[LP] The Black Angels – Death Song

Le retour tant attendu de The Black Angels frappe bel et bien un grand coup, mais pas à la porte à laquelle on se serait attendu ; en effet, « Death Song » marque une nouvelle étape dans la carrière du groupe, aussi bien revendicative que musicale, tout en prouvant que tout, sang et eau, a été donné pour enfanter ce chef-d’œuvre à la fois grandiose et intelligent, en plus de captiver l’auditeur sans aucun temps mort. Un classique en devenir.

Évidemment, on considère à juste titre The Black Angels comme le fer de lance du renouveau du rock psychédélique de ces dernières années. Évidemment, les opus précédents du projet texan vont immédiatement dans ce sens, avec un brio et un savoir-faire qui ne cessent de fédérer de plus en plus d’adeptes, sa musique étant également utilisée dans des projets d’envergure comme les séries télévisées, la formidable True Detective en tête. Alors, à quoi faut-il s’attendre avec un nouvel album du quatuor, qui en avait déçu certains en livrant le pourtant hautement recommandable « Indigo Meadow » il y a quatre ans ? « Death Song » est bel est bien un disque de The Black Angels ; mais faut-il uniquement le définir ainsi ? Certainement pas, l’œuvre étant un voyage aux confins du rock et une preuve supplémentaire du talent inné de ses compositeurs, de leur capacité à donner naissance à des atmosphères qui font aussi bien remuer les cervicales que lever le poing. Des chansons de mort qui, pourtant, n’auront jamais été aussi vivantes.

Composé et enregistré en pleine période électorale américaine, « Death Song » est autant un cri de protestation qu’une vision des conséquences d’un choix malheureux, mais qui s’est pourtant révélé exact. Ainsi, alors que « Money » de Pink Floyd critiquait, avec son célèbre rythme de tiroir-caisse, une société de consommation en plein essor et faisant perdre toute identité à l’individu, « Currency » dénonce l’importance de chacun d’entre nous d’un point de vue purement pécuniaire, fort de guitares incisives et moqueuses mais nous ouvrant les yeux sur notre éphémère et fragile condition. Et c’est bien ce sujet que portent les onze nouvelles créations de la troupe menée par Alex Maas, dont la voix n’a jamais été aussi pure et puissante que sur l’hypnotique « Comanche Moon », le formidable et dialogué « Estimate » ou l’émouvant « Half Believing ». La production, elle aussi, a subi quelques modifications : on retrouve ces sonorités de six cordes qui demeurent une marque de fabrique immuable, mais l’apport considérable de Phil Ek (Fleet Foxes, Father John Misty) donne à l’ensemble un côté radicalement humain, presque populaire et proche de l’individu dans sa vision d’ensemble (comme le démontrent le fraternel et confident « Hunt Me Down » ou le surprenant et dansant « Medicine »). La propreté de certains arrangements, au lieu d’arrondir les angles, les rend étonnamment plus aigus et aiguisés, marquant et ouvrant nos esprits et nos chairs à vif, dans une transe obsessionnelle et compulsive qui demeurait encore inconnue chez les Américains.

Chant du cygne autant que moment d’une magie et d’une puissance émotionnelle furieusement addictives, le final « Life Song » demeurera pour longtemps ce que The Black Angels a fait de mieux, à l’image de ce LP aussi étonnant qu’indémodable. Un hymne transformant l’existence en absence, le blanc en noir, la lumière en une opacité à la fois apeurée et réconfortante. Comme si le fait de regarder vers l’avenir tout en faisant le bilan d’un passé déjà riche était une gageure inévitable pour nos créateurs. Un défi de taille, mais réussi sans conteste possible : « Death Song » est aussi sublime qu’un spectacle océanique entre apaisement et déchaînement, aussi fédérateur qu’une marée humaine avançant pour son salut et sa liberté perdus. Un guide spirituel, plus volontaire que psychédélique, et que l’on ne peut s’empêcher de redécouvrir sans interruption, afin d’en déceler toutes les formes et circonvolutions, de l’intime à l’universel.

crédit : Sandy Carson

« Death Song » de The Black Angels est disponible depuis le 21 avril 2017 chez Partisan Records.


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Raphaël Duprez

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