[Live] Pitchfork Avant-Garde 2017

Après une belle première expérience l’année passée, nous avons renouvelé notre sortie aux deux nuits Avant-Garde du Pitchfork Music Festival à Paris. Au menu, une quarantaine de groupes émergents de France et d’ailleurs, répartis dans sept salles jouant presque toutes en même temps. Récit de notre double soirée itinérante.

Priests – crédit : Cédric Oberlin

Notre soirée itinérante débute avec Korey Dane en ouverture de la programmation de la Loge. Le Californien se présente seul sur scène du lieu – découvert lors de l’édition précédente de l’événement – ses partenaires de tournée étant « rentrés chez eux » et le laissant avec sa guitare. Il s’en excuse d’autant plus qu’il concède que son état de santé du moment n’est selon lui pas optimal, tout en multipliant les anecdotes bavardes. Mais tous ces « avertissements » s’avèrent vite futiles : le songwriter maîtrise sa prestation en guitare-voix avec une classe telle qu’on serait tenté de le prendre pour un vieux briscard malgré ses 26 ans. Présentant les nouvelles complaintes folk de son dernier disque, il se fait accompagner dans la deuxième partie du set par une vocaliste avec qui il interprète son « Hard Times », (« about hard times » ironise-t-il) single qu’il tient particulièrement à cœur de mettre en avant. La prestation déjà saisissante redouble d’intensité quand les deux voix s’épousent, l’une grave et mélancolique, l’autre vibrante, éraflée et de tête. Première mise en bouche réussie dans la petite salle au contexte intimiste qui sait donner à ce genre de performance un aspect tout simplement magique, tendance qui va d’ailleurs se confirmer plus tard dans la soirée.

Korey Dane – crédit : Cédric Oberlin

Mais on se permet tout d’abord un crochet au Pop-Up du Label pour retrouver K Á R Y Y N, sorcière mystique de l’électronique. L’Américaine d’origine syrienne commence à genoux et a cappella ses expérimentations en arabe. Habillée d’un lourd collier avec percussions suspendues en mode prêtresse tribale, la jeune artiste trace son chemin au milieu d’une alchimie complexe entre voix perchée et minimalisme électro façon Björk. Désormais debout, elle se poste derrière son synthé et entame une suite de titres en anglais avec un partenaire au drum-pad. Son chant juvénile vient alors se glisser sur des productions atmosphériques, des basses lourdes et une ambiance dark. On se perd ainsi dans un dédale de morceaux déstructurés, sans queue ni tête (et encore moins de refrains) qui nous désorientent complètement et laissent une impression mitigée. Coiffée par cinq petits chignons, elle nous a notamment joué « Binary », production à situer quelque part en FKA Twigs et Jenny Hval, ou encore « Un-c2-See », expérimentation vocale sortie le jour même du concert sur l’EP « Quanta 1:11 ». Si on est séduit par moment, d’autres morceaux laissent un petit goût d’inachevé.

K Á R Y Y N – crédit : Cédric Oberlin

De retour à la Loge, on retrouve Julie Byrne peu avant 22 h. On avait quitté l’Américaine au Pop-Up du Label il y a quelques mois après une soirée parisienne sublime. Elle est revenue avec un groupe complété d’un violoniste qui a permis d’augmenter encore la performance en intensité. La native de l’État de New York s’est à nouveau produite devant un auditoire subjugué, nombreux et assis pour recevoir cette douce gifle de la folkeuse enchanteresse. « Follow My Voice », « Natural Blue », et en clôture « I Live Now As A Singer » restent les grands moments de cette performance planante aux perles envoûtantes, presque susurrées à nos oreilles. Les caresses vocales de la chanteuse et les sublimes mélodies de sa guitare voient leurs effets décuplés grâce à l’obscurité qui l’enveloppe, Julie Byrne jouant lumières presque éteintes pour nous bercer de ses textes poétiques. Une vraie petite messe qui ensorcelle de nombreux spectateurs, émus, au point que certains ont fait la queue à la fin du concert pour venir enlacer la bouleversante interprète. Nous en sortons ainsi nous-mêmes plutôt sonnés.

Julie Byrne – crédit : Cédric Oberlin

Au Café de la Danse, nous sommes allés tester la nouvelle musique de Rostam, ex-Vampire Weekend en solo. Mais loin de nous emporter comme avec son ancien groupe, le producteur reconverti en guitariste et chanteur, pourtant bien accompagné par trois violons, un violoncelle et un drum-pad n’a pas livré la performance transcendante qu’on attendait. Un peu l’inverse de Silly Boy Blue, belle découverte française de cette édition. Au Supersonic, Ana – de son vrai prénom – s’est lancée en solo après avoir donné de la voix sur le dernier album de Pegase, tout en restant dans l’électro-pop. Armée d’un simple synthé et de son micro sur une scène quelque peu brumeuse, la jeune artiste a posé son chant ténébreux sur des productions tantôt atmosphériques, tantôt plus catchy du plus bel effet.

Révélation post-punk de Washington, Priests était sûrement le groupe immanquable se produisant à la Mécanique Ondulatoire. Tête d’affiche de la salle pour la deuxième soirée, le quatuor mené par Katie Alice Greer est venu enflammer un public déjà bouillant avec un show punk aussi bordélique que jouissif, qui joue sur les couleurs d’un album génial (« Nothing Feels Natural ») oscillant entre no-wave, surf, funk et garage. Les agressifs « Pink White House » ou « New » répondent ainsi aux plus pop « JJ » ou « Suck » lors d’une prestation très expressive et énergique, grâce notamment à la chanteuse ou au guitariste GL Jaguar – que certains vont moquer à haute voix pour ses (prétendus) faux airs de François Hollande.

Priests – crédit : Cédric Oberlin

L’ambiance va (hélas) ponctuellement se tendre, car certains spectateurs vont se montrer quelque peu incorrects à l’égard de leurs voisins, ou des photographes présents sur place, les pogos ayant tendance à déraper. Après plusieurs interruptions de chanson pour appeler au calme, Katie prend les choses en mains et finit par virer deux gêneurs contraints d’abandonner le show (« notre show » clame-t-elle) comme pour légitimer son acte. En guise de revanche, au moment d’interpréter le brûlot no-wave « Appropriate », la jeune femme appelle toutes les filles de la salle à conquérir le premier rang pour écarter les « emmerdeurs ». La fin de la performance prend alors une tournure plus politique avec « And Breeders » aux refrains plus qu’explicites : « Barack Obama killed something in me and I’m gonna get him for it » ou encore « Fuck Donald Trump and his white supremacy ».


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens