Le retour tant attendu de Sol Seppy se fait par la petite porte, discrètement certes, mais intensément. Son nouvel album, d’un minimalisme marquant, est cependant une véritable prouesse mélodique, l’artiste parvenant à approfondir son écriture et sa présence en quelques accords et arrangements efficaces et éblouissants.
Pour ceux qui, au début des années 2000, ont découvert Sol Seppy grâce à ses collaborations avec le regretté Mark Linkous (Sparklehorse) mais, surtout, à son inoubliable « The Bells of 1 2 », concentré de genres allant du folk au trip-hop sans jamais imiter ses propres marques de fabrique, l’absence de la musicienne fut plus que cruelle. Sa voix, tout d’abord : celle d’une poétesse des âmes maudites, d’un ange illuminant les ténèbres de chansons aux ambiances crépusculaires et lacrymales. Son sens aigu de la composition, également : qu’elle s’installe au piano ou fasse infuser les machines dans une sulfureuse approche du songwriting, Sophie Michalitsianos (de son vrai nom) sait parfaitement dessiner ses peintures animées de la mélancolie et de la tragédie. Mais « I Am As You Are, Pt 1« , inespéré et faisant l’effet d’un choc en plein cœur, est également un énorme risque. En effaçant les détails qui faisaient l’originalité de sa démarche et en déshabillant ses harmonies et créations, elle ose se confronter à son double sensitif, à celle qu’elle souhaite véritablement être. Ce qui transforme son opus en joyau noir d’une exceptionnelle beauté.
Principalement axé autour du triptyque clavier-violoncelle-voix, « I Am As You Are, Pt 1 » ne dévie que rarement de son schéma narratif, traçant les contours d’une œuvre intimiste et contemplative. Les chœurs de « MARK » deviennent alors une exception sur la carte universelle de Sol Seppy, une fausse piste mise ici pour, justement, amplifier les effets des chansons qui suivront. Dans leur progression, elles paraissent avoir été enregistrées en prise directe, presque improvisées sur quelques accords et partitions de cordes (« Music », l’errance quasi instrumentale « Meeting IS »), ce que démontre également la longueur moyenne de ces neuf chapitres, celle-ci se rapprochant majoritairement des sept minutes. On pourrait s’interroger sur l’intérêt d’étirer ainsi la performance, surtout autour d’un format aussi squelettique. Au contraire : le temps passe bien trop vite dans ces contrées grises et brumeuses. Les nuances pluvieuses de « T’s Prayer » imprègnent nos visages d’une averse lavant nos péchés, quand « Live In Me » sent les rythmes cardiaques de l’être adoré, de l’enfant sur le point de naître. Comme l’illustre la superbe pochette du disque, Sol Seppy a dû faire un choix draconien qui allait bouleverser son destin ; rester, même en retrait, ou partir. Elle se projette finalement dans le futur, observant les étincelles rassurantes de lueurs nocturnes l’attirant vers la bienveillance et le repos (« Into View », poignant).
Elle est nous, nous sommes elle. Difficile de ne pas la croire lorsqu’une telle affirmation est exprimée de si tendre manière. L’espoir d’une seconde partie nous saisit et ne nous quitte plus. « I Am As You Are, Pt 1 » est le murmure d’une intarissable et réconfortante source de vie, dont on s’abreuve dès que la peur et la solitude nous étreignent.
« I Am As You Are Pt 1 » de Sol Seppy, disponible depuis le 28 février 2020 chez ANNNA.
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