[Live] Ryley Walker au Petit Bain

Avant la sortie de son troisième album cet été, Ryley Walker est venu à Paris présenter la suite de l’éblouissant « Primerose Green », belle surprise folk à l’ancienne parue l’année dernière. Une belle claque.

Riley Walker © Cédric Oberlin
crédit : Cédric Oberlin

« Fuck Donald Trump ! » Ce sont les tout premiers mots de Ryley Walker quand il fait son apparition sur la scène du Petit Bain à Paris, le 17 juin dernier. Nous n’attendions pas mieux de sa part pour saisir le caractère bien trempé du personnage aux allures de slacker, avec ses longs cheveux châtains tombants et sa barbe de trois jours. Des apparences pourtant bien trompeuses dès que nous entendons la voix assurée de l’Américain et ses compositions de grande classe. En effet, Ryley Walker tend à s’imposer comme le nouvel héritier d’un style folk à l’ancienne, à la façon de Nick Drake et autres Tim Buckley. Comme eux, c’est un auteur-interprête au talent fou, qui s’illustre d’abord à travers un premier album chamber-folk époustouflant autant par ses orchestrations sublimes que sa voix donnant l’illusion d’écouter un vieux routier de la discipline. Un disque qui l’a propulsé sur le devant de la scène en 2015, année durant laquelle il s’est produit plus de deux cents fois.

Pour donner le ton, le set est lancé par « Primerose Green », extrait de son second disque éponyme, et qui ne perd pas de sa superbe même dépossédé du piano de sa version studio. Le musicien encensé par Robert Plant gratte ses douze cordes avec la dextérité d’un virtuose qui semble assez rare à voir sur la scène folk en 2016, alors qu’à ses côtés un batteur et un bassiste apparaissent comme de simples accompagnateurs. Quand son premier disque est construit autour d’un mini-orchestre plutôt jazzy sur le papier, le vibraphone, le violoncelle, la guitare électrique ou encore l’harmonium se trouvent tous absents en tournée. C’est donc la guitare électro-acoustique du chanteur qui donne le tempo, pour un concert qui se veut énergique et servant un son old-school riche en sensations. Ryley Walker dégage effectivement l’énergie d’un rockeur déjanté s’acharnant sur son instrument et c’est là toute la force de son folk mélodieux et entraînant. La setlist comprend également quelques inédits de la suite de « Primerose Green » prévue dès cet été avec « Golden Sings That Have Been Sung », nouveau disque dans la même lignée du précédent et représenté avec les superbes titres « Sullen Mind » et « Funny Thing She Said ».

La performance du natif de l’Illinois est classe et sans accroc, loin de l’image du compositeur lo-fi qu’il pouvait cultiver à ses débuts. Il manie le verbe et la corde avec maestria, sa voix toujours suave quand elle n’est pas perturbée par quelques éclats plus acérés, comme sur le très expressif « Summer Dress ». Il l’est tout autant entre deux chansons quand il accorde machinalement son instrument, blagueur maniant joliment l’auto-dérision ou sachant moquer de ses compatriotes avec tact. Une chanson est présentée comme la preuve d’ô combien les gens peuvent être « mauvais » aux States, lui compris évidemment. Il se réjouit un peu plus tard de sa présence à Paris, justifiant que cela lui change des « assholes » (nous vous laissons la liberté de traduire) qu’il doit subir chez lui régulièrement. En bref, une manière de rappeler l’ambiance pré-électorale assez intense de l’autre côté de l’Atlantique.

La parenthèse terminée, il revient toujours à la musique, et souvent loin du cliché folk ou deux-trois accords servent juste à porter une voix. Ryley Walker fait, en effet, durer les séquences instrumentales dans des longues boucles plus complexes les unes que les autres où les notes s’enfilent presque de façon imprévisible avec une richesse absolue et déroutante qui flirte vers le psychédélique, la country ou le jazz en fonction des titres. Pour clore le tout après le rappel, nous profitons d’une reprise de qualité de Van Morrison, référence évidente et assumée de l’artiste. Juste avant, l’artiste folk paraissait encore plus habité que jamais quand il a interprété un morceau en solo.

Une transe d’un autre âge a semble-t-il saisi le public sur l’intégralité du concert : Ryley Walker sait aussi bien transporter vers les contrées du grand ouest que dans des époques où le folk résonnait avec force dans tous les cœurs et prenait jusqu’aux tripes. À nos côtés une photographe tente d’immortaliser l’instant avec un polaroid old-school et nous montre fièrement quelques clichés aux couleurs rétros pour le moins appropriés. En première partie, c’est la pop de Thousand, jeune pouce du label bordelais Talitres qui avait fait l’ouverture, et dont nous présageons un avenir plus que prometteur.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens