[Interview] Pegase

Au lendemain de sa prestation incarnée au 22 Est lors du Printemps de Bourges, indiemusic a retrouvé Raphaël, charismatique et éclectique leader de Pegase.

Pegase © Fred Lombard

  • Salut Raphaël , quelles sont tes impressions sur ton concert au Printemps de Bourges ?

J’ai passé un super bon moment, je ne m’attendais pas vraiment à cela.
Dans ce genre de festival où tu as beaucoup de concerts en même temps, il y a beaucoup de professionnels donc en général ça te fait une salle super différente d’une salle traditionnelle. Avec des gens qui sont tout le temps en mouvement, qui passent, qui viennent voir trois morceaux, qui vont ensuite ailleurs. C’est bizarre quand tu joues de voir un espèce de mouvement, un peu comme au tout début de l’interdiction de fumer dans les salles où à la moitié du concert, il y avait carrément le quart de la salle qui se barrait… mais qui finissait par revenir. Heureusement, les gens se sont un peu calmés et sont de plus en plus capables d’attendre la fin du concert pour aller fumer. Les deux salles de l’espace 22 où on jouait étant côte à côte avec des concerts qui se chevauchaient, on a très bien vu lors de la soirée qu’il n’y avait pas grand monde durant les dix premières minutes, car le concert d’à côté n’était pas terminé. Ou alors, souvent à la fin, les gens partent voir celui d’après donc ça finissait avec moins de monde qu’au milieu. Bref, on s’était en fait préparés à cela.
Mais ce qui est cool, c’est que nous quand nous sommes arrivés sur scène, il y avait des gens qui nous attendaient. Et dès les premières notes, la salle s’est remplie d’un coup et les gens sont restés jusqu’au bout. On ne s’y attendait pas, c’était chouette !

Pegase © Fred Lombard

J’étais super à l’aise avec les gens, ce qui n’est pas toujours le cas. J’aime bien le live, j’aime bien partager ma musique, mais je pense que je suis plutôt un rat de studio. Je suis capable sur scène de faire carrément un concert les yeux fermés, je suis grave dedans, je sens les gens, je suis avec eux, mais je ne leur prête pas forcément attention. En même temps, on est cinq, j’ai des super musiciens qui sont cools à regarder, il y a des jeux de miroirs, il y a tout un show de lumières qui est aussi fait pour que ce soit pas grave si je suis dans mon monde ; je suis né comme cela. Je suis dans ma bulle, et hier je me suis surpris moi-même, j’étais vraiment avec les gens. Je suis content que cela soit arrivé à Bourges parce que ce sont souvent des concerts qui mettent bien la pression ; c’est un évènement important ! Même si on a beaucoup de concerts dans les pattes, tu peux quand même avoir du stress. Souvent, cela ne se voit pas forcément que tu n’es dedans qu’au 3e ou 4e morceau et là c’était un concert où on y était tous prêts dès qu’on a mis les pieds sur la scène. J’ai eu autant de plaisir sur le premier morceau que sur le dernier, et c’est rare ! C’était pas un bon moment, c’était un grand moment dont on va bien se souvenir…

  • Le clip « Old Idol » vient de sortir, d’autres clips issus de ton album sont sortis auparavant.

En fait, c’est déjà le 6e. J’avais déjà sorti deux EP 2 titres qui avaient déjà leurs propres clips puis à la sortie de l’album j’ai sorti « Ladybug » et là « Old Idol ». Je suis déjà rendu en terme de clips à la moitié de l’album !

  • Tu aimerais donc pouvoir poursuivre ?

Oui, j’aimerais bien en faire six autres, mais je ne sais pas si j’aurais le temps… J’en ai déjà un 7e que j’ai tourné il y a un an, mais que je n’ai pas sorti ; c’est mon clip de secours !

  • De « secours » par rapport à quoi ?

En fait, je n’avais pas vraiment besoin d’en sortir un nouveau, mais j’avais du temps. J’ai eu une idée donc du coup avec des potes on a réalisé cette vidéo, comme ça, pour le fun. Quand je réalise un clip, quand c’est moi qui suis à la coréalisation, je ne me mets jamais la pression pour le sortir. J’adore être sur un tournage, j’adore le cinéma en général. On me voit d’ailleurs souvent dedans, mais ce n’est pas forcément de mon initiative. « Ladybug » est un clip où on nous voit chanter la chanson donc c’est normal, mais le dernier c’est la réalisatrice qui le voulait…

Pour « Out Of Range », quand le réal m’a envoyé l’histoire, je pensais que la personne qui s’appelle Pegase et qui est un personnage serait un acteur… parfois je suis vraiment derrière la caméra, parfois je laisse carte blanche. Quand cela me plait et que les réalisateurs ont vraiment envie que je joue, je trouve cela cool même si je ne suis pas vraiment à l’aise.

  • Pegase étant assez conceptuel, pourquoi justement ne pas associer une vidéo à chaque titre ?

Pour l’instant, la seule ligne directrice que j’ai, c’est de ne pas faire deux fois la même chose ; j‘ai juste envie une fois que j’ai fini une vidéo d’aller essayer d’autres choses.
Avec le clip de « Old Idol » qui vient de sortir, je me suis aperçu qu’il y avait une fin qui donnait peut-être l’envie d’une suite. Or, je pense que la suite, c’est le clip que j’ai déjà sorti en novembre. Une sorte de préquelle dont je ne me suis pas rendu compte lorsqu’on l’a écrit. Du coup, il y a une logique, on me voit dans les deux clips, mais je suis le même personnage. C’est intéressant, mais c’est le fruit du hasard.
Voilà donc pourquoi Pegase n’est pas si conceptuel. C’est plutôt instinctif, on sent les choses, on ne réfléchit pas trop, on essaye de faire des trucs qui nous plaisent…
En fait, Pegase, c’est pas du tout conceptuel (rires).

  • Est-ce que toutes ces vidéos pourraient servir sur scène ?

Paradoxalement, j’aime pas trop les concerts avec de la projection d’images. Ça limite tout de suite le light show, ça fait souvent des concerts assez ternes, assez froids, où tu ne vois pas grand-chose, t’es obligé d’être dans le noir pour que l’écran fonctionne.
Mon live, il a 5 musiciens, 5 personnes plus moi à regarder donc s’il y a une information d’images, ça devient trop lourd. Ou alors il faudrait que cela soit abstrait, très cool, mais je pense que je fais une musique qui n’est pas assez ambiante, atmosphérique pour ça et c’est quand même noyer des histoires dans un truc psychédélique. J’aime vraiment aussi l’éclairage, ce que fait Aurélie, ma technicienne lumière. Elle est dans le futurisme et ça me plaît.

  • Tu as toujours été lié à ce mot futur, notamment avec ton label Futur. Ne défendrais-tu pas une vision du futur ?

Tu peux imaginer le futur, moi je préfère le rêver.

  • La dream pop, la dream wave, c’est quoi pour toi ?

En fait, je ne sais pas trop ce que cela veut dire, c’est super beau ce mot « dream wave ». Un jour, j’ai lu un article sur moi sur un blog cool d’Europe de l’Est, avec des gens qui me suivaient depuis mes toutes premières démos il y a 6 ans. Ils me présentaient comme un précurseur de la dream wave, et je me suis dit « Waouh, je suis un précurseur d’une musique que je ne connais même pas ». J’ai trouvé ça vraiment flatteur. Je suis tout de suite allé sur mon site pour dire que je faisais de la dream wave ! Ça m’a beaucoup touché alors que d’ordinaire les genres de musique, ça me saoule. Je suis très éclectique, si je n’écoutais que du rock, je serai peut-être plus dans les genres, ce que je pense être un truc de magasins de disques ou de journalistes. Moi les mecs que j’aime bien, ils font ce qu’ils sont, Com Truise il fait du Com Truise, il fait pas du 8-bit new trucs, tu vois. David Bowie fait du Bowie…

  • Parlons des visuels chez Pegase, tu avais réalisé la pochette de ton dernier EP avec la photo de ton père, quelle est la symbolique de la pochette de ton premier album où on voit un visage avec un carré de ciel ? Est-ce toi qui l’a faîte?

J’ai travaillé dessus, j’avais envie de faire moi-même cette pochette. Celle de l’EP (celle où on voit mon père), je l’avais créée avec Romain et mon frère. C’est une pochette que j’adore, faite en 25 minutes je pense. J’aime beaucoup quand les choses vont hyper vite. On a eu l’idée de prendre une photo d’identité de mon père au même âge et de la mélanger avec une peinture de mon frère. On s’est mis sur Photoshop et tac tac tac !

Pegase - Dreaming Legend EP

On avait demandé à mon père de nous ramener des vieilles photos et il savait pas pourquoi. Cette pochette m’a mis la pression pour l’album, car on s’est dit qu’on ne pourrait jamais faire mieux. On ne pouvait pas la garder pour l’album, car il y avait un clip que j’avais réalisé avec des images d’archive d’un court métrage de mon père, fait pour Amnesty International dans les années 70, que j’avais réussi à récupérer auprès du réalisateur.
J’ai sorti le clip de « Dreaming Legend », mon père l’a découvert sur YouTube en même temps que tout le monde, et comme la photo datait de la même époque, la pochette collait parfaitement avec le clip…

Comme c’est un album solo, je dois jouer 80% des instruments. J’ai fait l’enregistrement, le mixage, il fallait faire autant que possible le plus de choses par moi-même pour que cela soit le plus personnel possible, même si je ne fais certainement pas mieux qu’un mec qui sait faire des pochettes.
J’aime bien aussi tous les petits défauts d’un premier album, cela fait un peu bricolage, c’est chouette. J’ai toujours aimé la photo, mais je n’avais pas d’appareil. Je me suis renseigné auprès de potes photographes et j’ai trouvé un argentique assez cool sur le bon coin que j’ai payé que dalle, j’ai commencé à prendre des photos, en ballade, avec ma meuf, en tournée. On est allé se perdre dans des coins incroyables lorsqu’on a joué en Ardèche, j’ai essayé des doubles expositions et j’espérais, à chaque fois que je faisais développer mes photos, de tomber sur la pochette. Et ce n’est pas arrivé…

  • Du coup tu en as pris deux ?

Ce n’est pas ce qui s’est passé. Pour l’album de Minitel Rose, on avait loué une maison en front de mer face à l’océan en plein hiver pendant un mois et demi, au prix de la location d’une semaine en plein été ! On n’avait surtout pas dit qu’on était musiciens, mais écrivains venus se retirer. On avait réaménagé toute la baraque en studio d’enregistrement et on vivait au rythme de l’océan. Je suis donc retourné l’été dernier devant cette baraque avec ma nana et j’ai pris des photos du ciel, des photos d’elle, c’était juste un truc de couple, un peu cool, et elle m’a beaucoup inspirée pour l’album.

J’ai développé les photos avec celles du ciel que je trouvais super et un très beau portrait d’elle. Je me suis dit que si j’avais fait une double exposition, cela aurait été génial de les mélanger. J’ai voulu le faire dans Photoshop, mais je n’aime pas trop cela, car je préfère quand ça reste accidentel. Je recadre donc les photos en carré format vinyl. J’ouvre les fichiers, et bam, ils sont venus se coller comme cela. Il y a eu ce truc accidentel dont j’avais envie, celui d’être surpris… Et c’est devenu ma pochette d’album. Je n’ai rien retouché du tout, on voit même un accro de la pellicule.

Pegase - Pegase

  • Juliette Durand a chroniqué l’album à sa sortie en parlant de constellations (« Chaque morceau de l’album est essentiel, telle une constellation qui perdrait son nom en l’absence d’une de ses étoiles »). Est-ce qu’on peut parler de tes morceaux de musique comme d’étoiles qui brillent, avec différentes intensités ?

On peut penser ce qu’on veut (sourires). Je trouve cela très joli en tout cas. Je n’aime pas imposer les choses aux gens, j’aime bien le mystère et ne pas donner trop d’infos, pour laisser de la place à l’interprétation. Même dans ma composition – je sais que ma musique est parfois minimaliste – je pourrais me permettre plein de choses, mais j’aime bien que cela reste simple. Faut que la personne puisse chanter dans sa tête, soit maitre de la chanson, qu’il reste de l’espace pour la personne qui écoute. C’est une théorie de mon père en fait, il aime bien laisser de la liberté aux autres comme s’il y a avait encore de la place pour un instrument et que cet instrument ce soit l’auditeur…

  • Tu parles de laisser l’auditeur rentrer dans ton monde et justement sur scène, avec la nouvelle scénographie qui comporte beaucoup de miroirs, l’image du spectateur se trouve par le jeu des reflets juxtaposée à celle du groupe…

Pegase © Fred Lombard

Cela marche d’autant plus pour les premiers rangs qui se voient durant tout le concert dans les miroirs, et je trouve cela génial. J’avais appris que les chaînes de télévision boycottaient tout ce qui est super noir, car du coup le téléspectateur peut voir son image dans la télé, donc dans le programme qu’il regarde. Et personne n’est beau quand il regarde la télé, ça te donne juste envie d’arrêter ton poste…
Moi je l’ai fait à la base pour masquer les nombreux claviers avec des X noirs que je trouve hyper moches. Quand tu es un peu plus loin dans la salle, tu ne vois d’ailleurs même plus les miroirs. Et pour nous aussi, sur scène, c’est assez cool. Ça m’arrive de regarder mon guitariste sur le côté, mais en fait il est ailleurs. Il y a aussi des photographes qui ont fait des trucs sympas où tu vois le corps de mon claviériste avec la tête de mon batteur. Les gens se font avoir. Et mon éclairagiste projette de la lumière dedans, je trouve cela vraiment bien.


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans