[LP] Seventeen At This Time – Home is where the Heart is

Disque de toutes les tensions et repoussant les limites du rock et du post-punk, le nouvel album de Seventeen At This Time n’en finit à aucun moment de nous impressionner par sa maîtrise et sa maturité, tout en nous faisant éprouver des sensations aussi tendues que salvatrices et émotionnellement puissantes.

On entre dans cette maison de cœur avec, dès les premières mesures, une impression de suspension dans l’air, de cessation de l’action. En effet, « Home is where the Heart is » promet, à l’aube de ses résonances, de rapidement virer au règlement de comptes humain, nous laissant dans l’expectative avant de lâcher sur nous les torrents carnassiers d’une musique aussi folle que dense. Seventeen At This Time a déjà prouvé que l’art instrumental se devait, avant tout, d’être immédiat, dans une urgence et une convocation des tourments imprégnant ses mélodies jusque dans son système nerveux. Mais, ici, le mystère se dévoile, petit-à-petit, nous promenant de salles obscures et inquiétantes à des espaces éblouissants et rassurants. Le noir leur va si bien, finalement.

Lentement, consciencieusement, Seventeen At This Time déroule une ambiance pesante, mais également libératrice de nos pulsions enfouies. « Straight into the Sun » est un instrumental baigné de phosphorescence et de stroboscopes à la lenteur hypnotique, avant que « A love song for Jhonn Balance » ne se fasse le mantra d’une cérémonie d’intronisation de l’auditeur au centre des lieux parallèles d’un indicible confort. La violence demeure sous-jacente, prête à bondir alors que l’on ne s’y attend pas : les chœurs funèbres du titre éponyme résonnent en nous comme les spectres du regret et de la faute, précédant une cavalcade nous prenant aux tripes et nous faisant perdre tous nos repères, avant que « The only thing to fear is fear itself » ne dégage ses effluves sulfureuses et sensuelles, alliant une pop ténébreuse à des paroles compulsives et obsédantes. Introduction parfaite à la langue française et à sa poésie aussi macabre que réaliste, la seconde partie de l’opus développe les prémonitions précédentes dans la relation compliquée, voire impossible, entre les êtres : « Les jolies filles n’ont pas d’âme » est une prière, un aveu de l’erreur et d’une évidence trop polie pour être honnête, tandis que « Le désir de plaire » et « Panoplie » incitent, dans leur sombre inquiétude, à être soi-même malgré les critiques. La libération viendra de l’absence et de l’inoubliable « La mort est un tambour », pulsation artificielle d’une existence achevée mais immortelle dont la sobriété, vite rejointe par une batterie instinctive et une guitare en larmes, se métamorphose en vérité aussi crue que franche et fascinante. Avant le dernier silence, l’ultime souffle.

Ode à la disparition et à la désillusion, « Home is where the Heart is » fait de notre organe vital le réceptacle des souffrances les plus avides et corrosives, tout en donnant à nos âmes une source éternelle de réconfort et de compréhension. On se sent moins seul grâce à Seventeen At This Time ; car eux seuls ont été capables de faire de la difficulté et de l’épreuve une langue parfois anxiogène mais, plus que tout, cathartique. Un disque mémorable et fantomatique.

« Home is where the heart is » de Seventeen At This Time est disponible depuis le 17 novembre 2017 chez Cranes Records.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.