[LP] Tame Impala – Currents

« Currents » est le récit d’un changement. La bande originale d’une révolution personnelle et musicale évadée de la tête pensante de Tame Impala, Kevin Parker. Les sonorités électroniques dominent pour faire place à un psychédélisme moins mélancolique et sans chichi. Ce troisième album, dont les treize morceaux sont un vrai travail d’orfèvre, réussit l’exploit d’être composé de tubes du début à la fin.

Tame Impala - Currents

Le nom de cet opus, « Currents », peut se traduire par « courants ». Magnifiquement illustré par sa pochette, une bille perturbant son environnement linéaire, le ton du disque est donné : une odyssée hypnotique et psychédélique qui va bouleverser les habitudes. On peut en déduire que la bille est une métaphore de Kevin Parker, et les lignes en question sont celles de sa vie (voire de sa main). En fait, des centaines d’interprétation sont possibles !

Cet album est-il à contre-courant ? Dans sa conception habituelle, oui. C’est la première fois que la création et la production de l’album ont été assurées par un Kevin Parker seul. Dans une maison achetée en Australie et dans laquelle il a investi son propre studio, il a joué chaque instrument et a géré lui-même le mixage de ce disque. Un processus qui a payé, car jamais album de Tame Impala n’a été aussi bien produit. Même l’éclairage remarquable du live a été conçu dans cette maison (voir l’article Tame Impala au Métropolis de Montréal). À noter aussi, une collaboration récente avec le producteur Mark Ronson, qui a permis à Tame Impala d’améliorer ses performances en studio.

« Let It Happen » sonne le départ de cette troisième aventure et porte bien son nom. Ce morceau évasif et long de huit minutes offre une transition idéale avec le précédent album du projet, Lonerism. Un laisser-aller remarquable par sa ligne de basse et son rythme de batterie, alternant entre moments planants, dansants et épiques. La voix de Kevin Parker est toujours aussi relaxante et dénuée de tout stress.

Les surprises débutent surtout avec « Nangs », interlude magnifique et planant, et sorte d’entre-deux mondes où s’affrontent positif et négatif sur des déflagrations synthétiques. « The Moment » est la partie de l’odyssée où il est question du présent, d’un élément décisif imminent (« It’s Getting Closer »). Un morceau idéal pour l’été, avec un refrain imparable.

Le moment le plus emblématique de « Currents » se situe au moment précis où « Yes I’m Changing » commence. Une douce balade rétro, plutôt romantique, mais qui frise parfois le mauvais goût tant sur les envolées lyriques de Kevin Parker que sur certains airs au synthé. Les paroles collent complètement à la musique, bouleversante (« Yes I’m Changing, Yes I’m Gone »). « Eventually » fait ensuite office d’épilogue. Un excellent morceau qui débute sur une sorte de bug sonore pour déboucher ensuite vers des contrées lumineuses et pleines d’espoir. On croit entendre ici et là des références à la relation entre Melody Prochet (Melody’s Echo Chamber) et Kevin Parker. Une conclusion magistrale et une bouffée d’oxygène pour conclure cette première partie de l’album.

« Gossip » fait office de second interlude pour la deuxième partie de l’opus. Des petites voix tournant en boucle sont accompagnées de quelques notes légères de guitare : effet de plénitude. Nouveau départ avec ce qui pourrait bien passer régulièrement sur les radios dans les semaines à venir : « The Less I Know The Better ». On écouterait bien ce morceau au bord d’une piscine ou en plein road trip. Cet hommage aux bons souvenirs pour mieux repartir dans la vie est une combinaison géniale entre une voix vocodée parfaite de Kevin Parker et un retour à la bonne vieille guitare. « Past Life », en revanche, pousse encore plus loin le bouchon du vocoder avec une énorme voix modifiée rappelant les pires moments de la musique électronique mainstream. La démarche est tout de même justifiée lorsque l’on comprend que cet élément du « décor » symbolise le démon des vieux souvenirs. Les premières notes, quant à elles, ont des airs du « Contact » de Daft Punk. Le refrain est un véritable trip oscillant entre batterie et beats dopés. « Disciples » est un joli bijou pop guilleret divisé en deux parties : l’une lo-fi et l’autre hi-fi. Sûrement le meilleur morceau de la discographie du groupe lorsque l’on veut écouter Tame Impala pour la première fois. « Cause I’m A Man » est un spleen très sensuel et lent au sujet de la nature masculine selon Parker (« Cause I’m A Man Woman, Don’t Always Understand Before I Do »).

« Reality In Motion » et « Love/Paranoia » apparaissent comme les morceaux les plus anecdotiques de l’album, probablement trop expérimentaux par rapport au reste du disque. La conclusion est en revanche beaucoup plus intéressante. Dans une ambiance inquiétante et anxiogène déboule « New Person Same Old Mistakes », preuve que ce récit sur le changement qui accompagne « Currents » est au final une sorte de répétition condamnée à durée toute la vie. Une fin honnête.

crédit : Pooneh Ghana
crédit : Pooneh Ghana

Alors, ce nouveau Tame Impala, meilleur ou pas que le précédent ? Difficile de prendre position. Mais si « Lonerism », le second album du groupe, était sorti après ce « Currents, » on aurait déclaré que les ambitions du projet étaient revues à la baisse. Après avoir fait un retour fracassant en 2012, on ne peut pas reprocher au groupe australien de revenir avec une musique plus accessible et une si grande quantité de tubes pour années à venir.

« Currents » de Tame Impala est disponible depuis le 17 juillet 2015 chez Interscope Records.


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Yann Puron

Découvreur musical avide d'émotions fortes aussi bien sur disques qu'en concerts