[EP] Nina Johansson – Nina Johansson

Il peut arriver, parfois, que l’on se retrouve happé par l’univers d’une artiste avec, comme seule source de découverte, un titre qui nous comble et nous pétrifie, tant sa beauté et sa pureté nous confondent et nous émeuvent aux larmes. Avec Nina Johansson, on attendait le meilleur ; pourtant, c’est bien la perfection et l’intensité sensitive qui nous saisissent à l’écoute d’un premier EP éponyme aussi troublant et fascinant qu’une pluie d’étoile filantes, dans un ciel obscur, alors que le silence nous entoure. Une œuvre exceptionnelle, personnelle et bouleversante.

crédit : Nicolas Berat

Il aura suffi d’une chanson, « One Step Too Low », pour que la jeune Suédoise installée en France Nina Johansson vienne déstabiliser l’électro actuelle, mais surtout l’art dans son ensemble : une piste sombre, dont le message humaniste et périlleux nous a hantés pendant de longues nuits blanches, sans que l’on puisse s’en détacher. De bon augure pour un EP attendu dans quelques jours et que l’on découvre, enfin, un soir de solitude et d’introspection. Le choc n’en est que plus violent ; car, malgré ce premier extrait déjà prometteur, rien ne laissait supposer de quelle manière l’opus éponyme de la musicienne ferait de la lave et de la glace les ingrédients essentiels de mélodies immédiatement accrocheuses, heurtant nos sens et nos convictions afin de nous amener à dériver, naufragés proches de la noyade mais bientôt secourus par le chant d’une sirène capable aussi bien de nous amener vers une île inconnue qu’au fin fond de l’abysse.

C’est bien un piano solitaire qui nous convie à cette soirée à demi-éclairée par quelques chandelles disséminées ça et là, autour de nous, avant que le timbre de Nina ne s’enroule autour de nous : « Would You Follow », telle est la question qu’elle nous pose, invitation à parcourir tant de couloirs obscurs, à ouvrir les portes de chambres toutes aussi différentes les unes que les autres. Notamment celle de la violence physique et de ses séquelles dans le bouleversant « One Step Too Low », dont la compositrice nous parlait il y a peu ici. Seule incursion véritable dans le trip-hop, cette dénonciation de la souffrance et des blessures morales et physiques d’une victime anonyme nous avait totalement déstabilisés avant de fédérer, par son propos, chacun de nous autour de la proie sans défense et de cette terrible histoire, œuvre de fiction pourtant si réaliste. Mais l’amour, celui que l’on espère, celui que l’on fantasme avec perfection et dévotion, hante les nappes d’orgues et de boucles inversées du formidable et marquant « Johnny »,à quelque secondes d’une révélation finale, « It’s Not Our Time », lumière au bout d’un tunnel résonnant encore des complaintes intérieures d’une chanteuse et auteure incomparable avec les cordes envolées, dissonantes parfois mais toujours complémentaires du don de soi que fait la jeune femme dans ce souffle ultime, dans ce frisson qui traverse tout notre corps et notre cœur.

Il reste, dans les recoins de nos esprits, les fantômes d’harmonies apaisantes, revigorantes et thérapeutiques qui, une fois apprivoisées et contemplées, s’insinuent dans chaque espace cérébral et sensoriel. Les effets secondaires du premier effort de Nina Johansson sont multiples, mais indispensables à un équilibre mental et physique parcourant nos membres et nos âmes afin de les réconforter, de leur faire oublier leur éternelle solitude. Shamane spirituelle et musicale, elle nous transcende, nous fait découvrir le meilleur de nous-mêmes lors d’expériences métaphysiques où il faut aussi bien travers ses propres ténèbres que les éclats de vies brisées mais chargées d’espoir. Un EP indispensable, entre imaginaire et humanisme, que l’on n’est pas prêt d’oublier ; et que l’on a hâte d’admirer le 10 avril prochain sur la scène des Trois Baudets.

crédit : Nicolas Berat

« Nina Johansson » de Nina Johansson, sortie le 14 avril 2017 chez Abbesses Music Publishing.


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Raphaël Duprez

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