Le 30 octobre dernier, c’est à bord de la péniche La Marquise que l’association Des lys des Novembre nous proposait une de ses soirées sous le signe de la promotion d’artistes émergents : une escale au cœur de leur tournée européenne pour le plus que prometteur trio colonais Sparkling qui venait défendre son acclamé premier opus « I Want To See Everything ».
La première partie est assurée par Eisbear, groupe local lyonnais qui nous infuse dès les premières secondes dans la plus pure tradition du kalten Polar : claviers hivernaux, déhanchements chaloupés et basse ténébreuse envahissent l’atmosphère bleutée de la salle. Mais si le quatuor commence par rugir viscéralement, c’est pour ancrer davantage la marée pop qui s’ensuivra.
Car c’est plus Spandau Ballet que Joy Division qui est invoqué ici : les sonorités 80’s portées par les synthés crépusculaires et les lignes de basse tantôt midi tantôt vigoureusement slapées donnent la mesure aux irascibles boîtes à rythmes et arpèges de guitare. Le groupe navigue subtilement entre les références employées, très clairement partagées par un public conquis ; si l’on flotte entre coldwave et new wave, ce qui est certain, c’est qu’on est survole confortablement les vagues et pas même les quelques larsens et brouhaha provenant du fond de la salle n’entachent cette performance au néoromantisme glacial.
Plus que chauffer la salle, cette première partie a brisé la glace et c’est presque immédiatement que le groupe en provenance de Cologne prend la relève sur scène. Ton sur ton, le bassiste harangue immédiatement les spectateurs pour les inviter à danser, signe de la débauche d’énergie qui suivra. « C’est notre premier concert à Lyon » déclare le chanteur avant de démarrer en scandant l’éponyme « Ich möchte alles sehen, I want to see everything, je veux tout voir », hymne cosmopolite débordant de modernité qui parait décrocher les amarres de la péniche et nous plonger dans le torrent de leur post-punk. Menée par les turbines acérées de la guitare rythmique si claire que rien ne peut perturber, la batterie ardente donne le cap : répétition de motifs, ballottement mélodique, flot de paroles élevé, cadence impétueuse, tous les éléments se combinent pour pousser les chansons à une intensité époustouflante.
Après nous avoir indiqué que c’est la « première fois qu’on joue sur un bateau, chez nous c’est de la mauvaise musique qui passe sur les bateaux, ça fait plaisir de voir du rock ici », le bassiste nous saute presque dessus pour nous inciter à bouger à l’unisson avec eux, sans crainte de faire tanguer la péniche. La soirée bat son plein grâce aux rythmes résolument saccadés ponctués d’hurlements de chaque musicien ; certains planifiés devant le micro ; d’autres paraissant plus de l’ordre du défoulement, faisant surgir de la créativité kaléidoscopique caractéristique de leur musique une dimension plus canalisée et instinctive, et donc à notre grand bonheur plus épidermique.
Que ce soit en s’approchant du punk dans « Something Like You », de la ballade dans « When I Go to Sleep », de sonorités pop avec les textures tamisées de « The Same Again » ou même de la techno avec l’outro de « We Don’t Want It », Sparkling ne s’éloigne jamais bien loin de son post-punk mordant et y revient en un éclair sous les coups acharnés du batteur et de la guitare Tom Verlaine-esque. Une voix pitchée assure les transitions rythmant ce déferlement, une attache lyrique bien nécessaire, un fil narratif corporel cristallisant explicitement cette envie évidente d’un Ailleurs. « Pour venir ici, on passe par une boisson, je ne sais pas si vous connaissez, ça s’appelle champagne » déclare ultimement le chanteur avant de lancer leur single du même nom, frénésie chaotique, pétillante et sophistiquée, bien à l’image de la performance que nous a donnée le groupe ce soir.
La dernière note s’évanouit finalement sur un ultime choc, semblable au fait de percuter un iceberg, nous remettant instantanément les pieds sur terre. Œil pour œil, dance pour dance : c’est une révision spectaculaire de son album que nous a délivré Sparkling ; on ne sait toujours pas dans quelle mesure il est raisonnable de vouloir tout voir dans le monde, mais il parait inconcevable de ne pas les revoir, eux, à la prochaine opportunité. Une soirée aussi réussie pour Des lys de Novembre, qui souffle tout juste sa première bougie avant de nous donner rendez-vous le 15 novembre au Sonic pour le concert de Th Da Freak et Hoorsees.
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