[LP] Sin Fang – Spaceland

Avec « Summer Echoes », Sin Fang s’était monté une forteresse pop folklorique qui semblait peu à peu se disloquer avec la sortie de « Flowers », présentant une nouvelle forme de pop intime, glacée au R’n’B. Cette métamorphose prend aujourd’hui tout sens avec « Spaceland », une collection de neuf friandises amères, tant nerveuses que rêveuses, s’affirmant comme des bonbons qui crépitent en bouche. Un album mirobolant qui prouve que l’Islande possède d’autres mérites que sa légendaire mélancolie.

Sin Fang - Spaceland

Enregistré entre deux villes que tout oppose, à savoir Reykjavík et Los Angeles, le caractère de « Spaceland » s’est forgé dans l’air de ces kilomètres, bloqué dans cet espace-temps où l’horaire perd toute son utilité. Semblant attraper ici et là les turbulences atmosphériques de ses allers-retours, Sin Fang a finalement électrifié sa musique au fil de son état chaotique, voire symptomatique. Contrairement à ce que l’on peut penser, cet album ne s’est pas construit dans la gaieté à la plus immense : « J’ai écrit cet album quand j’ai commencé à avoir des crises de panique », explique-t-il, en ajoutant que le titre de l’album fait référence à ce laps de temps où il avait l’impression « qu’il était tout le temps en train de mourir ». En ce sens, sous ses airs de jeune luron plein d’énergie, « Spaceland » est le fruit d’une thérapie personnelle.

Pour la plupart écrits au piano, tous auto-produits et mastérisés par ses soins (avec l’aide du couple Jónsi & Alex), les morceaux de l’album prennent la même direction que son autre projet électro, Gangly (à l’ambiance tout aussi passionnante), et déclenche avec frénésie les écoutilles de l’auditeur dès les premières notes de « Candyland », pour laquelle Jónsi a prêté sa voix. D’ailleurs, bon nombre d’amis s’invitent sur « Spaceland » : la Norvégienne Farao, l’énigmatique Sóley et la petite Jfdr (qui n’est rien d’autre que l’une des jumelles de Pascal Pinon, Jófríður Ákadóttir). Une belle famille venue du froid, mais que le flow ambiant réchauffe tout de même, en particulier sur les chaleureuses et touchantes « Never Let Me Go » et « Down ». Quant à elle, la surprenante souche RnB de « Spaceland » prend racine dans les massives « Not Ready For Your Love » et « Snowblind », qui substitue la moindre tristesse en amère allégresse. L’énergie des beats fait le reste, mais pas que puisque finalement, une pointe de mélancolie s’affirme subtilement (il ne pouvait pas en être autrement) qui s’accentue principalement sur les featurings de « Spaceland ». De sorte, nous découvrirons alors un Sin Fang apaisé et confiant sous l’emprise familière de ses sœurs d’armes.

Parce que nous prenons en compte les malaises de l’auteur, la pochette de « Spaceland » pourrait devenir légitime, ou du moins métaphorique. Oui, il vaut mieux prendre cette action comme une intention d’imager la suffocation et/ou les réels troubles de son auteur, plutôt que de l’assimiler à son premier degré, car elle fait partie de ces choses universelles que nous interdisons à nos progénitures depuis l’ère du sac plastique. Quel bel exemple ! Finalement, que nous interprétions ou non ce visuel dans tous les sens imaginables, il ne ternira pas le moins du monde la brillance de ce petit bijou.

crédit : Ingibjörg Birgisdóttir
crédit : Ingibjörg Birgisdóttir

« Spaceland » de Sin Fang est disponible depuis le 16 septembre 2016 chez Morr Music.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante