[Live] Pitchfork Music Festival Paris 2016

Deuxième partie de notre reportage au Pitchfork Music Festival Paris 2016 avec cette fois-ci le compte-rendu de nos meilleurs moments et de nos déceptions au cours des trois nuits du « Main Event ». Retour sur les performances qui ont eu lieu dans la superbe enceinte de la Grande Halle de la Villette avec Bat For Lashes, Warpaint ou encore Parquet Courts, parmi tant d’autres.

Crédit : Alban Gendrot
Crédit : Alban Gendrot

C’est sur une tonalité très funky que début les trois jours de festival, grâce à Aldous RH (Alexander Aldous Robinson Hewett de son vrai nom). L’artiste basé à Manchester est récemment revenu sur le devant de la scène, quatre ans après la sortie de son premier disque, accompagné d’un impressionnant live band responsable de belles séquences instrumentales jouissives. Nous retiendrons notamment la voix joliment perchée du chanteur au chapeau, ancien membre d’Egyptian Hip Hop, également connu pour avoir joué aux côtés de Charlotte Gainsbourg ou Hudson Mohawke. Une bonne mise en jambe devant un public encore clairsemé, avant peut-être, la sortie d’un nouveau long-format.

Crédit : Matt Lief Anderson
Crédit : Matt Lief Anderson

Remplaçante au pied levé d’un Avelino démissionnaire, Lucy Dacus n’avait pas l’air un poil intimidée en prenant place sur l’une des deux scènes de la Grande Halle. La récente trouvaille de Beggars a même eu droit à un échauffement la veille en se produisant lors de la seconde soirée avant-garde de Pitchfork, à la Mécanique Ondulatoire. Avec son folk-rock aux vibes très virginiennes (elle est originaire de Richmond), la jeune aux cheveux bruns coulant alterne les caresses et les piques vocales ou instrumentales avec la maîtrise d’une Angel Olsen ou d’une Sharon Van Etten. Bien agrippée à sa guitare, elle reprend les balades débordantes d’émotions et de fougue son premier album « No Burden », dont on dit qu’il a été enregistré en une seule journée. Une agréable découverte que celle qui, à tout juste vingt ans, fait preuve d’une sensibilité touchante et semble préfigurer comme une nouvelle grande singer/songwriter de l’autre côté de l’Atlantique.

Crédit : Vincent Arbelet
Crédit : Vincent Arbelet

Partis sur des bases punk assez rageuses, les Brooklynois de Parquet Courts ont montré une facette plus pop à l’occasion de leur set. Quelque peu adouci sur sa dernière production, le groupe met en avant davantage de mélodies ou des séquences instrumentales, une façon de laisser filer un brin d’immédiateté sans pour autant renoncer à leur efficacité. Si les puristes y voient un instant de faiblesse, Parquet Courts brasse ainsi plus large grâce à des compositions alt-rock plus dispersées où les cris ravageurs du chanteur Andrew Savage se font moins présent. Il n’en reste pas moins débordant d’énergie, à l’image de la fosse remuant des nuques en symbiose. Nous reconnaissons également la patte viscérale des Américains dans leurs productions toujours pleines de tension, et qui abordent les ambiances et les humeurs d’une ville de New York pétrie de violence et de stress. Un léger revirement dont le public semble s’être finalement bien accommodé, dans une démarche dont on retiendra bien plus l’audace que la facilité.

Crédit : Vincent Arbelet
Crédit : Vincent Arbelet

Nous l’avions brièvement aperçu au début de l’année à Paris, au Point Éphémère, C Duncan a enfin fait son retour en ouverture de la deuxième journée du festival. L’Écossais a ainsi présenté ses sublimes partitions liant les influences de sa formation classique au conservatoire à de belles mélodies dream-folk, symbolique de son deuxième album « The Midnight Sun ». Le gentleman au clavier, basé à Glasgow, enchaîne les titres planants et communique avec le public avec une classe très british. Un premier set plein d’onirisme, à l’image des vagues de synthés entraînantes du sublime « Wanted To Want It To », premier single à émerger cette année sur son label FatCat Records. Entouré d’un formidable live-band qui s’épaissit de tournées en tournées et qui contribuent à des prestations de plus en plus marquantes, on espère revoir très vite l’auteur de l’imaginatif « Architect », candidat au Mercury Prize en 2015.

Place ensuite au français de la programmation avec Flavien Berger, qui nous entraîne dans les profondeurs abyssales de son premier album « Léviathan ». Nous nous laissons immédiatement emporter par les boucles incessantes de ses beats transformant la fosse en dancefloor. Seul à bidouiller ses machines sur scène, le musicien un brin décalé se dandine avec le micro en main pour nous plonger dans l’océan de ses expérimentations électroniques conjuguant new-wave et chanson française. Entre deux explorations psychés et oniriques le Parisien change soudainement de thématique : « Et si on mettait une petite ambiance fête foraine ? » déclare-t-il avant de jouer « Vendredi » (« parce que justement, on est vendredi » sourit-il). Quelques minutes plus tard, nous ne boudons pas non plus notre plaisir de sortir un instant la tête de l’eau pour apprécier l’ambiance foraine du tubesque « Fête Noire », son meilleur titre qui symbolise un univers riche en nostalgie et en poésie.

Crédit : Alban Gendrot
Crédit : Alban Gendrot

Très attendue de longues années après sa précédente tournée, Bat For Lashes a profité de son unique passage à Paris cette année pour mettre en scène son mariage avec le public français. Habillée d’une sublime robe rouge sang et d’un petit voile assorti, la Britannique se met parfaitement dans l’ambiance romantique de son album « The Bride », poussant le souci du détail jusqu’à tapisser la scène de bougies. Devant une belle horde de fidèles, Natasha Khan de son vrai nom a débuté par ses dernières compositions pleines de douceur où elle fait l’étalage de son talent vocal : « I Do », « I God’s House » ou encore « Joe’s Dream », avant d’entraîner les festivaliers dans une ambiance plus dansante grâce au single « Sunday Love ». Une façon de faire la transition vers de plus anciens morceaux, extraits de ses albums précédents. Malgré le gène apparent suscité par son costume, elle enchaîne les performances vocales les unes après les autres tout en maniant guitare ou clavier, soutenue par un live band dont chaque membre a épinglé une fleur rouge pour jouer les garçons et filles d’honneur du mariage en quelque sorte. L’Anglaise a profité du long set qui lui était réservé (presque une heure) pour caser une reprise de « son groupe favori » : « Gypsy » des Fleetwood Mac, extrait de l’ère Stevie Nicks dont Natasha Khan cherche à se rapprocher par ses envolées vocales.

Parmi les belles découvertes de cette année musicale figure sans conteste Whitney, qui en avait bluffé plus d’un grâce à la voix atypique de son chanteur et batteur Julien Ehrlich. Le groupe formé autour de cet ancien membre de feu Smith Western et d’Unknown Mortal Orchestra a en effet sorti chez Secretly Canadian « Light Upon the Lake », petit prodige entre soul et country. Nous avons cependant été déçus par sa performance qui n’avait pas la même qualité vocale que la version très exigeante du disque. Un raté que le premier concerné a à demi-mot justifié en expliquant ne « pas y être allé doucement » au sujet d’une folle soirée organisée la veille. Mais si Whitney nous a semblé un peu dans le dur, le live band a bien assuré la partie instrumentale, Ehrlich le premier à la batterie, ainsi que ses partenaires aux cuivres et aux cordes, à l’image du très jazzy « Red Moon ». Il en fallait cependant un petit peu plus pour nous emporter le dernier jour d’un festival déjà riche en émotions fortes.

Crédit : Kimberley Ross
Crédit : Kimberley Ross

Trois ans après son précédent passage à la Villette, nous avons retrouvé Warpaint venu défendre son troisième album « Heads Up ». Le disque aux contours plus pop à l’image de son tube fédérateur « New Song » offre également quelques bons instants planant avec « So Good » ou « Whiteout », mais ne parvient que difficilement à renouer avec l’intensité de leurs précédents longs formats. Si nous ne désespérons pas que ces nouveaux sons finissent par grandir en nous, les moments forts du set étaient davantage présents dans sa deuxième moitié, au moment où les quatre Californiennes ont choisi de revenir sur leur deuxième disque éponyme. « Love Is To Die », « Keep It Healthy » et son « Intro », ou encore le très RnB « Disco//Very ». Nous en viendrions presque à ne plus regretter les titres de leurs tout débuts (sauf peut-être « Elephants », il ne faut pas non plus exagérer.) Le quatuor mené par les chanteuses Emily Kokal et Theresa Wayman semble ainsi bien assumer sa transition vers des influences plus pop et RnB, bien aidé en cela par le travail de sa géniale batteuse Stella Mozgawa qui a collaboré sur des projets plutôt éloignés de l’indie-rock tels que Jagwar Ma, SBTRKT ou même Jamie XX.

Crédit : Kimberley Ross
Crédit : Kimberley Ross

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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens