Les gens ont l’habitude de penser que la qualité d’un morceau réside dans sa capacité à délivrer des sonorités fortes et exaltées d’harmonies. Cela ne veut rien dire. Aussi objective qu’elle soit, elle se mesure à l’émotion et au respect qu’elle apporte aux pauses du son. Le silence lui donne vie, c’est son système respiratoire. Noémi Bolojan a bien compris le procédé : « Within » compile cinq pièces d’une fraîcheur incontestable, qui laissent du temps au temps, sans le froisser ni même le bousculer. Elle réussit une osmose édifiante entre son piano et l’air qui l’entoure.
« Lights », comme son nom l’indique, porte l’incandescence de l’album. Une incandescence mesurée qui démarre lentement et finit doucement, comme actionnée par le petit moteur d’une boîte à musique. L’un et l’autre portent le même charme, le même destin. Ce crescendo de délicatesse présente d’emblée le double rôle que le silence jouera ensuite sur le reste de l’album, et parallèlement dans son processus de création. À cet effet, Noémi déclare : « En improvisant, vous jouez spontanément. Vous êtes donc susceptible de frapper quelques mauvaises notes. Dans ce cas particulier, le silence devient une double vérification : tandis que vous vous placez entre un acte d’un pur enchantement et la découverte de soi, en ne faisant plus qu’un avec votre muse, vous vous retrouverez dans l’instantanéité du jeu. Cependant, le silence est un outil puissant que j’utilise principalement pour créer des nuances et des expressions. »
Yeux brillants sur ses plus grands compositeurs, Noémi trouve la motivation de composer en écoutant s’exprimer leur avidité ; mais aussi, et bien sûr, en s’inspirant de la vie de tous les jours. Il est fort de constater que cette dernière inspiration revient souvent, presque systématiquement, quand la question est posée à tout artiste. C’est la preuve que ce quotidien, aussi banal qu’il puisse nous paraître, regorge d’une multitude de matières que nous attrapons à la volée, dans les moments furtifs et inopinés de nos semblables, dans la ronde qu’il forme, dans l’art brut qu’il délivre inconsciemment au jour le jour. C’est invisible pour la plupart, mais les artistes comme Noémi savent et éprouvent ces choses, comme un sixième sens. De ce filtre sort alors la suite de « Within », quatre autres morceaux d’une délicatesse pudique, mais relevée par la franche précision du son. La cinétique emboîte aussi le pas sur une impression plus subjective, car elle touche les émotions. À chacun sa vision des choses, les images feront le reste.
Il ne nous suffit donc qu’à revêtir un esprit vagabond, qui se laisse porter par les réverbérations des notes que le calme décortique et allonge. Des notes que « Within » égoutte sur une pensée qui s’imbibe, grossit et s’imprègne de taches émotives. Ces auréoles dessinent un paysage viennois, celui de Noémi Bolojan. Un paysage intime et touchant. Un paysage qui en dit long.
« Within » de Noémi Bolojan est disponible depuis le 22 avril 2016 chez 1631 Recordings.
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