Ofeliadorme – Bloodroot

C’est compliqué d’écrire une chronique sur un disque. C’est compliqué quand on a l’habitude de se baser seulement sur la sensation du live. Plus à mon aise face à un concert. Mais compliqué n’est pas impossible. Ça fait partie des choses à faire. Pas par obligation, mais par impression que si on veut développer son esprit critique ou juste son écoute, il faut passer par là. J’ai cherché le son qui me faciliterait la tâche. Un son facile à disséquer. Mais procéder ainsi aurait finalement été égoïste et hypocrite. Pas honnête pour le groupe. Pas honnête pour les lecteurs. Alors, il y avait cette nouvelle musique qui revenait. Que je revenais écouter bien souvent sur une page internet. J’aimais bien ce son. Pourquoi ? Je ne sais pas. En tout cas, il y avait sûrement là quelque chose à gratter.
Un soir, Fréd Lombard a posté un message « Qui veut chroniquer ça ? ». C’était Ofeliadorme. Et la chronique est celle qui va suivre.

Ofeliadorme - Bloodroot

Ofeliadorme est un groupe italien. Dossier de presse en anglais ou italien. Ça va de soi. Site en anglais. Ça va de soi aussi. Le champ était donc libre pour que je puisse me plonger dans « Blootroot » sans idées préconçues. Sans arrières pensées. Sans connaître l’avis des autres. Totalement libérée, vidée de ce poids des critiques qu’il faut écrire. J’écris donc seulement ce que j’écoute.
Avant de fuir dans ma subjectivité, je vous précise qu’Ofeliadorme c’est quatre personnes. Ils viennent de Bologne et Bloodroot est leur deuxième disque. 9 titres sortis en mars 2013.

Bloodroot dit tout ou presque. Sanguinaire. Blood comme le sang qui palpite dans une musique instinctive. Root comme cette voix et ces paroles qui nous ramènent à ce qu’il y a de plus épuré.
Dès le premier morceau, «Last day First day», Ofeliadorme nous envole. Une musique qui revient comme une danse chamanique passée en sourdine. Une voix envoûtante qui nous ouvre les portes du voyage. Envolée onirique. Il y a de ça chez ces Italiens, ne jamais vraiment savoir si, ils nous parlent d’ici-bas, ou bien de là-bas, de là-haut. Introduite et clôturée par une rythmique, exquise esquisse de battements de cœur, l’ouverture de l’album est très séduisante.
La suite tantôt plus vitalisée, plus enchantée (comme peut l’être «Bloodroot», morceau éponyme), tantôt plus raffiné («Magic Ring»). Broderie d’un autre temps aux guitares électriques.

Si on parle d’une musique épurée, l’album n’est en aucun cas minimaliste. C’est bien là le paradoxe d’Ofeliadorme. Ils nous donnent ce qu’il a de plus léger, par une musique explosante de richesses. Parfois c’est une batterie. Parfois c’est une guitare qui se découvre. Parfois des notes de banjo. Ce qui est sûr, c’est que le quatuor transalpin joue de la transe. Des rythmes affûtés par un jeu engagé qui reviennent comme des boucles. Une voix qui nous drague, sans relâche, et qui arrive à nous séduire très rapidement. Tout est si parfaitement décortiqué, si parfaitement précis. Trop précis ? Des instruments qui se laissent la place, se laissent le temps, laissent le temps au silence. Même si la musicalité sent l’instinct, il n’y a pas grand-chose de viscéral. Beaucoup plus serein. Et ça fait aussi du bien. Le calme sans attendre la tempête.
En écoutant Ofeliadorme, on a cette impression de rentrer dans un tourbillon infini. On y a mis un pied. À présent, il nous semble impossible d’en sortir. La musique nous pousse dans ce qu’il y a de plus profond. Les mélodies sont en nous. Y pénètrent.

Ce qu’on regrette peut-être, c’est de marcher sur une poutre. Et non sur un fil. Ici tout est propre et pur. Rien ne s’écorche. Rien ne dépasse. Pas grand-chose de brut. Aucun risque de tomber. La voix est posée et restera dans ce sillon les neuf titres durant. Autour se jouent des instruments merveilleusement bien réfléchis. Merveilleusement oui, mais réfléchis aussi.
Bloodroot, on ne peut pas dire le contraire, c’est bon. C’est tendre. Mais ne tentez pas une écoute trop prolongée, au risque d’en sortir ennuyé.

Ofeliadorme

« Bloodroot » d’Ofeliadorme est sorti le 22 mars 2013 chez The Prisoner Records.

ofeliadorme.it
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Juliette Durand

étudiante en cinéma, arpenteuse des scènes parisiennes et passionnée des musiques qui prennent aux tripes