[Live] Susanne Sundfør aux Trois Baudets

Portée disparue sur les scènes françaises depuis cinq ans, nous n’avons pas manqué le passage de Susanne Sundfør à Paris pour défendre son magnifique cinquième album, « Music For People In Trouble », sorti chez Bella Union à l’occasion de cette rentrée.

crédit : Raphaël Chatelain

Depuis dix ans, les albums de Susanne Sundfør s’enchaînent à bon rythme, mais les concerts en France ne suivent pas vraiment. C’est un moment devenu trop rare que de voir cette précieuse artiste norvégienne, désormais peu coutumière des sorties parisiennes.

Ainsi, elle n’avait fait aucune halte française il y a deux ans pour défendre ses « Ten Love Songs », figurant sur un quatrième album studio qui avait pourtant offert une sacrée claque dans le monde de la pop. En fait, la dernière trace d’un concert parisien semble remonter à une soirée de novembre 2012 au Point Éphémère… Autant le dire, une éternité laissant même pantois la première intéressée, qui se sent presque obligée de demander des excuses sur scène entre deux interprétations : « C’était il y a si longtemps… Je ne sais pas vraiment pourquoi. Mais c’est un réel plaisir de revenir. »

Paris est une ville à laquelle la native du port de Haugesund a d’ailleurs pris le temps de rendre hommage pour son grand retour aux Trois Baudets. En effet, sa présence dans la capitale il y a plusieurs années («Quand j’avais 23 ans», précise-t-elle) lui avait inspiré la composition d’un disque live joué et enregistré à Oslo, « A Night At Salle Pleyel ».

Dans la petite salle de Pigalle, elle revient en fait un peu dans les mêmes dispositions que celles où elle nous avait quittés il y a cinq ans. Avec « Music For People In Trouble », dernier déroutant long-format sorti, le concert reste une performance solitaire, acoustique et résolument solennelle, qui la voit alterner entre deux pianos et une guitare, avec sa voix comme principal atout, pour défendre des titres à l’essence très minimaliste figurant sur sa discographie, ou adaptés pour la circonstance.

Un contre-pied parfait, et un retour aux sources, après l’épisode très électro-synthpop de « Ten Love Songs » qui accueillait entre autres des collaborateurs tels que M83, Röyksopp et Big Black Delta à la production des – sans aucun doute – meilleurs titres pop de 2015. Ses compositions simples au clavier se voyaient muter par l’intermédiaire de synthés rutilants ou autres orgues baroques et avaient, pour la première fois, fait déborder sa renommée vers une échelle presque mondiale. Une ère qui s’était alors développée sur scène (mais loin de chez nous) en full band pour un show d’une dimension évidemment bien plus pop, que laisse entrevoir notamment la puissance visuelle et sonore du clip totalement fou « Accelerate ».

Revenue à son plus simple appareil sur « Music For People In Trouble », c’est-à-dire à son chant imposant alliant intensité lyrique et vibrato dramatique, Susanne se met presque à nu sur ce disque, sûrement le plus introspectif de sa carrière. Sa voix chaude y contraste avec des partitions à la beauté glaçante, des textes forts et pas toujours heureux qui plongent l’auditeur avec autant d’intensité que d’intimité dans une catharsis vibrante.

Des chansons aux contours un peu noirs, mais qu’elle présente avec recul et le sourire aux lèvres à son public, communicative, un brin candide même, jouant sur le contexte offert par cette salle intimiste avec sa poignée de places assises. Dans cette atmosphère rare et précieuse, on s’est surtout laissé séduire par ses guitares-voix qui donnent la chair de poule, à l’image du sublime « The Sound of War » interprété avec maestria.

Le set, dans son ensemble, est une claque telle que la Norvégienne propose presque ironiquement une pause à son public subjugué et un poil groggy après sa performance de « Bed Time Story » : « Prêts pour une autre chanson ? Oui ? D’accord, je pensais que vous aviez besoin d’un petit break. » La palme du potentiel hypnotisant revient sûrement à « Undercover » et ses envolées lyriques, si l’on ne compte pas la superbe collaboration avec John Grant sur le dernier disque, « Mountaineers », logiquement absente de la setlist du soir. La Norvégienne a, en effet, préféré revenir à ses vieux « classiques », tels que « Torn To Pieces », « When » ou encore « The Brothel », épousant tout aussi bien le contexte.

crédit : Raphaël Chatelain

Reste à espérer que cette vedette encore trop localisée, car injustement trop méconnue en dehors de la sphère nordique, ne nous laisse pas trépigner cinq nouvelles années avant de nous refaire vibrer à Paris.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens