Aux Grandes Marées 2023, le passage feelgood du pop folk rock de Talisco a marqué les mémoires des festivaliers. C’est une énergie férocement positive qui a soufflé le public du chapiteau, forte de la synergie musicale entre les trois amis Jérôme, Gautier et Thomas et de l’atmosphère cinématographique de leur nouvel album « Cinematic ». On est sorti de là reboosté à bloc en ayant l’impression d’avoir vécu mille vies et parcouru des milliers de kilomètres. Échanges solaires spontanés avec Jérôme Amandi (auteur, compo, interprète) avant qu’il ne retrouve Gautier Vexlard (batterie, machines et chœurs) et Thomas Pirot (guitare, basse, machines et chœurs) sur scène.
- C’est ta première fois aux Grandes Marées ?
Oui et c’est franchement une belle surprise, le site est super canon ! C’est super cosy, il y a une ambiance plage et vacances. On s’y sent bien.
- On est effectivement juste à côté de la mer. Quel est ton rapport à l’océan ?
Je pense qu’un peu comme tout le monde, j’aime bien le regarder, c’est agréable d’être à côté. Par contre, je ne suis pas un plagiste. C’est magnifique : j’habite à côté de l’océan d’ailleurs et ça fait donc partie de mon quotidien, mais je ne passe pas des heures sur la serviette, vraiment pas.
- L’un de tes titres évoque-t-il le bord de mer ?
Alors attention, ce que je vais sortir va être bien cliché, mais avec l’océan tu as une sensation d’évasion : tu regardes l’horizon, l’immensité, wow, tu as l impression que les choses sont plus grandes et que tu pourrais t’envoler face à l’océan. Et moi, quand je fais de la musique ; c’est ce que je recherche systématiquement : cette notion de liberté, d’évasion, ce fantasme d’être ailleurs et jamais sur place. Loin de tout. Donc oui, je pense qu’il y a un certain lien entre ma relation avec l’océan et la manière dont j’aborde la musique.
- As-tu déjà utilisé des sons de l’océan pour composer tes chansons ?
Pas intentionnellement, mais je me suis retrouvé à faire des prises de sons chez moi avec la fenêtre ouverte et on entendait l’océan derrière. Donc, il est dans le morceau, mais sous un tel bouillon instrumental qu’on ne le capte pas. Mais quand t’isoles la piste, tu l’entends oui.
- C’est vraiment homemade comme processus de création…
Mais je suis homemade et je le revendique. La musique, elle est comme ça aujourd’hui, elle est consommée, même rapidement consommée malheureusement, mais il se trouve que les choses évoluent et de travailler chez soi et de faire les choses avec les moyens du bord, c’est génial. Parce que c’est spontané, il y a des erreurs parfois, tout plein de petites choses qui font que c’est authentique et moi, c’est ce qui me plaît.
- Du coup, peux-tu nous parler un peu plus de ton processus créatif ?
Ah bah, tu vois on était déjà un peu dedans. Alors, j’ai pas changé mon process depuis mes débuts : j’aime travailler dans l’urgence, j’aime quand les choses sont spontanées. Dès que c’est réfléchi, qu’il y a un programme, il y a toujours quelque chose qui foire. Donc plus ça se fait dans l’instant, plus c’est vrai. Tu sais, c’est la même chose avec les rencontres, avec tout un tas de choses, et j’ai l’impression que quand tu abordes la vie de manière spontanée, il t’arrive toujours de bonnes choses. La musique, je la crée comme ça parce qu’il n’y a que comme ça qu’elle sort. Donc autant te dire qu’autour de moi, j’ai tout déjà en place pour pouvoir enregistrer rapidement.
Après, ça ne sort pas comme ça non plus : je prends du temps, je me balade, je reste un peu plus longtemps sur la touche, je pense à des choses et quand j’suis chaud : j’y vais. Je passe pas des heures à gratter en me demandant « Et là, qu’est ce qu’il se passe ? ».
- Donc on est plus sur une collection d’instantanéités si on regarde ta discographie.
Oui, carrément (…) Après c’est vrai que le truc qui peut manquer parfois, qu’on avait dans les années 80 et 90 ; c’était ces histoires avec les studios, avec les instruments, avec les machines, avec les ingés sons. On passait beaucoup plus de temps à enregistrer un album. Faire un morceau, ça prenait beaucoup d’énergie et plusieurs mois, parfois des années ! Aujourd’hui, c’est plus ça. On va moins se poser la question de « j’ai pris cette guitare pour telle raison, dans quel état d’esprit je suis », on vient choper des instants, des émotions et on essaie de les retraduire avec le plus d’intensité possible. Je crois que c’est là-dessus que c’est intéressant et c’est là qu’il faut regarder. En tout cas, moi, c’est comme ça que j’écris la musique !
- Tu as l’air d’être beaucoup dans le partage d’émotions avec le public…
Alors, c’est très égoïste quand je fais de la musique. Le partage vient après. Quand je suis sur scène. C’est là que j’ai plaisir à regarder et voir la réaction des gens. L’échange que j’ai avec les gens, quand on parle de ma musique, de ce que ça leur fait ressentir, je trouve ça extraordinaire. Mais quand je crée, j’ai pas pour objectif de changer leur vision des choses. C’est presque un déversoir. Un exutoire et un moteur. Je fais de la musique avant tout pour me faire du bien. C’est un rapport très personnel, mais une fois que c’est fait, c’est là qu’il se passe cet échange.
- Alors, si ta musique avait un super pouvoir par exemple, ce serait qu’elle fasse du bien aux gens ?
Oui. Ce que je recherche dans la création, c’est me faire du bien. Quand je commence à créer des morceaux qui sont tristes et ça arrive ; d’ailleurs sur le nouvel album il y en a, ça ne me fait pas du bien. Je vais creuser au fond de moi-même, je me mets dans un état d’esprit et quand j’en ressors, je suis lessivé. Donc oui, j’ai parlé de quelque chose qui était très personnel, mais le poids, je l’ai, je le garde. Moi, ça ne m’a jamais fait du bien. Il y en a qui travaillent autour de ça et je les salue, car je trouve que c’est un exercice qui demande énormément d’énergie et de sacrifices en réalité. Moi, j’ai choisi d’aller réveiller les émotions positives, l’énergie, l’envie. J’ai une féroce envie systématiquement. Ah, si je pouvais passer ce point clef dans ma musique qui est cette notion de liberté et d’évasion. Ça fait 20 ans que je cours après ça, et si les gens ressentent ce truc-là : c’est gagné !
Tu sais, je reçois souvent des messages de mecs qui font des vidéos de voyage qui me demandent si ça ne me dérange pas qu’ils mettent ma musique dessus. À chaque fois, je réponds : « Mais mec, génial, vas-y ! » Parce que ma musique, elle parle de ça. Tu t’es éclaté, tu as envie de montrer ce que tu as fait, de faire voyager les gens et si ma musique peut t’y aider alors fonce !
- Tu as aussi beaucoup travaillé pour le cinéma et la TV, tu peux nous en parler ?
Oui, alors ça, c’est malgré moi ! C’est plutôt la vidéo (cinéma, clips, publicités) qui est venue me chercher et c’est une chance. On est venu me demander « Est-ce que je peux mettre telle musique pour ma série, ou tel son sur ce projet publicitaire ? », c’est plutôt dans ce sens-là que ça s’est passé. J’ai parfois fait des commandes pour des séries ou des films et c’est plus compliqué pour moi dans cette direction. Ce n’est pas du tout le même travail. Je suis obligé de m’immerger dans ce que le réal, vidéaste ou scénariste a décidé de faire. Il y a souvent pas mal de contraintes ; alors que ce qui m’éclate dans la musique, c’est justement de pouvoir exprimer librement mes envies.
- Répètes-tu un mantra ou suis-tu une règle de vie pour être hyper positif comme ça et dans l’énergie ?
Être positif et dans l’énergie, voilà, c’est un peu ce que je me répète tous les jours. Je suis comme tout le monde : j’ai des hauts et des bas… J’essaie de cultiver l’idée d’être bien, d’être heureux. Je pense férocement qu’on court tous après ça. Après, c’est maquillé sous forme d’ambitions, d’argent pour certains, mais ce qui est cool c’est qu’à un moment donné, on arrive tous à être heureux. Donc j’essaie de cultiver ça malgré mes boulets et mes casseroles, j’essaie d’être bien avec tout. Et on n’est pas dans un monde super facile, on nous rabâche en permanence que c’est dur, que c’est compliqué, etc. Mais malgré tout, je trouve qu’il y a plein de choses cool à prendre.
- As-tu un rituel avant de monter sur scène ?
Je ne suis pas superstitieux. L’idée que si j’ai pas un truc, je vais foirer mon live, ça me fait flipper, donc non, j’ai pas de truc comme ça. J’essaie d’être le plus terre à terre possible. S’il doit y avoir un rituel, ce serait de communier avec mes potes pour qu’on soit vraiment en phase, qu’on soit sûrs d’avoir la même énergie à ce moment-là, tu vois. Pour être connectés les uns aux autres.
- Ce soir vous serez combien sur scène ?
On sera trois, comme d’hab. Depuis le début de Talisco, on avance en trio, ça n’a pas changé, je suis fidèle à ce qui fonctionne. On a évolué, mais on prend trop de plaisir à jouer ensemble alors pourquoi changer ?
- Si tu devais retenir trois chansons dans la carrière de Talisco ?
Alors, laisse-moi réfléchir… Parce que j’ai envie de te dire « Your Wish » parce que ça a été un coin de table. C’est peut-être le morceau que j’ai écrit le plus vite, ça a été de l’instantané vraiment ; mais ce qui a été génial, c’est lui qui m’a permis en fait d’émerger.
Ce qui m’a éclaté, c’est d’entendre tous les ingés sons dire : « Ah oui, tu as vu il utilise ceci, il utilise cela… », mais si vous saviez les mecs ! (rires) Si vous saviez à quel point ce que j’ai utilisé était basique, si vous saviez le matos que j’avais comme il coutait pas cher et dans quelles conditions ça a été enregistré ! Donc c’est vraiment un morceau « garage » que j’ai pimpé parce que je touche le son, mais on ne peut pas faire plus garage à la base.
En dehors des titres connus : « Sorrow » sur le premier album, sur le deuxième, je dirais « Thousand Suns ». Celui-là, il m’a réveillé d’une sieste. J’étais en train de m’endormir et j’avais cette ligne-là dans la tête donc je me suis dis : « Non, là faut que je me lève ! » et je me suis levé pour aller la faire et j’ai commencé à la chanter à moitié endormi.
Et un autre morceau que je kiffe sur le troisième album : « Closer ».
« Two Hands ». Rajoute « Two Hands » ! Je pense que c’est un des rares morceaux où quand je l’ai enregistré j’étais limite en train de chialer. Et ça s’entend à l’enregistrement.
- Qu’est-ce qu’il se passe à ce moment-là ?
Il est si dur et puissant ce morceau. Il m’a demandé énormément d’énergie. Pourtant tu vois, je suis tout seul dans ma cave quand je l’enregistre à ce moment-là, mais je me suis donné comme un maboul. (rires)
- Vous allez la jouer ce soir ? Comment vous composez votre set d’ailleurs ?
Non, on n’a pas le temps, ce soir. Pour le set, c’est un peu au feeling, mais déjà, de manière très concrète, on nous demande de jouer ce soir une heure. Donc, sur une heure de set, on voit ce qu’on peut mettre pour conserver un équilibre global, mais que ce soit varié aussi. C’est une forme de mélange entre des morceaux importants et des morceaux attendus.
- Est-ce que tu te souviens de ton tout premier concert ?
Ah oui. J’étais mort de trouille. Le premier concert, il s’est fait au W, un bar à Paris qui faisait des soirées privées. On était alors deux : Gautier à la batterie et aux claviers et moi, à la guitare et au chant, mais on avait les pétoches. Mes mains ne tenaient même plus sur le manche tellement je transpirais. J’ai passé le live figé. Je pense que c’était un très très mauvais live. Mais les lives à la base, c’est pas mon truc. Ça l’est devenu, mais je suis confort dans mon studio, à créer : sur une scène, je suis tout de suite moins à mon aise.
- Alors comment as-tu fait pour apprivoiser la scène ?
C’est arrivé avec le temps et puis, j’essaie de prendre du recul, mais ça m’arrive encore d’être complètement flippé. J’admire tellement les mecs comme Skip the Use qui vont monter sur scène. Alors eux, ils s’éclatent, ils arrivent, c’est « Poussez-vous, c’est parti ! ». C’est des bêtes de scène. Moi, je suis vraiment très très loin de ça, je fais comme je peux, j’essaie d’envoyer ce que je peux, de faire plaisir à tout le monde, je me regarde trop. Mais avec le temps, ça se défait, donc peut-être qu’à 60 ans, j’irai sur scène vraiment cool.
- Ça t’a fait quoi la première fois que tu t’es entendu à la radio ?
Hyper bizarre. Mais j’étais très flatté et super fier. Et en même temps, ça m’a surpris, car c’était à la TV, j’étais en train de regarder une émission à la con et ma musique est passée en fond. C’était le tout tout tout début d’émission. Quand c’est comme ça, ils ne demandent pas, ils prennent quoi, 10 secondes. Mais je t’avoue le premier truc que je me suis dit, c’est pas « dis donc, ils m’ont rien demandé », mais plutôt « wow génial ! ». Après, c’est rentré en radio assez vite par chance et j’étais hyper fier. Mais la vraie fierté, c’était le regard de mes parents sur ce que je faisais à ce moment-là. Ça, c’était cool ! « Vous voyez, j’ai pas fait ça pour rien, j’étais pas si largué que ça, votre fils il est pas complètement perdu. »
- Quel est le morceau dont tu es le plus fier ?
C’est pas forcément pour les bonnes raisons, mais je dirais « The Keys ». C’est surtout pour là où il m’a amené. C’est le morceau qui m’a lancé le plus loin. Quand j’ai créé ce morceau, je l’avais envoyé au label qui avait dit « Oh, tu fais du hip-hop ? ». Bref, il n’y croyait pas forcément et, au final, c’est vraiment ce morceau qui m’a propulsé le projet à tous niveaux. C’est grâce à ce titre qu’on est partis en tournée à l’étranger et un peu partout.
- En parlant de partout, si demain tu pouvais choisir l’hymne mondial, tu choisirais quoi ?
Super dur, on pense pas à ces trucs-là ! Attends, il faut que je trouve un truc dans l’énergie. Il y a tellement de titres… Écoute, un titre que j’ai ré-écouté il n’y a pas longtemps, un vieux titre et que j’ai trouvé énorme : Simple Minds, « Alive and Kicking ». On va dire ça.
- Ah oui, là on est vraiment dans les années 80, elles te parlent ces années-là ?
Oui, ces années-là, elles m’ont vraiment inspiré parce que souvent dans ces mélodies, tu as une sorte d’énergie qui te pousse vers l’avant et, en même temps, tu as une pointe de nostalgie. Il y a un truc qui te retient, mais qui te pousse. Tu es pris entre le passé et le désir de futur et tout ça au présent. C’est hyper fort, je trouve !
- Quelles sont tes autres influences musicales ?
Ça, c’est le premier album que j’ai acheté quand j’étais gamin (joue le morceau). Alors là les mecs se sont fait plaisir, il y a au moins deux minutes d’intro. C’est a-ha avec « The Sun Always Shines on TV ».
Tu vois, le titre était bien long, ils avaient pas pour mission de passer à la radio les mecs.
- Avec qui aimerais-tu faire une collab ?
Alors si on est vraiment dans le fantasme, j’adorerais faire un truc avec Rod Stewart. Je trouve qu’il a un truc dans la voix incroyable, il est tellement tendu dans sa voix, il y a tellement d’énergie… Tu vois, par exemple, ma chanson « Thousand Suns », je pense qu’il pourrait la satelliser. C’est ce que j’aimerais avoir dans certaines de mes chansons. Et Rod Stewart, ça a beau être un « vieux », il a bercé toute ma petite enfance, ma mère l’écoutait beaucoup.
Et dans ceux qui ne sont plus là, Tina Turner. Pareil. Ma mère, elle écoutait ça et pourtant mes parents, ils sont d’origine espagnole, mais chez nous, on écoutait que de la musique anglo-saxonne.
- Alors ça, c’est rare. Ça ne chantait vraiment pas espagnol à la maison ?
Oui, c’est vrai. Après ça chantait plus espagnol pendant les fêtes. Ma grand-mère surtout, mais chez mes parents, j’ai grandi avec de l’anglais.
- Et quand as-tu su que tu voulais faire de la musique alors ?
J’étais minot. J’étais vraiment gamin, mais j’ai toujours été là-dedans, j’ai toujours aimé la musique, écouté de la musique. Quand mon père écoutait la radio, je connaissais tous les titres. Alors je disais n’importe quoi pour les paroles, mais je connaissais tous les titres, je suivais les émissions musicales, j’adorais ça. Et dès qu’il y a eu un instrument chez moi, j’ai commencé à en jouer. C’était une guitare désaccordée, d’ailleurs il n’y avait pas toutes les cordes… je l’ai toujours, elle appartenait à ma mère.
Après ça, j’ai demandé une guitare assez tard au final, une vraie, vers l’âge de 11 ans et puis j’ai fait un peu de solfège, j’ai appris la guitare, mais rapidement j’ai commencé à composer. C’est ce qui me passionnait. J’ai pas un niveau extra en guitare, mais il me permet d’aller où je veux. Et ce que j’aime, c’est la pop. La pop, c’est très bien parce que tu fais ça avec quatre accords et ça me suffit.
- Tu as une suite d’accords préférée ?
J’adore les do. J’adore les notes jouées en mineur, mais il faut bien ce mélange majeur/mineur. Avec le majeur, tu as un truc assez puissant qui va vers l’avant, le mineur te retient, il a quelque chose d’un peu triste et le mélange est très bon. C’est un peu l’histoire de tous les artistes, l’enchaînement des accords qui fait que la magie opère. Après quelle est la ligne vocale que tu vas mettre dessus ? Tu peux avoir trois accords qui s’enchainent et faire dix chansons autour et tout va dépendre de l’intention et de ta ligne vocale.
Je me souviens, quand j’étais gamin, je me disais : mais le nombre d’accords étant ce qu’il est, toutes les chansons sont déjà écrites, demain on fera quoi ? Mais avec le recul, tu vois, je pense qu’il y a encore beaucoup à faire et qu’on ne s’arrêtera pas.
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