[Interview] SiAu

En l’espace de seulement quelques mois, le nom de SiAu est apparu sur toutes les lèvres avec autant de curiosité que de passion. Et cela semble être une évidence, tant la musique et l’art que développe le jeune compositeur revêtent, au fil des créations, une cohérence inaltérable et magnifique, quelque part entre la poésie électronique et le réalisme lyrique de sujets aussi divers que motivés. Il nous fallait donc en savoir plus sur ce phénomène en devenir et interroger le musicien sur ses débuts, ses ambitions et sa vision d’une musique intrigante et intelligente.

crédit : Vianney Meurville / PINKMAN
  • Bonjour et merci de bien vouloir répondre à nos questions ! Tout d’abord, peux-tu te présenter : quel est ton parcours musical, et quand as-tu décidé de pousser l’expérience plus loin en enregistrant, tournant et mettant en scène tes chansons sous forme de clips ?

Salut, je suis SiAu, un chanteur, auteur et compositeur de chansons électroniques. J’ai évolué dans différents registres musicaux avant de choisir cette direction qui me semble, aujourd’hui, la plus honnête.

Depuis l’adolescence, je cultive une relation très particulière avec la production et l’enregistrement ; en fait, je suis un peu un geek. J’ai commencé à m’enregistrer avec un magnéto cassette quatre pistes offert par mon père. À l’époque, j’habitais du côté de Montpellier, dans un petit village où je m’ennuyais pas mal. Je passais mes journées sous le casque à faire des harmonies vocales, du piano et des percussions étranges avec toutes sortes d’objets. Aujourd’hui, c’est plutôt sur ordinateur, avec des synthés mais aussi un magnéto à bandes, car j’aime ce rapport à l’enregistrement : voir les bandes tourner, les entendre ralentir, puis s’emballer. J’ai du mal avec le son trop « parfait digital » ; j’aime quand c’est chaud et que ça craque.

La question du clip vient, chez moi, dans un second temps. Je laisse pas mal de liberté aux réalisateurs. Sur « Ce soir je sors », c’est Vianney Meurville et Justine Van Der Shueren qui m’ont proposé un scénario. La caméra suit une mariée qui déambule dans les rues de Troyes la nuit, ivre et décadente. Elle reprend sa liberté, se paye une pinte avec son alliance, brûle la voiture de son ex mec…

  • L’élément principal de ta musique est ta voix et, de ce fait, tes paroles ; les deux sont totalement complémentaires et vraiment impressionnants. Quand as-tu pris conscience de ces capacités d’interprétation et d’écriture ?

J’ai mis du temps à m’assumer en tant que chanteur, ne me sentant pas légitime. Je n’osais pas être « frontman », alors que j’en ai le désir secret depuis longtemps. Je suis d’apparence calme et réservée mais, intérieurement, ça bouillonne, c’est même plutôt le bordel en fait ! La scène m’a aidé à extérioriser tout ça. Aujourd’hui, c’est une obligation de chanter sur scène, une drogue magnifique. Il y a une relation délicate qui se crée avec le public. J’aime ce côté éphémère et suspendu…

  • Le clip de « Ce soir je sors » est à la fois drôle et très mélancolique ; on suit cette mariée seule et s’accordant une nuit bien à elle comme si elle était l’une de nos amies. Comment t’est venue l’idée de cette vidéo, et quelles ont été les conditions de tournage ?

Drôle et mélancolique : elle me plaît bien, cette idée ! J’ai ce penchant pour la mélancolie assez prononcé, mais toujours l’envie de décaler le propos, d’éviter de m’enliser dans le pathos et d’ennuyer tout le monde. J’aime parler des moments un peu lose ; avec du recul, ça en devient parfois drôle. En fait, c’est aussi pour ça que j’écris des chansons : pour sortir de cette mélancolie qui me colle à la peau.

Concernant le clip de « Ce soir je sors « , comme je te disais, j’ai laissé la liberté à Justine et Vianney de s’imprégner de la chanson pour s’exprimer visuellement, l’idée étant d’offrir une nouvelle vision de l’histoire. On a tourné pendant trois jours dans les rues de Troyes, la nuit, jusqu’à 5 heures du matin. C’était génial. J’ai adoré le tournage. Il y avait une certaine urgence. Elena, la danseuse et comédienne qui interprète la mariée, était incroyable à observer, très précise dans ses mouvements.

  • De même, si l’on reprend le clip et ta musique, on se rend compte que tu respectes, dans un sens, un scénario bien particulier, comme si tu voulais raconter des histoires à la fois personnelles et parlant intimement aux auditeurs. Comment parviens-tu à écrire en te mettant dans ces conditions, si tu penses que tel est le cas ?

Pour « Ce soir je sors », ça correspond à un instant de ma vie où j’ai eu besoin de faire table rase du passé. J’ai écrit cette chanson comme un profond désir d’exister après une période plutôt sombre. J’aime bien utiliser des images poétiques pour les saccager ensuite avec des mots pas très jolis, voire vulgaires. Dans ce contexte, je m’adresse à une fille et lui dis : « Je t’envoie des photos de ma tristesse, une carte postale postée entre mes fesses ».

Mon écriture reflète aussi les endroits dans lesquels je vis. Actuellement, j’habite au-dessus d’un rond point dans une Z.A.C, un lieu complètement bizarre, entre une casse et un atelier de réparation de tondeuses à gazon. Pour quelqu’un qui a grandi près des vignes et de la mer, c’est un choc. L’impact de l’environnement est considérable.

  • La dimension scénique de ta musique est également très importante. Comment considères-tu l’échange que tu dois avoir avec le public qui vient te voir ? Que souhaites-tu lui apporter et partager en sa compagnie ?

Je cherche à ce que ce soit un vrai moment de partage. C’est un espace dans lequel j’aime me perdre, et me retrouver. Je ne cherche pas à cacher quoi que ce soit, et je me fous de savoir si ça va plaire ou non. J’essaye de ne pas intellectualiser le moment de monter sur scène. Je viens comme je suis, en me disant que je vais faire mon meilleur concert chaque soir.

  • Et toi, que recherches-tu personnellement quand tu es sur scène ? Quelles émotions en particulier ?

Simplement, accepter l’émotion qui me vient sur le vif, sans chercher à canaliser ou retenir ; l’accueillir et la laisser prendre possession de mes mains, de mon corps…

  • Ton premier EP est prévu pour le début de l’année prochaine. Que peux-tu nous dire à son sujet ?

L’EP a été enregistré en partie chez moi et retravaillé avec Pavlé Kovacevic. Il avait travaillé entre autres avec Sébastien Tellier. C’est quelqu’un de très pointu, notamment en matière de synthèse. On a utilisé des vieux synthés, comme le Jupiter 8 ou le Mini Moog par exemple, qui sont des synthés mythiques. C’était un bonheur de les entendre vibrer sur mes chansons. Pavlé m’a aussi fait découvrir tout un courant de groupes anglo-saxons des 80’s comme Tears For Fears, que je ne connaissais pas bien. J’écoute ce groupe en boucle depuis quelques semaines, c’est un vrai kiff !

Ensuite, c’est Florent Livet (Cassius, Phoenix…) qui a mixé et donné une super dynamique à ce cinq titres. « Ce soir je sors » en fera partie, et il y aura aussi des titres plus planants et contemplatifs comme « De l’inconnu » et « À la lueur », qui évoquent plutôt l’immersion dans le souvenir ou l’enfance perdue, plus oniriques.

crédit : Vianney Meurville / PINKMAN
  • En l’espace de quelques mois, ton nom a fait le tour de nombreux médias. Comment gères-tu cette renommée grandissante, et ressens-tu une certaine pression à la veille de la sortie de ton disque ?

Oui, c’est très excitant. J’essaye de prendre de l’avance. Actuellement, je prépare une nouvelle formule pour la scène et je maquette des nouveaux titres. Mais la renommée n’est pas encore là, je te rassure, j’ai encore mon taff alimentaire ! Je fais pas mal d’interviews depuis quelques mois, et ça me plaît de parler de mon travail.

  • Tu as partagé l’affiche de grands noms comme Isaac Delusion et Dani Terreur. Comment se sont déroulées ces dates ? Y a-t-il un souvenir que tu gardes en particulier ? Et qu’as-tu appris lors de ces concerts, personnellement ?

Je suis parti en tournée, grâce au dispositif « Mégaphone Tour », avec Dani Terreur et Judah Warsky. Tous les deux évoluent dans des registres musicaux assez proches du mien, sans pour autant faire la même musique. J’ai beaucoup appris d’eux. Judah a une liberté incroyable, je l’ai vu jouer huit fois en dix jours et ce n’était jamais le même concert. Il fait ce qu’il veut sur scène, il change l’ordre des titres en plein milieu de son set, c’est vraiment impressionnant à voir. Dani est un excellent musicien, il a une super attitude sur scène et ses chansons sont très bonnes. Je l’ai invité à venir jouer de la guitare avec moi sur un titre qui s’appelle « La Mélancolie », justement ! C’était super.

Isaac Delusion est un groupe que j’adore. Je les écoute souvent, alors j’étais honoré de faire leur première partie. On a causé un long moment après leur concert, entre deux portes : c’est un très bon souvenir, vraiment une magnifique soirée.

  • Peux-tu nous parler de ta collaboration avec le collectif de compositeurs « Les Man », qui produisent ton premier EP ? Quelle est la place de chacun dans ton processus de composition ?

Les Man, ce sont trois mecs et un studio d’enregistrement. Ou, plus précisément, l’association de Florent Livet, Pavlé Kovacevic et Laurent Bertaud. J’étais allé les voir pour leur demander de mixer les premières versions de mon EP. Ils ont aimé mes titres, alors il m’ont proposé d’y consacrer du temps pour bien les peaufiner. Ça m’a vraiment flatté. Par la suite, ils sont devenus mes producteurs.

  • L’année 2018 s’annonce donc chargée. Comment va-t-elle se dérouler pour toi ?

Oui ! Mon premier EP sortira au printemps. D’ici là, on va tourner un nouveau clip, travailler sur la pochette… Il y aura une date parisienne aussi. Je vous en dirais plus bientôt !

crédit : Vianney Meurville / PINKMAN

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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.