[LP] Royal Blood – Royal Blood

Brut, instinctif et viscéral, Royal Blood présente deux faiseurs de turbulences sacrées. Des sources rock intensément jouissives.

Royal Blood - Royal Blood

L’apparat au détriment de la sobriété. On a les yeux plus gros que le ventre. On mélange, on essaie pour essayer. On apporter des teintes pas ci, des nuances par là. On ne sait plus où l’on crèche. À trop vouloir basaner l’essence même de beaucoup de genres, on étouffe les valeurs que certaines légendes ont mis des lustres à fonder. Si belle soit-elle, la pornographie sonore crépit nos yeux de saletés coriaces qui génèrent l’esbroufe, inépuisable machine à rêve. Un bourrage de crâne rusé, une propagande de bas étage. La luxure est en marche, un péché aux œillères bien fixées, suivi des six autres vicieuses qui se régalent de pouvoir prendre le relais. Mais l’opulence à ses ennemis. Tout droit sortis d’une ville côtière qui voit plus de gris que de bleu, les membres de Royal Blood sont les nouveaux souverains d’une lignée qu’on croyait ensevelie sous plusieurs années d’essais et de remue-méninges. Une aubaine : ils étaient enterrés vivants.

En parlant de mort-vivant – bien que les deux ne soient pas des loques sans vie, l’éblouissant créateur d’outre-tombe Dan Hillier concocte un visuel à leur image. Les mains croisées, les yeux découverts de sa coiffe noire glacée et vêtu de nature morte, ce gardien ténébreux renvoie toute l’élégance acérée et tremblante de Mike Kerr et Ben Tchatcher. Originaires de Brighton, ces deux amis bercés par Jimi Hendrix et Led Zeppelin ont un sens perspicace de la musique. Il dégaine leur état d’âme sans aucune retenue. Le heavy rock de ses messieurs rappelle celui de Seether et de Deftones : des morceaux à la rythmique simple et dynamique, très vite accrocheuse, une voix chantée et non criée, prédominée par des riffs lourdement enraillés et des jeux de batterie intelligemment répétés. Une base simple et fonctionnelle, sans pour autant être laxiste. On séjourne dans le cabaret burlesque de Manson avec « You Can Be So Cruel », on couche avec la langoureuse et sexy « Loose Change » et on pogotte avec les turbulentes « Out Of The Black » et « Little Monster ».

Leur instrumentation se résume vite. Ils sont deux, l’un avec sa batterie, l’autre avec sa basse et sa voix. Surprenant qu’une scène soit aussi dépouillée. Pas besoin de beaucoup pour tomber amoureux. Leur passion comble le reste, il ne se pose aucune question. Ils ont le sens pratique, pas de casse-tête logistique ni de répétition inutile. Il libère l’essence du rock pour la respirer à plein nez. Elle nous embaume, sèchement et durement. Elle nous suit à la trace, encore longtemps.

Royal Blood

« Royal Blood » de Royal Blood, sortie le 25 août 2014 chez Black Mammoth.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante