[LP] The Animen – Are We There Yet?

The Animen réjouit avec ce second album qui, malgré une formule pas forcément subversive, réactive avec une énergie solennelle les plus belles émotions du rock’n’roll d’hier et d’aujourd’hui.

The Animen - Are We There Yet

Quatre Helvètes dans un van s’avancent pour nous tendre leurs guitares brûlées et leurs voix écorchées. Quatre trublions fous, tourbillonnants dans une immense vague d’influences rock 50s et 60s, et d’autres plus modernes, des Last Shadow Puppets aux Libertines d’« Up the Bracket ». Bruts de décoffrage, les membres de The Animen posent, poings sur la table, leur nouvel album explosif « Are We There Yet? », qui manie avec jubilation des sonorités anciennes pour mieux les embrasser de leurs baisers nostalgiques. Car ils savent y faire : ce nouvel album, enregistré en analogique comme à l’ancienne, a aussi été produit par Andrija Tokic, le producteur du fabuleux groupe Alabama Shake… Un intérêt que l’on comprend et que l’on partage pour ce nouvel album magnifique, coincé entre les douceurs d’un blues un peu timoré et les sauvageries d’un rock à crinière.

C’est parti pour un tour, donc, dans les arènes où les membres du groupe mènent un combat presque schizophrénique. Avec « Them on the Picture », on tape des pieds dans une ambiance qui rappelle à ses débuts les ballades énervées des Arctic Monkeys, montagne russe entre poème déclamé rugueusement et jeux de guitare à la limite du psyché. Plus noir, plus énervé, « Mami Wata » nous fait basculer dans un univers plus lissé, porté par des riffs bien moins innocents. Hypnotisante, la voix rocailleuse de Theo Wyser, le leader du groupe, ne manque pas de nous accrocher aux sonorités qui s’enchaînent avec une confiance limpide. On se laisse complètement submerger lorsque les premières notes d’« At War », très semblables à celles de « The Age of the Understatement » des Last Shadow Puppets, explosent doucement comme un fruit qui aurait mûri trop longtemps au soleil.

Et, au cœur de tout ce brouhaha adorable, se cachent tranquillement deux ballades marquées par la patte d’un blues à fendre les âmes. « My Favorite Color is You » et « Staggo Me » éclairent le talent d’un groupe qui passe avec une facilité déconcertante des tonnerres d’énergie aux accalmies romantiques, soutenues qui plus est par des paroles profondément justes « I killed one man / But I killed me / I had no regrets / Because I had no one to neglect » (Staggo Me). Transportés dans un désert américain, guitare à la main, nous ne tardons jamais à passer la porte d’un saloon mal éclairé avec « Tell the Kid » ou « I’d Rather Be Alone ». On y retrouve un blues-rock de bon loubard, un peu bourru, mais aussi empli d’une mélancolie colorée, de celle que l’on doit forcément à une époque lointaine et résolue. Passé, l’album l’est très certainement, surtout dans sa dernière partie qui affirme avec plus de force son héritage rock’n’roll que durant les six premières chansons, assurément plus modernes : « Are We There Yet? » ne fait ni choix ni concessions, et plonge tête la première dans la rivière de ses élans, qui se révèle ornée de diamants…

crédit : Julien Depreux
crédit : Julien Depreux

The Animen nous propulse avec ce second EP dans la merveilleuse machine temporelle du rock’n’roll, et nous fait jouir d’une expérience fabuleuse : du rock pas si nouveau, mais délicieux, grave dans ses requiem et puissant dans ses colères ; merveilleux hommage qui mêle parfaitement création moderne et nostalgie vintage.

« Are We There Yet? » de The Animen est disponible depuis le 27 novembre 2015 chez Two Gentlemen.


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Julie Albesa

Étudiante en Lettres et mélomane invertébrée, je me démembre en sirotant des cocktails de mélodies éthérées, riffs échaudés et cotonnades étoffées