[LP] Slowdive – Slowdive

C’est peut-être le retour le plus attendu de 2017, pourtant pas avare en la matière. Après une série de concerts de reformation au cours des dernières années et une tournée clairement plus intense ces derniers mois en Europe, le légendaire groupe de shoegaze et de dream pop Slowdive nous sort, en ce début mai, son quatrième album, sobrement éponyme, 22 ans après le minimaliste « Pygmalion », paru en 1995.

Deux singles de très bonne facture étaient déjà sortis dans les semaines précédant la parution de l’album. « Star Roving » tout d’abord, une petite pépite de pop stellaire avec une mélodie lead efficace et difficilement oubliable, était un premier choix judicieux pour relancer le groupe dans les esprits de tous. Le son Slowdive n’était pas forcément le plus identifiable sur cet extrait, mais le morceau est un tube parfait qui rappelle à quelques groupes phares d’aujourd’hui à quel point ils doivent un tribut musical au combo britannique. On songe en particulier à DIIV, voire à The War On Drugs pour cette prévalence limpide et simple d’un lead de guitare mélodique et marquant.

« Sugar For The Pill » ensuite qui, sur l’album, clôt la face A en douceur et beauté, est un clin d’œil plus immédiat et explicite au passé du groupe, en particulier à « Souvlaki », considéré par beaucoup comme le chef-d’œuvre du groupe et l’un des albums les plus aboutis de la scène shoegaze.

Et force est de constater, lors des premières écoutes de ce quatrième opus éponyme, que la comparaison avec ses trois prédécesseurs est inévitable. S’il emprunte peu à l’intensité et aux murs de guitare du sublime « Just For a Day », paru en 1991, son mélange savant de dream pop et post-rock avec une touche de shoegaze ici et là est assez proche des deux efforts suivants. « No Longer Making Time », en particulier, est une sorte de mise à jour de ce que le groupe savait faire de mieux dans une veine mélancolique et joliment élaborée. Mélodie de guitare noyée dans les effets pour donner cette matière, cette texture sonore si particulière du shoegaze, chant de velours (ici assumé par le guitariste Neil Halstead) et fin en retenue, où demeure juste la frêle mélodie de guitare posée sur quelques notes de basse. L’enchaînement avec « Go Get it », où l’on retrouve ce jeu de textures de manière plus imbriquée, est du plus bel effet et montre que le quintet a encore bien des atouts. Le refrain, où Rachel vient répondre à Neil, puis le deuxième couplet, son jeu de batterie feutrée et ses chœurs masculins en écho liquide sont des modèles de composition. Globalement, la Face B est peut-être plus mémorable et aboutie, même si foncièrement redevable aux sonorités typiques des années 90.

Sur la première face, les deux singles dominent bien sûr le tout ; mais la piste d’ouverture, joliment intitulée « Slomo » (« ralenti »), qui semble émerger du néant pour donner peu à peu forme à la musique, encore noyée dans les limbes et bientôt articulée autour de la batterie, est un joli moment pour reprendre le fil rompu d’une discographie exemplaire. Les synthés sont assez présents, remplaçant par une nappe ce qui était autrefois un mur de guitares. Le son s’est considérablement radouci, mais les voix fantomatiques de Neil et Rachel viennent bientôt nous rappeler que l’on est bel et bien dans un album de Slowdive. C’est peut-être cet entrelacs mélodique d’une grande beauté qui est la marque de fabrique du groupe. Sur « Don’t Know Why » (rassurez-vous, rien à voir avec Norah Jones), Rachel Goswell assure tout d’abord le chant lead de sa voix aiguë et fragile, jusqu’à une respiration lumineuse de la guitare qui ondule quelque temps avant que Neil ne reprenne les devants et que Simon Scott ne propulse à la batterie un supplément d’énergie. Sans doute le morceau le plus orienté dream pop du disque, avec les murmures superposés de Rachel qui viennent conclure le tout. Enfin, « Sugar For The Pill » chanté presque intégralement par Neil, est sans conteste le titre le plus réussi de l’album. L’alchimie entre la basse et le chant, traversée par les éclats de lumière triste de la guitare et ce complexe mouvement de va-et-vient qui caractérise si bien la musique de Slowdive, font particulièrement merveille sur un titre à cheval entre intransigeance artistique et accessibilité radiophonique.

Un peu en deçà se situe « Everyone Knows », petite bluette dream pop assez minimaliste chantée par Rachel et qui reste peu dans les esprits. En revanche, en conclusion du disque, une des pistes les plus longues que le groupe ait à ce jour composées (avec la sublime « Rutti » qui ouvrait « Pygmalion » et le moins connu « Avalyn II » sur l’EP éponyme de 1990), « Falling Ashes », qui se construit et s’étire autour d’un motif de piano que n’aurait pas renié Sigur Rós, est un émouvant moment suspendu, quoiqu’un peu trop long peut-être. Au trop prévisible crescendo de guitare qu’on aurait pu attendre se substitue un dialogue entre les différentes voix du groupe qui entonnent « thinking about love » en boucle sur un motif au piano de plus en plus persistant et quelques arabesques discrètes de guitare. Très subtil et touchant, plutôt proche aussi de l’atmosphère qui régnait sur « Pygmalion ».

Globalement, le groupe a bien vieilli et nous démontre, en toute humilité, qu’il est capable de produire de la belle musique tenant bien la route. Manque seulement un soupçon d’originalité pour parvenir à transcender parfaitement cet imposant héritage et sortir du lot dans une scène actuelle saturée de groupes qui n’existeraient peut-être pas si des morceaux comme « Spanish Air », « Celia’s Dream », « When the Sun Hits » ou « Alison » n’avaient jamais vu le jour.

« Slowdive » de Slowdive est disponible depuis le 5 mai 2017 chez Dead Oceans.


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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique