[Interview] Taylor McFerrin

Fils du mythique vocaliste américain Bobby McFerrin, jeune poulain du label de Flying Lotus, Brainfeeder, Taylor McFerrin a récemment sorti « Early Riser », un premier album riche d’influences : celle de son père, de ses partenaires d’écurie et de la scène underground de Brooklyn dans laquelle il gravite depuis une bonne décennie.

Taylor McFerrin

  • Peux-tu nous parler de ton rapport à la musique ?

La musique m’a toujours entouré. J’ai grandi dans un milieu où elle était très présente. Mais je crois avoir vraiment pris conscience de ce qu’elle représentait et en être tombé amoureux à l’âge de onze ou douze ans. J’ai commencé à en écouter par moi-même lors des longs trajets en bus reliant la maison et le collège. Ces moments étaient parfaits pour découvrir et écouter des albums dans leur intégralité. La musique m’a alors touché d’une façon différente. Puis vers quatorze, quinze ans, j’ai réalisé que je voulais en faire mon métier. J’ai donc commencé à faire des beats et à toucher à quelques instruments.

  • Tu es donc autodidacte ?

Enfant, je devais avoir entre six et dix ans, je prenais des cours de piano. Puis nous avons déménagé, j’ai arrêté et tout oublié. Quand j’ai commencé à faire de la musique, c’était du hip-hop, je n’avais donc pas à savoir jouer d’un instrument en particulier. Je me suis acheté un clavier et j’ai appris seul.

  • Tu es depuis longtemps actif dans le milieu musical, notamment new-yorkais. Tu as fait un certain nombre de productions, de remixes… Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de cet album ?

Peu de gens savent qu’avant de me produire en solo, j’étais impliqué dans différents projets. À la sortie de mon premier EP « Broken Vibes », j’étais déjà membre de trois groupes à New York. Après sa parution, j’ai eu trois nouveaux groupes. J’ai toujours aimé et cherché à multiplier les expériences. Ici, on ne me connait qu’en tant que Taylor McFerrin, contrairement à New York où nous nous produisons beaucoup avec ces collectifs. Après « Broken Vibes », sorti en 2007, et ces multiples associations, j’ai eu le besoin de travailler seul. J’ai commencé à bosser sur cet album en 2010. Il m’a fallu redécouvrir mon style en tant qu’artiste solo. J’avais certaines choses en tête. Par exemple, je tenais beaucoup à chanter, mais j’ai réalisé que j’étais plus à l’aise pour faire des beats. J’ai essayé de travailler ma voix mais je n’arrivais pas à un résultat satisfaisant. J’ai d’ailleurs failli jeter l’éponge plusieurs fois. Et l’an dernier, j’ai eu un déclic, les choses sont devenues plus évidentes.

  • Qu’avais-tu en tête en composant « Early Riser » ? Voulais-tu lui donner une couleur particulière ?

J’avais bien au départ une idée en tête, mais elle a évolué. La réalisation de cet album a été tellement longue… L’avantage est que j’ai pu composer une centaine de morceaux. J’ai un jour fini par les écouter et réaliser ceux pour lesquels je ressentais une émotion particulière. Certains me laissaient froid, d’autres faisaient naitre des choses personnelles. J’ai donc gardé ces morceaux là, en écartant les plus noirs. Ce qui donne un résultat plutôt méditatif, un curieux équilibre entre tristesse et joie, très velouté, à l’image de ma personnalité. L’ensemble est cohérent et les morceaux fonctionnent très bien entre eux.

  • Qu’en est-il des nombreuses influences qui nourrissent cet album ?

Elles sont principalement liées à tous ces groupes auxquels j’ai appartenu ; certains étant marqués hip-hop, d’autres électro, ou encore jazz expérimental. L’influence de mon père est aussi notable, son style a beaucoup évolué au fil du temps, il a été associé à plein de projets, m’amenant vers de nouveaux univers. Le mélange des styles est donc quelque chose d’évident pour moi. Il n’y a aucune stratégie musicale, c’est très naturel. La bonne synergie qui ressort de ce grand mix, est certainement liée au fait que je sois seul aux commandes de tous les instruments, synthétiseur, guitare, etc. Les sons proviennent tous d’une seule et même personne. Je ne suis toutefois pas assez à l’aise avec ces instruments, pour me considérer comme un multi-instrumentiste.

  • Tu enseignes pourtant la musique…

En effet, depuis 4 ans à des jeunes handicapés, principalement des aveugles. Ce sont des cours d’improvisation, on travaille également sur des remixs de chansons qu’ils entendent à la radio. Voir l’enthousiasme de ces enfants, leur amour de la musique et leur envie de créer, me pousse à investir beaucoup d’énergie dans ma propre création. ça m’aide également à garder les pieds sur terre. Vivre et devenir célèbre dans une ville comme New York peut vite te pervertir. Il faut savoir garder des intentions pures pour sa musique.


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Marion Mirande

Historienne de l'art, fille spirituelle de Richard Wagner, j'ai tué le père à coup de musique électronique.