[Play #6] The Voidz, Starcrawler, Jaguwar, GoGo Penguin, Wind Atlas, etc.

Chaque semaine, nous vous concoctons une sélection de dix albums sortis récemment et qui ont (pour l’instant) échappé au radar des chroniqueurs d’indiemusic. Au programme de cette semaine : pas mal de jazz assez avant-gardiste, du dark folk, de la cold wave, du shoegaze, du rock inclassable et un peu de black metal.

Mary Halvorson – Code Girl

30 mars 2018 (Firehouse 12 Records)

Active depuis ses 22 ans en 2002, la guitariste d’avant-garde jazz a déjà une discographie longue comme le bras, en solo, trio, octuor ou ici pour un quintette emmené par une chanteuse-cantatrice au talent époustouflant, Amirtha Kidambi. La chanteuse d’origine indienne est à elle seule une raison incontournable d’écouter ce passionnant album d’une créativité illimitée. Le jeu de guitare de Halvorson est virtuose, tout comme le sont ses aventureuses compositions laissant à chacun de ses musiciens beaucoup de place pour s’exprimer au long de l’heure et demie passionnante que dure cet album, qui réunit avant-garde, free jazz, rock, fusion, psychédélisme, soul et chant lyrique dans un formidable pot-pourri musical. Une des sorties majeures de ces derniers mois dans le style, pourtant très dynamique et prolixe.


Make a Change… Kill Yourself – IV

15 janvier 2018 (Cursed Records)

Bel opus des Danois, deux très longs morceaux de black assez traditionnel mais pile comme on l’aime : rampant, presque feutré, vicieux et un brin mélancolique. Les compositions présentent suffisamment de variations pour qu’on ne s’ennuie jamais. Excellent disque du genre.


Sunnata – Outlands

23 mars 2018 (autoproduit)

Troisième album des Polonais, qui réussissent en quelques secondes à instaurer une atmosphère planante et orientalisante, à des milliers de kilomètres musicaux de leur pays natal. La grande force de ce disque est de parvenir à surprendre constamment, brisant le trip psychédélique par des éruptions sludge du plus bel effet et jouant avec nos nerfs au fil de compositions très travaillées et sinueuses. Un album assez remarquable, varié et prenant.


The Voidz – Virtue

30 mars 2018 – (Cult Records)

Deuxième album de Julian Casablancas au sein de sa formation The Voidz, qui éclate les frontières entre l’indie rock et d’autres genres musicaux (ici, la musique électronique, le punk, les sonorités orientales…). « Virtue » est un OVNI rock réjouissant dont la durée qui aurait pu être son pire ennemi se révèle un étonnant allié. Le disque est d’une bizarrerie folle, inexplicable, et d’une liberté artistique dingue. On y croise plein de morceaux qui ne se ressemblent ni entre eux, ni ne ressemblent à autre chose de connu, c’est toujours dans l’expérimentation avec le genre ou le format (on est loin du couplet refrain pont refrain classique), l’exploration de sonorités inattendues… Mentions spéciales aux géniales « QYURRYUS » ou « Pointlessness », mais l’album est une suite ininterrompue de trésors d’inventivité, dont l’étrangeté fera peut-être fuir certains. En termes d’aventure sonore et de richesse, on est au niveau des premiers Massive Attack, dans leur volonté idiosyncratique de faire se rencontrer des univers que tout sépare. Un album de world-rock music hallucinogène tellement plus intéressant que tout ce qu’on fait les Strokes depuis « First Impressions of Earth », il y a douze ans déjà.


GoGo Penguin – A Humdrum Star

9 février 2018 (Blue Note)

La formation britannique, dont le remarqué « v2.0 » fut nommé au Mercury Prize, sort un quatrième album, le deuxième sur le légendaire label Blue Note. C’est absolument excellent, un jazz très contemporain dominé par un piano dynamique aux mélodies omniprésentes et mémorables, une basse au groove plus sombre qui ancre le tout bien sur terre, et un batteur au jeu complexe, souvent sur des contretemps et des polyrythmies assez dingues qui font immédiatement taper du pied dans tous les sens. Le style de disque qui peut faire aimer le jazz aux personnes les plus hermétiques au genre. La jeune scène se porte décidément bien, on pense pas mal à BadBadNotGood en moins chill.


Anenon – Tongue

9 février 2018 (Friends of Friends)

Troisième album de l’Américain autodidacte. Gros coup de cœur de février pour cette musique planante et sobre qui défie les appellations. Plages électroniques méditatives zébrées de saxophone free. Quelques morceaux plus « pop » qui semblent très inspirés par Terry Riley. Pochette idéale pour se mettre dans l’ambiance du disque.


Wind Atlas – An Edible Body

26 janvier 2018 (Hidden Track Records)

Un joli diamant noir qui mélange influences folk psyché orientales et hispaniques à des sonorités plus new wave voire cold wave. Très varié suivant les titres, on ne s’ennuie jamais, c’est assez envoûtant et beau et froid en même temps. Belle découverte qui nous vient de la péninsule ibérique.


Jaguwar – Ringthing

12 janvier 2018 (Tapete Records)

Petit coup de cœur dès le début d’année pour celui-là, qui réunit tous les ingrédients d’un bon disque de shoegaze. Du bruit, de la mélodie, des voix éthérées ou plus catchy, des textures sonores contrebalancées par des gros riffs. Le disque est relativement long pour le genre, mais les morceaux ont suffisamment de variété entre eux pour que l’écoute ne soit pas trop indigeste. C’est le troisième album des Allemands, et le premier à avoir un vrai titre.


Starcrawler – Starcrawler

19 janvier 2018 (Rough Trade)

Le phénomène pop-punk de ce début d’année. Debut album pour le combo californien qui fait déjà pas mal couler d’encre et qui s’avère étonnamment clivant. Sans doute que certains y voient un disque assez lisse et formaté, mais difficile d’oblitérer le fait que ces chansons sont diablement efficaces et entraînantes, et surtout qu’elles savent parfaitement quand s’arrêter pour ne jamais durer trop. Sur scène apparemment ça envoie du lourd, à grands renforts de sang craché sur la foule. Sur le dancefloor, c’est irrésistible tant les riffs sont millimétrés.


A Grave With No Name – Passover

19 janvier 2018 (autoproduit)

One-mand band britannique au style dépouillé et à vif, qui nous livre ici un disque superbe, qui donne l’impression de se promener dans une forêt l’hiver. Tantôt planant – à la Six Organs of Admittance – tantôt très sombre, jusque dans l’insertion de sonorités électroniques assez malsaines, un disque bien agencé, inventif et très immersif.

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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique