[Live] Pointu Festival 2018

Voir Suuns, Sleaford Mods, Godspeed You! Black Emperor, The Soft Moon, Fidlar et Thee Oh Sees un même weekend, gratuitement, sur une île du sud de la France, c’est possible. La preuve, tous ces groupes étaient en tête d’affiche de la programmation du Pointu Festival, jusqu’où nous nous sommes aventurés pour voir et entendre sous une chaleur de plomb du gratin de l’indie rock 2018. Reportage.

crédit : Cédric Oberlin

Symboliquement, c’est la vedette locale Flashing Teeth qui ouvre le bal du samedi, avant de laisser les manettes aux Mancuniens de Spring King venus irriguer les bords de l’île de leurs riffs garage-pop. Entre deux plongées dans les criques de Six-Fours-Les-Plages, les quatre slackers testent leurs nouveaux sons comme l’électrisant « Animal » et sollicitent des premiers slams sur l’affûté « Rectify » dopé en énergie punk. Le bâton de relais est ensuite cédé sur l’unique scène du lieu aux Montréalais de Suuns, toujours très appréciés pour leur rock débridé et abrasif. Avec « Felt », quatrième long format sorti cette année, ils expriment ainsi leur talent à faire progresser leur son. Leurs nouveaux titres s’engagent dans un dédale de sonorités grâce à de puissantes expérimentations à la guitare coupables d’effets psychiques bienfaiteurs sous le soleil brûlant de la Provence.

En début de soirée, Sleaford Mods est venu nous rappeler que la sobriété de sa scénographie n’a d’égal que la puissance de son interprétation. Le duo entre rap acerbe et rock ravageur de Nottingham excite le Gaou par sa frénésie scénique, autant portée par la gestuelle hilarante de l’un que par la nonchalance de son compère qui se contente de faire la transition des tracks sur son ordinateur en sirotant sa bière. Son interprète, Jason Williamson, est constamment dans le défi avec la foule qui, sollicitée, lui renvoie ses uppercuts à coup de projectiles sur la scène : une communion parfaite en somme, qui pousse Sleaford Mods à annoncer qu’il espère revenir à Six-Fours dès l’an prochain. Pour finir la première journée, Godspeed You ! Black Emperor est apparu sur une scène sous un éclairage minimaliste pour tordre son rock expérimental et déjà culte. De quoi nous assurer une fin de soirée plus planante, tout le live-band étant caché dans la nuit pour enchaîner ses longues pistes instrumentales sublimes.

À deux, elles savent faire du bruit. Deux ans après « Femenijsm », Deap Vally est revenu avec du nouveau son fidèle à sa formule guitare/batterie. Première montée d’adrénaline du dimanche, le duo garage a largement emballé le public de l’île avec ses riffs acérés de « End of The World » ou « Baby I Call Hell » extraits de son tout premier album. Le blues-rock crasseux de « Royal Jelly » ou « Smile More » s’est mêlé à la sueur et la bière de cet après-midi de plomb. Fraîchement converti au rock industriel, The Soft Moon débarque avec les partitions noires de « Criminal ». Grosses percussions, synthés gothiques, ligne de basse lourde, Luis Vasquez mobilise un live-band élargi pour défendre de nouveaux morceaux dont aurait rêvé Nine Inch Nails. À l’image du ressenti donné depuis la scène par les grinçants « Burn » et « Young » qui plongent les festivaliers dans une transe plus propre aux ambiances cold-wave. Un virage inattendu, mais assez excitant qui donne à ses performances une intensité encore jamais vue.

Puis Fidlar prend les commandes du Gaou. Les quatre branleurs savent mettre le feu et sont responsables des meilleurs pogos du festival au coucher du soleil. Si on ne sait pas trop s’ils parlaient de public ou de coupe du monde, ils ont eu quelques compliments à adresser au pays qu’il les accueille : « La France est la meilleure nation d’Europe, c’est tellement mieux que chez ces c******* d’Anglais ». C’est par ces sages paroles que le punk saupoudré de refrains pop de Fidlar a permis de chauffer la scène à blanc tout en convertissant de nouveaux fans avec ses hymnes « 40oz » et « West Coast ». Désormais quatuor à deux batteries, Thee Oh Sees a clôturé cette soirée anglo-saxonne par ses sonorités brutales, entre garage et psyché. Groupe prolifique autant en studio que sur scène, on se perd quelque peu entre les disques, mais le résultat est toujours ultra alléchant. En quittant le festival après ces deux soirées, nous voilà bien repus de ce que l’indie rock avait de mieux à nous offrir cet été.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens