[Interview] Polaroid3

Vendredi prochain, les Strasbourgeois de Polaroid3 partageront la scène du Joker’s Pub à Angers le temps d’une soirée avec les Rennais de Kids of Maths et les DJs angevins Georges Guelters et Peter L8.
En amont de l’évènement que nous organisons avec Radio Campus Angers, nous avons proposé aux trois membres du groupe de nous parler de la singularité artistique de leur projet, de leur relation à la scène et de leur prochain enregistrement.

crédit : Philippe Savoir
crédit : Philippe Savoir
  • Bonjour Polaroid3, j’ai l’impression que la part d’artistique dans votre projet dépasse très clairement le cadre même de la musique, non ? 

Christophe : Bonjour ! Oui c’est vrai, parce que c’est un projet musical qui est nourri, dans ses inspirations, par d’autres formes artistiques (cinéma, photo, etc.) et aussi parce que notre rencontre avec Philippe Savoir (qui a réalisé notre clip « You Must Go On » et contribué à l’univers visuel du groupe) a posé un « regard » sur notre musique.

Christine : Nous allons d’ailleurs travailler en résidence au mois de novembre prochain avec Philippe et deux scénographes sur une nouvelle création de Polaroid3 où nous allons mettre l’accent sur l’aspect visuel (création lumière, installation scénographique…) afin de mettre en valeur l’univers de notre projet. Il y aura aussi un trio à cordes… mais c’est top-secret pour l’instant, nous vous en dirons plus prochainement !

  • Comment passe-t-on du jazz et des musiques dites « improvisées » à un électro pop alternatif comme vous vous définissez avec Polaroid3 ?

Christophe : L’évolution a suivi la vie naturelle du groupe, et parfois les hasards de nos vies musicales à tous les trois. Nous avons eu (et avons toujours) d’autres projets musicaux ensemble et celui-ci a pris sa propre direction (peut-être plus pop, plus électrique que les autres). Il n’y a pas eu de décision à proprement parler, Christine a apporté un jour des pédales d’effets pour sa voix (ce qui a beaucoup orienté les mélodies), le piano s’est effacé au profit du Fender Rhodes (puis des synthétiseurs aujourd’hui) un jour où une salle de concert en Allemagne n’avait pas de piano…  Plus tard, Francesco a pris des pads en plus de sa batterie, pour ouvrir vers de nouveaux sons mêlés à la batterie acoustique. Il est vrai que tous ces évènements se sont appelés mutuellement, car nous avons certainement réagi musicalement aux nouvelles propositions sonores des autres membres du groupe.

  • De quelle manière faites-vous aujourd’hui usage de ce bagage musical antérieur ? 

Christophe : C’est difficile à dire. Nous en tirons certainement une attention particulière au travail du « son ».

Christine : C’est vrai que nous venons du jazz et des musiques improvisées, mais nous avons toujours été intéressés par d’autres styles musicaux. Ce qui reste de ce bagage musical antérieur dans notre musique d’aujourd’hui, c’est nos oreilles ouvertes aux « tribulations » harmoniques (le jazz est très riche harmoniquement), notre plaisir à chercher des timbres et des couleurs particulières et une certaine liberté dans la manière dont on aborde la musique, au-delà des formes ou esthétiques prédéfinies. Notre pratique d’improvisateurs nous permet de chercher des choses en répètes sans s’enfermer dans une seule direction (ce qui n’est pas toujours facile, car au bout d’un moment il faut bien en choisir une !).

  • Christophe, tu as fait le choix de l’analogique plutôt que du numérique, pour quelles raisons ?

Christophe : Ça n’a pas été un choix cornélien, parce que je ne suis pas un as du numérique. J’aime bien avoir des machines physiques, avec des potards que je peux toucher, des amplis avec des lampes, de vrais filtres dans mes synthés… Et surtout j’aime le son qui va avec. Mais je ne suis pas du tout en campagne contre le numérique !

crédit : Philippe Savoir
crédit : Philippe Savoir
  • Dans le processus d’écriture d’un titre, qu’est-ce qui vient en premier : le chant ou les instruments ? Il n’y a peut-être pas de recette préétablie chez vous ?

Christophe : C’est Christine (la chanteuse) qui apporte les textes et les mélodies, et souvent une image plus abstraite de l’ambiance qui l’a inspirée. Puis on trifouille tout ça en groupe, avec l’idée d’un son pour le morceau, ou d’une forme. Nous sommes assez perfectionnistes ; en répétition nous cherchons beaucoup, on discute, on n’est pas d’accord, on rectifie, on jette !

Christine : Avant pour écrire mes chansons, je partais plutôt d’un riff, d’une grille d’accord ou d’une mélodie. Je pensais avant tout à l’univers de la musique et à ce que j’avais envie d’exprimer au-delà des mots, comme un langage non verbal donc. Ensuite seulement, je posais des mots dessus. Aujourd’hui, cette tendance s’inverse un peu, et souvent j’écris d’abord le texte avant la musique.

  • Christine, tu ne joues pas d’instruments dans le projet, mais du coup j’ai deux questions à ce sujet : la première, considères-tu ta voix comme un instrument et la seconde, comment occupes-tu l’espace scénique ?

Christine : Deux questions très différentes donc ! Oui, j’ai longtemps travaillé ma voix comme un instrument (enfin, c’est un instrument ! Un peu à part certes…), surtout quand je pratiquais les musiques improvisées. Dans Polaroid3, un peu moins puisqu’il s’agit de chansons et qu’il y a donc du texte. Mais quelque chose perdure de ma pratique antérieure puisque je continue à penser que le son est davantage porteur d’émotion que les mots (en tout cas c’est mon ressenti personnel), et j’utilise donc ma voix dans ce sens, notamment (mais pas seulement) avec l’utilisation d’effets électroniques.

crédit : Philippe Savoir
crédit : Philippe Savoir

Pour ce qui est de l’occupation de l’espace scénique, je me place volontairement sur le même plan que les musiciens. Les chanteurs sont souvent devant et au centre de la scène, moi je me place sur le côté, on joue quasiment en demi-cercle, d’abord pour qu’on puisse se voir (quand c’est possible, ça dépend des lieux) et parce que nous formons un ensemble homogène ; la voix est dans le mix. Mais nous allons retravailler cet aspect scénique et l’enrichir d’éléments visuels très prochainement comme je vous le disais.

  • Côté discographie : on trouve un premier EP « Rebirth of Joy » en 2012 et ensuite ? Travaillez-vous donc un nouvel enregistrement à venir ?

Christophe : Oui, on est en pleine préparation d’un album. Sans en dire beaucoup plus, on sera bientôt en studio… Ces concerts à venir seront l’occasion d’en savoir plus sur les morceaux !

  • Vous êtes signés sur le label Oh!, qui est lui-même rattaché à un collectif de musiques créatives. Pouvez-vous m’en dire davantage ?

Christophe : Le Collectif OH! est basé à Strasbourg, où nous vivons, et est très actif (concerts, créations, label, festival, etc.) dans le domaine des musiques créatives. Il y a de vraies dynamiques à Strasbourg, et ce collectif en réunit quelques-unes !

  • Pour revenir à votre premier disque, je ressens une ambiance assez mystérieuse, surréelle, planante. Assez sombre également, pas le truc joyeux, vous voyez ce que je veux dire ?

Christophe : Oui, en effet, je pense que ça correspond à nos caractères musicaux, je crois pouvoir dire de nous trois que nous ne faisons pas une musique « festive », mais cependant, même si on peut aisément parler de musique « sombre », il ne s’agit pas du tout de musique glauque, il y a dans notre musique un élan et une énergie qui n’ont pas rien à voir avec ceux du désespoir !

Polaroid3 - Rebirth of Joy

Christine : Le visuel de notre premier EP est assez parlant à ce sujet : on peut y voir une sorte d’oxymore, soit une pluie noire qui tombe du ciel soit un volcan d’où jaillit le feu : deux images opposées donc qui s’assemblent. C’est à l’image de notre musique, avec un côté énigmatique, trouble ou fantasmagorique.

  • Du disque à la scène, comment vivez-vous cette transition ? Pensez-vous à la scène au moment de composer ?

Christophe : Non, nous ne pensons pas du tout à la scène quand on écrit. D’ailleurs, ça pourrait être une chose qui détourne (voire qui autocensure?), de penser à ça trop tôt, non ? Par contre, une fois le répertoire monté, on essaie de travailler sur scène, pour que nous puissions être au plus proche de ce que nous avions voulu désirer pour le morceau.

  • Vous serez la semaine prochaine en mini tournée : mercredi 19 à l’Alimentation Générale à Paris avec April Was a Passenger, jeudi 20 au Barjo d’Alençon et vendredi 21 mars au Joker’s Pub avec Kids of Maths, soirée que nous organisons d’ailleurs avec Radio Campus Angers. Cette mini-tournée, c’est l’occasion de quoi : de découvrir de nouveaux lieux, de nouvelles personnes, de tester de nouveaux titres ?

Christophe : Oui, c’est un peu tout ça. On se concentre sur le disque en ce moment, et il est important de jouer sur scène nos nouveaux morceaux. C’est souvent dans l’énergie des concerts que nous trouvons des choses.

crédit : Philippe Savoir
crédit : Philippe Savoir
  • Pour finir, une question un peu politique à l’heure des municipales, trouvez-vous que Strasbourg se bouge aujourd’hui pour développer l’économie musicale sur son territoire ?

Christophe : Ce que je peux dire c’est que dans cette ville, et depuis très longtemps, il y a une belle activité culturelle. Il y a des initiatives, et comme partout, on espère que la situation ne va pas s’aggraver, car elle y est aussi bancale.


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques