[EP] Persepolis – Sixty Miles An Hour

Concrétiser un premier disque demande un engagement de tous les instants, surtout lorsqu’il s’agit d’explorer ce que le rock fait de plus viscéral et intense ; c’est pourtant le défi que s’est lancé Persepolis avec « Sixty Miles An Hour », un EP lancé à pleine vitesse et qui, au lieu de foncer droit dans le mur, préfère zigzaguer et nous trimballer dans tous les sens pour un tour en bolide qui sera forcément mouvementé, mais finalement inoubliable. Faire du rock est une chose ; le comprendre et l’interpréter sous sa forme la plus prégnante est bien différent, et les deux musiciens l’ont parfaitement compris, à travers cinq titres baignés de sueur et de passion.

Penser le rock. Le méditer, s’en imprégner, le découvrir et le décortiquer pour en faire jaillir l’essence. Attendre l’alchimie, le déclencheur d’une nouvelle aventure qui se fera sur des charbons ardents ou n’aura pas lieu d’exister. Avec « Sixty Miles An Hour », les Landais de Persepolis ont appris tout cela, avec patience, avec endurance, suant sang et eau afin d’atteindre un nirvana où guitares et batteries se complètent, se cherchent, se guident et se détournent de chemins trop faciles à suivre. Car c’est bien de pistes noires qu’il s’agit ici ; de plaies, de bosses, de cartilages malmenés pour laisser l’électricité prendre le pas sur la volonté. En résulte un opus fou, schizophrénique diront certains, mais résolument palpitant et varié. Un pavé dans la marre ; bouillante, de préférence.

Expérience sensorielle et transgressive, « I Fell In Love With Somebody I Don’t Know » dévoile les enjeux, apprêtant un riff saisissant et tranchant d’une rythmique en perpétuel mouvement et d’un chant obsessionnel que seuls des chœurs et un instant plus apaisé viendront troubler avant de s’achever sur un accord majeur intervenant comme si rien ne s’était passé, alors que tout a éclaté en l’espace de quelques minutes. Une pause, une phase sentimentale interdite mais dont on profite à fond avant de plonger dans la dualité de « Physical Structure », dans ces mélodies introspectives, presque murmurées, contrebalançant avec une six cordes en attente et qui se déchaînera sur l’explosif « I Miss You », cri du cœur et de la douleur, mais surtout appel à l’espoir et à la transgression du deuil de la relation. Ce n’est pas parce qu’une histoire s’achève qu’on ne va pas aller s’éclater, boire quelques bières – voire deux ou trois shots d’alcool fort – et profiter d’une transe sonore exutoire et vibrante. La vitesse s’accélère alors, le moteur s’emballe sur les fulgurances de « Losing Purpose », ses alternances de silences et de murs du son cathartiques et précurseurs d’une nouvelle destinée que la démence intrinsèque du final « No Pleasure Inside », résignation autant que volonté de vivre autre chose sans se laisser emporter par la déprime, dépasse tout en construisant des fondations certes denses et compactes, mais ô combien thérapeutiques. Les histoires d’amour finissent mal ; mais Persepolis nous interroge sur les raisons, souvent contrariées ou faussées, qui nous poussent à nous morfondre alors que l’exultation est là, à portée de main.

« Sixty Miles An Hour » n’a rien d’une balade ou d’une promenade de santé ; au contraire, ce serait même la cadence minimum nécessaire au besoin de hurler son désespoir affectif pour mieux s’en débarrasser. Faire briller les étincelles des pots d’échappement, lancer la machine à toute blinde, ouvrir les fenêtres et crier. Certains s’y prennent de cette manière ; ce qui fonctionne ou, au contraire, est source de danger. Milo et Robin ont choisi d’exprimer leur désarroi, mais surtout leur envie d’oublier pour exister, à travers une musique d’une énergie radicale, harmoniquement sublime et audacieuse, ne laissant aucun temps mort dans cette reconquête de leur moi intérieur. Un premier effort incroyable, mémorable et intense, qui nous fait réfléchir sur nos propres capacités à nous libérer des faux-semblants pour mieux savourer ce qui nous est offert, chaque jour.

crédit : Sebastien Zambon

« Sixty Miles An Hour » de Persepolis est disponible depuis le 1er mai 2017.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.