Un disque rock décoiffant et galopant à bride abattue, sans pour autant oublier en chemin de faire vivre chacun de ses riffs et et mélodies avec une sagesse et une finesse peu communes ; Slothrust signe un album qui est autant une fête partie en vrille qu’un lendemain de cuite mémorable.
Il n’aura pas fallu longtemps au trio américain Slothrust pour se tailler une part du gâteau rock US, à force de conviction et sans aucune concession. Alors que l’heure du troisième album est venue et, avec une recette mêlant déjà un style transgressif à souhait à des sons et voix aussi électriques que dévoués à la cause, on était en droit de se demander si le groupe allait nous refaire le même coup que sur ses deux efforts précédents. Perdu : il fait cent fois mieux avec ce « Everyone Else » crachant le feu sacré d’une musique à base de guitares échevelées, de rythmiques imparables et de chants possédés et fiévreux. Mais là où ce nouvel opus frappe fort, c’est dans son alternance entre les moments incontrôlables et ceux, plus posés, plus contemplatifs même, que les trois artistes nous offrent avec une générosité et une vénération pour l’essence du rock qui est faite pour durer. Et marquer à vie.
Passé un « Surf Goth » instrumental qui met dans l’ambiance, Slothrust déclenche les frappes chirurgicales avec le frénétique « Like A Child Hiding Behind Your Tombstone » qui, en un peu plus de trois minutes, donne la forme et le fond du raz-de-marée auquel nous allons assister. Car même lorsque les six cordes hurlent et se mêlent à des pulsations rapides et intenses (« Trial & Error » ou le faussement folk-rock « Pigpen »), les instants d’apaisement ne sont jamais loin et prennent une apparence encore plus troublante. Ainsi, on ne pourra rester indifférent à la mélancolie emplie de colère contenue de « Horseshoe Crab » ou « The Last Time I Saw My Horse », ou encore au sublime solo trafiqué du langoureux « Mud », possédé et bouillonnant. De même, la tristesse qui emplit les accords fragiles et sensibles de « Sleep Eater » nous fait foncer tout droit dans un mur de distorsion que l’on heurte avec autant de violence que de soulagement, comme s’il fallait que la course s’arrête précisément à cet instant afin de mieux nous traumatiser pour le restant de nos jours.
Avec cette incroyable collection de dix pistes tumultueuses et sensitives, portées au firmament par le timbre en constante évolution de Leah Wellbaum, Slothrust signe un LP aussi orageux que thérapeutique. Toute la puissance et l’intelligence de ces chansons fébriles et offensives résonne longtemps après la première écoute, appelant à les entendre de nouveau, sous un angle différent et en accordant leur importance capitale à chaque détail, ici ciselé à la perfection. « Everyone Else » est une œuvre précieuse, tempétueuse et chargée d’un spleen qui magnifie toujours plus son langage personnel. Une gifle autant qu’une caresse.
« Everyone Else » de Slothrust est disponible depuis le 28 octobre 2016 chez Dangerbird Records.
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