[Interview] Pain-Noir

Fin novembre 2014, un bel album a fait une entrée discrète mais certaine sur la toile : Pain-Noir. Derrière ce nom intriguant, il y a François-Régis Croisier (ex St Agustine). Il nous livre un disque chaleureux, entièrement chanté en français. Pain-Noir offre une musique intime – le genre qu’on écoute et ré-écoute au coin du feu pour y découvrir à chaque fois de nouvelles facettes. Depuis, 2014 s’en est allé et Pain-Noir s’est vu citer dans les nombreux « tops 2014 » qui poussent à chaque fin d’année. On reconnaît les « vrais » coups de cœur sur la durée. Pain-noir en est un : comme sa musique, il se savoure doucement, au fil du l’eau. C’est ainsi que, deux mois après sa sortie, j’ai décidé de papoter avec François-Régis Croisier sur l’un de ces véritables chocs de 2014.

Pain-Noir - Pain-Noir

  • Qu’est-ce qui t’a amené à délaisser St Augustine pour Pain-Noir ?

L’âge, tout simplement. J’avais fait le tour de St Augustine. J’avais fait ça pendant huit ans et je trouve que c’est déjà trop long pour un projet. C’est un cycle qui s’était terminé et j’avais vraiment envie de passer à autre chose. Ça s’est fait très naturellement ; je ne me suis pas dit, « Tiens, je vais passer au français ». C’est un peu dur à expliquer… Il faudrait reprendre étape par étape. Il n’y a pas eu une grosse décision, ça a été une espèce de cycle logique.

  • Par rapport à St Augustine, il y a toujours ce côté folk qui te caractérise, mais j’ai trouvé ce projet plus personnel, presque plus mélancolique. Quel est ton avis là-dessus ?

Je ne sais pas si c’est plus mélancolique… Ce qui est sûr, c’est que, parce que c’est en français, ça ouvre des portes mais ça en ferme d’autres aussi – dans le sens où je peux dire beaucoup plus de choses avec plus d’épaisseur, mais cela empêche une espèce de lyrisme. En français, naturellement, je vais moins chanter haut, je vais moins aller vers des envolées car je trouve que ça ne marche pas avec cette langue.

  • Certains artistes français avouent se cacher derrière la langue anglaise car ils trouvent difficile d’utiliser leur langue maternelle. C’était ton cas ?

Oui, c’était complètement le cas. Maintenant, je me suis rendu compte que je pouvais aussi me cacher derrière la langue française. Avant, j’utilisais l’anglais pour ça et en même temps je me bloquais, ça me posait des limites. Alors qu’avec le français, en faisant un texte qui paraît très abstrait, voire étranger, je me rends compte qu’on met autant de soi dans ce type d’écriture, qui pourrait nous paraître lointain. Par exemple, quand j’ai écrit le titre « La Retenue », je n’avais pas l’impression de parler de moi. Et plein d’amis relèvent des sens que je n’avais pas forcément perçus. Donc, au final, je me cache un peu derrière toutes les possibilités de la langue.

Pain-Noir

  • C’est un album qui renvoie beaucoup à la terre, à l’environnement. Je le trouve très sensoriel. Comment as-tu travaillé là-dessus ?

Comme toujours : je n’ai pas travaillé ! J’ai presque envie de dire que ce n’est pas intellectualisé. J’ai peu de références en français, ça me vient comme ça. Ce n’est pas du tout réfléchi. C’est plus par rapport à mon environnement direct, à la manière dont j’ai tendance à voir les choses… Forcément, tout cela a une influence. Je me rends compte à la relecture qu’il y a plusieurs couches d’interprétations alors que l’écriture, elle, est assez naturelle et directe. Les différents degrés de lecture viennent après, inconsciemment.

  • Les visuels de l’album sont en sépia, ce qui donne une touche nostalgique. Comment s’est fait le choix des images ?

Ça s’est un peu imposé, ce sont des photos à moi. Des photos de famille. Sur St Augustine, j’utilisais déjà des clichés, souvent je dessinais autour et là, j’avais envie de couper tout ce qui serait inutile. Donc, on enlève le dessin, il reste la photo. Et puis ces images me parlaient beaucoup : ce n’est pas tellement le fait qu’elles soient sépia ou anciennes, c’est vraiment pour ce qu’elles pouvaient représenter pour moi. Ce n’était pas du tout réfléchi mais, à force de fouiller dans les photos alors que j’étais en train de faire le disque, ça s’est un imposé tout seul.

Pain-Noir

  • L’album est également sorti en vinyle. L’objet disque est important pour toi ?

Ah oui, beaucoup. Le vinyle, ça s’est fait par hasard : à la base, je ne devais faire qu’un EP pour Microcultures. Et puis l’enregistrement s’est tellement bien passé – j’ai fait ça avec un ami (Olivier Perez, du groupe Garciaphone) – qu’on a fait tout un album. Et comme, à la base, on avait un budget que pour faire un EP vinyle, on a un fait un disque vinyle. Donc ce n’est pas une histoire de snobisme ou autre. Après, que ce soit un CD ou un vinyle, je tiens à avoir un bel objet qui soit cohérent entre l’image et la musique. Il faut avoir envie de le sortir, de le manipuler. Pour le vinyle, je suis vraiment très content du travail de Microcultures.

  • Quel regard portes-tu sur cette nouvelle scène française qui chante en français ?

Je trouve ça génial. Il y vraiment plein de supers projets. Il y a toute une vague de projets chouettes avec des gens intéressants…

  • Par exemple ?

Ces temps-ci, il y a Alma Forrer que j’aime beaucoup. Il y aussi Orso Jesenska… Ce que je trouve vraiment intéressant, c’est qu’on a des bons groupes, des bons musiciens ; et il y a une vraie entente, même quand on ne se connaît pas. Il y a un très bon esprit parmi ces gens qui essaient de se réapproprier le français. Au final, il y a tout une scène qui est assez disparate mais bienveillante entre elle.

  • As-tu une tournée qui se prépare ?

Pour l’instant, je ne suis pas pressé. Et puis, je pense que le disque va vivre un peu sur la durée. Par principe, je refuse de participer à tous les tremplins, les choses comme ça qui peut y avoir. Et puis, je n’ai pas du tout une musique qui se prête à ça ; j’y vais petit-à-petit, tranquillement. Pour les concerts, c’est pareil : on va s’y mettre doucement pour faire de belles dates plutôt que d’enchaîner machinalement.

Pain-Noir


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Pauline Celle

Flâneuse digitale shootée à la musique.