[Live] Requin Chagrin au Trabendo

Au Trabendo pour les Femmes s’en Mêlent, le groupe de Marion Brunetto se révèle dans l’esprit des uns, pour sa première parisienne avec ses nouveaux sons et son nouveau live-band. Il montre également qu’il a bien grandi pour les autres, notamment ses fans déjà presque hardcore qui hurlent son nom depuis la fosse. Et c’est normal puisqu’une grande étape vient d’être passée pour le projet Requin Chagrin.

Requin Chagrin – crédit : Cédric Oberlin

Finies les aventures lo-fi chez La Souterraine, cinq ans après, Brunetto a rejoint une petite structure pilotée par Nikola Sirkis via Sony, KMS, et la production s’en ressent. La Varoise est passée dans un autre monde, oubliant le bricolage DIY pour se réinventer en même temps que sa manière de travailler. Moins de partitions solaires, l’ambiance est plus prompte aux douces soirées du crépuscule. Une direction plus new-wave dirait-on simplement.

De là à penser qu’on tiendrait les nouveaux tenant d’une pop rétro biberonnée au lait de leur héros Indochine, il n’y aurait qu’un pas. Des harmonies vocales aux synthés perchés on frôle l’évidence, mais Requin Chagrin est très sûrement plus que ça. Les nouvelles compositions solidement catchy de Marion Brunetto évoquent la richesse mélodique du surf rock anglo-saxon le plus inspiré. Des sensations évidemment pas étrangères quand on pense au premier album, ou à son rôle de batteuse garage chez Les Guillotines. En studio et encore plus sur scène, les partitions oniriques et lancinantes des mid-tempo dream-pop de « Sémaphore » répondent ainsi parfois aux mélodies coulantes de tubes bien plus immédiats.

Le long-format est un long spleen aquatique dont le titre éponyme est probablement le meilleur symbole puisqu’il condense tous les effets produits par cette musique aussi jouissive qu’envoûtante. Il contraste habilement dans la setlist avec le rythme effréné du plus sombre « Dans le cœur », ou les folies instrumentales des refrains de « Mauvais présage » et de la conclusion déroutante de « Grand voyage. » Mais d’un autre côté, ce premier single répond bien aux harmonies vocales de « Rivières » ou à la balade mélancolique « Soleil blanc ». Les puristes – il y en a déjà sûrement – retiendront aussi le surf de « RC », la toute première du groupe ou l’hymne pop évident « Adélaïde. »

Les paroles presque cryptiques posées par le chant nonchalant de Brunetto donnent toutes les dimensions d’un OVNI à ce rock en français dans le texte. « Sémaphore » est ainsi une ballade vers l’inconnu portée par ses tubes addictifs ou des rêveries à la beauté incandescente.

On dit que la french pop revit de plus en plus depuis le début de la décennie. Mais il lui manquait peut-être un peu de pédales fuzz. Avec Requin Chagrin, si vous restez jusqu’à la fin où il déroule ses plus belles séquences instrumentales, vous saurez que désormais la mission est donc encore mieux remplie.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens