tiens ?

Au gré de sa discographie, The Divine Comedy n’a cessé de subjuguer par sa capacité à basculer en une piste de l’ironie mordante à la légèreté touchante. « Foreverland » ne déroge pas à la règle et le titre du même nom évoque dans des couleurs inhabituelles un havre de paix, but de la quête du garçon de Londonderry. Pour la première fois et au risque d’en désappointer plus d’un, des sonorités irlandaises apparaissent avec penny whistle et chœurs de marins. Nous voilà transportés sur une île rêvée où la brise tropicale agite les feuilles des palmiers. Passée la surprise, on se laisse aller à flâner dans ce « Foreverland » tout en notant la récurrence du thème du paradis sur terre dans l’œuvre de The Divine Comedy. « Happy Place » y fera à nouveau écho et l’on pense aussi à « Island Life » sur le précédent opus où le couple Neil Hannon – Cathy Davey vivait heureux, vivait caché. De sa voix fluette, Miss Davey apparaît à nouveau sur le cool et jazzy « Funny Peculiar ».

Cohérent par sa richesse mélodique, « Foreverland » ne faillit pas une seule seconde et offre une variété de styles. Valse désuète, « The Pact » pourrait être un clin d’œil à Jacques Brel. Avec ses cuivres furieux, la salsa fiévreuse « A Desperate Man » illustrerait à merveille une cavale dans un vieux film noir tandis que « I Joined The Foreign Legend (To Forget) » évoque un ragtime ralenti narrant le destin vaudevillesque d’un amant éconduit. Premier extrait de l’album, « Catherine The Great » s’inscrit dans la lignée des sérénades estampillées The Divine Comedy.

Sommet de tension, c’est sans aucun doute le lacrymal « To The Rescue » qui recueillera tous les suffrages. On y assiste avec émotion au retour du « Middle-Class Hero(es) » (« Casanova », 1996) qui serait touché par le spleen de « Regeneration » (2000). Suite à deux décennies, pouvait-on encore espérer une belle et si poignante démonstration de pop orchestrale ? Saluons la maîtrise et la délicatesse d’Andrew Skeet au piano et à la baguette qui ajoutent aux frissons procurés à l’écoute de ces douze pistes dont celle-ci aux envolées lyriques, amples et généreuses. Grâce à ce morceau, on touche au sublime et il faudra bien un malin « How Can You Leave On My Own » pour reprendre pied. Certes, l’idiotie dont s’affuble Neil Hannon dans ces couplets alors que sa belle quitte son nid nous paraît bien puérile et sage mais la recette fonctionne et la mise en scène pas franchement flatteuse prête à rire.

Outre le final « The One Who Loves You », déclaration qui ne laissera aucun doute à l’intéressée, on est surpris par la berceuse « Other People » dont les cordes énigmatiques et éthérées transportent dans une autre dimension un chant tout juste murmuré.

Un quart de siècle depuis « Fanfare For The Comic Muse », The Divine Comedy continue de nous émouvoir et de faire resplendir la pop. Un génie est parmi nous ! Ce secret bien gardé mériterait d’être découvert par le plus grand nombre.

crédit : Raphael Neal
crédit : Raphael Neal

« Foreverland » de The Divine Comedy est disponible depuis le 2 septembre 2016 chez Divine Comedy Records.


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Olivier Roussel

Olivier Roussel

Accro à toutes les musiques. Son credo : s’autoriser toutes les contradictions en la matière.