[LP] Proksima – Fragments de liberté

Des « Fragments de liberté » racontés à la première personne. Des éclats sur lesquels on marche en se blessant parfois, en avançant toujours. Proksima approfondit davantage sa cohérence, son art entier du corps, de l’esprit, de l’image et de la musique à travers les battements cardiaques sincères et tragiques de ce magnifique nouvel album.

Dès les premières secondes, on sent que quelque chose a changé. Qu’au fil de l’écriture de Proksima, une intimité croissante s’exerce et s’empare de nous, que la complainte du trio ne se maquille plus d’apparats synthétiques, accordant autant d’importance au son qu’à sa performance, sur disque et sur vidéo. Les héroïnes féminines de « Fragments de liberté » ont brisé leurs chaînes et ouvert la cage qui les emprisonnait ; dorénavant, elles nous parlent, tandis que nous tombons à la renverse. Elles nous dominent de toute leur splendide hauteur, de leur troublante humanité. En contemplant l’individu courant à sa perte, elles avertissent, sourient, rient parfois mais reviennent rapidement dans le cocon bienfaiteur de leur force, de leur colère rédemptrice, de leur diction profonde et véritable des déviances et des issues qu’il nous reste, même peu nombreuses.

Descente harmonique envoûtante et tragique, « Les pieds nus » pénètre en toute humilité dans l’univers immaculé de ces « Fragments de liberté » ; le regard tourné vers l’horizon, les yeux baignés de larmes, Proksima sait qu’il va falloir se battre, se relever et ne plus subir. Plus loin, « La réussite » saisit la bien-pensance et les voies toutes tracées par le col, sans brusquer mais toujours en exprimant parfaitement l’unité retrouvée, guérie. « Duplicata » se fond dans les diktats de l’esthétique sur papier glacé, dans une modernité désincarnée et obligeant chacune et chacun à respecter des codes qui, eux, sont destinés à devenir futiles alors même qu’ils viennent tout juste de paraître. La délivrance passera par la fuite, par l’évasion et la confidence (« Sursis »), chutera après le coup traître du sort (l’inexorable issue de « Fulgurance »). Dans ce contexte, l’histoire de « Julie s’ennuie », éloquente et sombre, va encore plus loin, posant sur des boucles dansantes le conte d’une folie ordinaire, d’une sitcom acide et désincarnée, trempant nos lèvres dans l’amertume de lendemains qui déchantent et qui pourrissent de l’intérieur ; fracas effrayant, palpitant et tétanisant de l’insalubrité mentale et de tous ceux qui la porte aux nues. Une petite mort dont l’imprévisible reflet humaniste se verra dessiné sous les traits bienveillants de l’amour juste de « N’oublie pas », d’un respect que l’on croyait à jamais décimé par les mirages flétris du quotidien.

Il faut démanteler nos vies en milliers de morceaux, les exploser sur le sol mouvant d’une société vouée à la disparition ; ainsi, « Fragments de liberté » reconstituera le puzzle de nos échecs et de nos épreuves. Et resplendira sous une forme unique pour celles et ceux qui oseront le fixer droit dans les yeux.

« Fragments de liberté » de Proksima, disponible depuis le 25 mars 2020.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.