[LP] Saïkaly – Quatre murs blancs

Des histoires d’enfermement, de recherche de la lumière et d’une évasion impossible : « Quatre murs blancs » de Mathieu Saïkaly transfigure l’harmonie musicale en transportant l’auteur et vocaliste là où personne ne peut l’empêcher d’exister. Soit dans la folie douce, soit dans la libération spirituelle. Bouleversant. 

L’histoire sous-jacente de « Quatre murs blancs » est celle d’un isolement volontaire. Celui, concret, de l’artiste face au doute, aux repères de plus en plus indéfinis de la communication grâce à l’art, pouvant rapidement conduire au déséquilibre moral. Mais plus que tout, celui, intérieur, de la solitude propice à la création, tandis que l’on s’éloigne du genre humain pour mieux se confronter à ses propres capacités. Toute la démarche de Mathieu Saïkaly est imprégnée de cette dichotomie : la distance pour se trouver, la séparation pour aimer. Dès lors, la scission qui s’opère dans le disque, entre français et anglais, tient toutes ses promesses et se comprend avec un naturel troublant ; plus qu’un effet de mode, elle illustre les deux hémisphères cérébraux d’un compositeur ayant décidé de se livrer à ses propres fantômes, à ses muses vaporeuses et spectrales, échos constants des instrumentations supportant le chant obsessionnel et purificateur de l’âme en peine et en quête de soi. Jusqu’à l’éblouissement, sans pour autant en ressortir totalement indemne.

Le titre éponyme, s’ouvrant sur ces trois mots fulgurants et évocateurs du voyage transcendantal à suivre, pose les fondations d’une recherche soutenue du devenir : rejeter le paraître, pour être. Quitte à affronter les tempêtes du doute, de la désillusion. Basculant sans crier gare dans les foudres de la colère refoulée sur l’exceptionnelle explosion sonore de « Jeux d’ombres » ou la seconde partie de « Rivers of Plastic Cups », Mathieu Saïkaly aurait pu écrire quelques arrangements dépouillés et nécessaires à la fondation de son timbre habité, sublime, possédé. Bien au contraire : les vagues mélodiques qui l’accompagnent conservent une importance capitale dans sa performance globale. L’amnésie volontaire de « Je ne me souviens de rien », le tourment mémoriel de « Double face » sont une crise existentielle acceptée comme telle. S’il faut trouver, sur l’album, un quelconque abandon aux ténèbres, c’est dans le simple fait de les toucher pour comprendre l’éclat d’une blancheur rédemptrice, celle de l’optimisme de « Blinded by the Sun » ou du cathartique et puissant « Here’s a Wave », conclusion de ce passage dominé par les brumes de la connaissance et conclu à travers l’introspection inespérée menant à la défaite de la résignation.

Mathieu Saïkaly, son timbre, son implication constante dans un propos poétique mais tellement réaliste, sortent d’une zone de confort qui n’auraient fait que ce plasticien des sentiments au fil de ses actes ; lui qui nous offre un contexte géographique et mental qui bouleversera même nos plus intimes convictions. Une thèse de l’incertitude, une explosion de la vérité.

crédit : Aline Deschamps

« Quatre murs blancs » de Saïkaly, disponible depuis le 18 octobre 2019 chez Double Oxalis / Bigwax Distribution.


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Raphaël Duprez

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