Pari osé, pari gagnant. Amis d’enfance, les trois Allemands de Nonkeen réveillent leurs démons pour créer le merveilleux « The Gamble », fête lumineuse de machines et de bidouillages, ambiancée par la douceur déstructurée du jazz.
Sous un essor de LED qui se délient sur trois couleurs vives, la pochette de « The Gamble » rappelle ces murs de lumière qu’on apercevait enfant, assis sur le Daffy Duck d’un manège qui tournait à n’en plus finir pour justement défier au mieux le pompon de la deuxième chance. C’est tout à son image que Nils Frahm nous invite dans sa fête foraine. Elle fait partie d’une autre sphère et ne ressemble aucunement à celle du Trône. Plus douce et introspective, elle invoque des sons et des rires que l’on ne soupçonne pas, qui nous étreignent de leur finesse et de leur douceur de vivre. On peut de nouveau se le dire : la maison Frahm a encore frappé. Bien qu’on ne retienne que son nom, il y a à bord de Nonkeen deux autres érudits et amis d’enfance du cher Nils : Frederic Gmeiner et Sepp Singwald, tout aussi férus de machines, de radios et de bidouillages depuis leur rencontre dans une école primaire d’Hambourg.
L’évènement déclencheur de cette délicieuse réunion fait directement écho aux pressentiments échafaudés par le visuel : lors d’un concert alors qu’ils avaient quinze ans, deux personnes tombèrent violemment de la scène suite à la rupture accidentelle d’un manège. Très affectés, les trois amis prennent la décision d’arrêter de jouer ensemble. Mais leur tête d’enfant ne savait pas encore que cette rupture en serait plus que bénéfique. Cet accident, si tragique qu’il soit, a façonné pour ainsi dire le génie collectif de « The Gamble ». Pari osé et surtout gagnant. L’ensemble des mélodies, façonnées sur cassettes et construites sur des premières prises, est imprégné du jazz par son rythme et sa temporalité. Néanmoins, l’authenticité du bricolage sonore amène le projet vers quelque de plus abstrait et chimérique. Les neuf pistes du joyau électronique déploient une douce rugosité (« Ceramic People », « Chasing God Through Palmyra ») qui peut se révéler très légère par moment et presque gazeuse (« This Beautiful Mess », « Pink Flirt »).
Album tridimensionnel avec plus de facettes que la couleur elle-même, « The Gamble » peut tout aussi bien avoir les pieds sur terre que dans l’air. Il est surtout et encore impressionnant de voir ce que la musique peut faire aux sens. Elle les décuple forcément, mais plus précisément, elle les place dans un ballon de baudruche prêt à exploser. Et Nonkeen sait bien que l’explosion ne sert qu’à propulser et perdre ce qu’il y a de plus cher : la magie. Sa solution est là, dans la retenue.
« The Gamble » de Nonkeen est disponible depuis le 5 février 2016 chez R&S Records.
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