[LP] Sombre – A Blind Blue Moon

Avec un disque intense et irritant nos chairs à vif, Sombre nous offre un pur moment de détente éphémère, à fleur de peau et empli d’une contemplation contagieuse dans la souffrance de la composition. Un témoignage sans fard du processus de création, entre progressions d’une intensité obsessionnelle enivrante et virées nocturnes dans des lieux hantés et fascinants.

On a tout lu et tout entendu sur Sombre. Mais ce que l’on a surtout retenu, c’est que le quatuor lyonnais est bien loin d’être une évidence, sans pour autant demeurer un mystère. Pour résumer, Sombre serait plutôt une entité protéiforme ; une espèce inconnue, en voie de disparition, mais qui n’a pas dit son dernier mot. Un animal blessé ayant trouvé refuge dans une galerie obscure afin de reprendre des forces, pansant ses plaies dans une musique possédée et unique oscillant entre le blues rock et l’introspection, le dialogue et la solitude d’une soirée de découvertes en groupe, mais au cours de laquelle chacun se trouvera confronté à ses propres vérités. Sombre est une seule et même créature. Sombre est un fantôme. Sombre est une illusion qui imprime les neurones et la rétine avec douceur, sans oublier de laisser quelques écorchures au passage.

Une aisance rock que l’on éprouve dès « Coconut », égarement nocturne de Claude Leprêtre au chant, dans des lieux inconnus, des hangars déserts où personne ne vous entendra hurler, mais vers lesquels tout le monde se sent inexorablement attiré. La douleur, intime, intérieure, peut alors prendre toute sa dimension prophétique : le titre éponyme transcende les blessures et les tourments, les bleus à l’âme autant que ceux aux jambes et aux bras, résultats d’une lutte sans fin contre soi-même et ses inavouables faiblesses. Une sensation d’improvisation envahit le disque sans jamais heurter l’auditeur ; une immédiateté, une urgence de la confession qui explose sur « Rely On Me », dont la tendresse se métamorphose en tourbillon verbal et musical de la colère et de la déception quand, plus loin, les saturations épiques de « On An Arrow » deviennent ivresse, drogue dure nous immergeant dans une extase entre voile caressant et bitume brûlant. Rarement, le corps et l’esprit auront été aussi complémentaires dans leurs échanges, l’un (Claude) implorant l’autre (Marc) de faire cesser les coups de scalpel pour, enfin, cicatriser. Bien que le sang coule et que les plaies ne se referment jamais complètement.

Performance vivante, invitant au bal aussi bien les remords que les intentions nouvelles et la volonté omniprésente de ne plus se laisser écraser, « A Blind Blue Moon » éclaire nos envies et désirs d’une lueur tour à tour stroboscopique et chaude ; un jeu d’ombres au cours duquel les apparences sont souvent trompeuses, mais marquent à jamais nos impressions et volontés en les remuant activement. Une thérapie de choc aux allures de linceul et de compresse réconfortante, mais demandant d’accepter, comme il se doit, que la transition soit moins aisée qu’elle n’y paraît. Superbe.

« A Blind Blue Moon » de Sombre est disponible depuis le 28 octobre 2017.


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Raphaël Duprez

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